b) L'acte lexique s'élabore dans la production de sens.

Face au texte, l'enfant est donc dans la situation de chercheur. Les méthodes globale et syllabique se rejoignent, dans la mesure où toutes deux cherchent à faire comprendre à l'enfant qu'il existe une correspondance entre le son et la lettre.

La nouvelle conception cherche au contraire à installer chez l'enfant un comportement visuel et non plus qu’il oralise ni même ne subvocalise. A la seule vue du mot, le lecteur doit être non seulement en mesure de l'identifier comme une chaîne écrite mais capable de donner la signification. En d'autres termes, ce n'est pas parce que "je" déchiffre un mot que j'en comprends sa signification. Le lecteur, comme le débutant lecteur, doit anticiper, c'est à dire être en mesure de se créer des hypothèses prédisant le sens à donner à tel ou tel mot, expression ou phrase. En faisant des inférences avec le reste du contenu du texte (image, contexte, reconnaissance de mots déjà connus) il pourra vérifier la validité de ses hypothèses. A partir de cela, on comprend que la lecture n'est pas seulement un mouvement linéaire et séquentiel suivant imperturbablement la ligne écrite (SMITH F. 1990). La réflexion -ce qui se passe derrière les yeux- et des aller retour -les yeux qui voyagent dans le texte- sont nécessaires à la compréhension du texte.

Cette démarche échappe donc à l'acte de déchiffrement où l'enfant ne sera pas amené à décomposer d'une manière ou d'une autre (approche synthétique ou analytique) le système graphique pour retrouver sa correspondance dans le système oral. A en comprendre les auteurs, le signe graphique minimal est le mot. Par un renversement du raisonnement classique sur l'acquisition de l'acte lexique, Jean FOUCAMBERT ajoutera "qu'en réalité pour pouvoir commodément déchiffrer un mot, il faut déjà savoir le lire ou savoir de quel mot il s'agit"199 . Il faut pour cela mettre l'enfant dans des situations de sens, c'est à dire faire en sorte qu'il pratique la signification du texte.

Lorsque l'enfant apprend à parler, il intériorise, intègre des formulations orales par imprégnation due au bain culturel et linguistique qu'il interroge parfois. Mis en situation d'interaction orale et d'expression, il élabore progressivement son vocabulaire, sa syntaxe. A vouloir faire de la signification dans ces situations d'interaction avec ses pairs ou avec des adultes, il élabore implicitement son langage ; on pourrait dire sans enseignement. Pour l'apprentissage de l'acte lexique, dans cette nouvelle conception, il en est de même. Sa réflexion et son questionnement sur l'écrit seront la résultante d'un bain lectoral." Il découvrira très tôt qu'il existe une correspondance entre la parole et l'écrit (et non la lettre et le son200 ) en particulier lorsque tout jeune, il se fait lire des histoires par un adulte."201

Notes
199.

FOUCAMBERT, (J.).- La manière d'être lecteur.- Albin Michel, 2ème Edition, 1996, page 76.

200.

C'est nous qui ajoutons et soulignons.

201.

BEAUME, (E.) .- La lecture, préalables à sa pédagogies.- A.F.L., 1986, page 172.