6-2 Là où l’élaboration des représentations affine le projet de sens du débutant lecteur.

Les idées approximatives sur la lecture entraînent les enfants vers les difficultés. Répéter ce que le maître ou un autre enfant vient de lire n’est pas apprendre à lire. Se rappeler uniquement ce que la maîtresse a lu n’est pas de l’apprentissage de la lecture à proprement parler. Se raconter des histoires ou les inventer, ce n’est pas lire non plus. En rester là risque de conduire l’enfant vers des difficultés probables. Certains parmi eux échouent ou éprouvent de la difficulté parce qu’ils n’ont pas intégré que lire, c’est comprendre, c’est donner du sens à, en s’appuyant sur la pertinence des signes linguistiques écrits. Il semblerait donc que la réussite de l’apprentissage de l’acte lexique soit conditionnée par une prise de conscience de trois aspects fondamentaux. Tout d’abord, Il est nécessaire que l’enfant ait une conscience métalinguistique et métacognitive de la lecture. Même s’il n’est pas capable de l’exprimer, il est nécessaire que l’enfant ait construit son propre projet de lecteur, qui fasse sens pour lui. Il doit également perfectionner ses représentations dans des séries de réussites et erreurs qui s’élaborent dans un tâtonnement expérimental, où l’adulte est plus présent comme médiateur que transmetteur de connaissances. La dimension psychosociale ne doit pas non plus être oubliée. Les auteurs nous en rappellent trois. S’appuyant sur des travaux 216 d'Emilia FERREIRO, ils évoquent, dans un premier temps, le fait que certains enfants interprètent, à leur façon, le fonctionnement de la langue écrite, sans qu’aucun adulte soit intervenu ; inconsciemment, ils ont leur propre raisonnement sur l’écriture. D’autres enfants s’inspirent de ce que la famille ou l’école véhiculent de stéréotypes; par exemple, lire c’est syllaber - faire du "b a ba" - ou encore, pour apprendre à lire, il faut bien écouter la maîtresse ou obéir, ou encore réciter. Enfin, les dernières représentations mentales touchent les éléments de la socialisation de l’enfant. "L’élaboration du projet de lecteurs serait inséparable d’autres processus psychosociaux (image de soi, rapport à l’environnement socioculturel, insertion sociale.."217. Prenant en considération ses dimensions, on perçoit, par conséquent, l’effort demandé à l’enfant pour qu’il intègre un autre système de représentations si le sien ne correspond pas tout à fait à celui qu’il côtoie à l’école ; "Il doit se défaire ou se défier des fausses informations transmises par une partie de son entourage et conquérir une position d’acteur social, un statut de sujet autonome agissant dans son environnement"218.

Notes
216.

FERREIRO, (E.).- La découverte du système de l’écriture par l’enfant.- In Apprentissage et pratiques de la lecture, MEN, CNDP, 1980.

217.

CHAUVEAU (G.) et .ROGOVAS-CHAUVEAU (E).- Les idées des enfants de 6 ans sur la lecture écriture, réflexions sur la pratique.- Psychologie Scolaire N°68 2ème trimestre, 1989, page 24.

218.

Op. Cit. page 24.