8-2 La première méthode : Une investigation fondée sur l'évaluation des compétences lectorales à partir de l'épreuve du E 20 251 .

Présentée sous forme de 20 planches comportant chacune 4 dessins au-dessous desquels une phrase figure, l’épreuve E 20 consiste à évaluer de façon rapide la compétence en lecture d’enfants d’âge scolaire. Il s’agit simplement, pour lui, de cocher le dessin correspondant le mieux à la phrase écrite. La présentation lui permet de gérer au mieux différentes modalités de lecture (retours en arrière possible, corrections, inférences texte-image). Il prend le temps qui lui est nécessaire. La vitesse à laquelle il réalise l’épreuve donne simplement une indication et n’est pas traitée directement, même si nous sommes conscient de l’importance de cette variable."Le but visé est l’évaluation de la compétence et non de la performance des lecteurs. Il s’agit pour nous, de déterminer le type de stratégies disponibles pour les enfants, tant au niveau de l’identification des mots qu’au niveau de la compréhension" 252.

A. KHOMSI repère trois types de stratégies en situation de compréhension orale (lexicale, morpho-syntaxique, et narrative) qui se reporteront à l'évolution de l'enfant. Cette évolution génétique de la compréhension est fondée sur la taille linguistique traitée. Ces trois stratégies apparaissent successivement entre 3 ans et 7 ans ; elles s'appuient sur une prise d'indices, un traitement linguistique de taille et de fonctionnement différents. L'enfant, au moment de l'apprentissage de la lecture, a normalement dépassé le stade lexical correspondant à la phrase-mot. Par conséquent, on ne tiendra pas compte directement de cet aspect de la langue qui sera remplacé par des phrases de la première catégorie ci-dessous. Pour ce faire, l’épreuve recense différentes formes d’énoncés 253 regroupés en trois catégories.

6 énoncés à contenu morpho-syntaxique

  • n° 1 Les enfants mettront leurs chaussures.
  • n°2 Le monsieur va partir.
  • n°3 La petite fille le regarde.
  • n°6 La voiture est poussée par le camion.
  • n°9 La petite fille lui brosse les cheveux.
  • n°12 Le camion est suivi par la voiture.

Ces phrases simples constituant ces énoncés doivent être comprises par l’enfant, qui est tenu de prendre en compte la valeur syntaxique de chaque mot. Les pronoms, les terminaisons (genre et nombre) sont des entités qu’il est obligé de comprendre pour réussir.

7 énoncés à contenu méta-discursifs

  • n°5 La petite fille est-elle tombée?
  • n°8 L’ours dort.
  • n°11 Maman a dit que je mette ma veste.
  • n°13 L’enfant joue.
  • n°15 Qui est cette fille?
  • n°18 Mais où est le poisson que j’avais posé sur ce plat ?
  • n°20 Pourquoi as-tu cassé le jouet de ta sœur ?

Pour ces énoncés, qui sont en lien avec une image, il est nécessaire que les enfants se décentrent par rapport à eux, tout en faisant une analyse fine mettant en rapport les images, leur contexte d’énonciation et l’énoncé en lui-même. "La difficulté ne réside donc pas dans l’énoncé mais dans la prise en compte de son rapport au contexte image"254.

7 énoncés ou (micro-récit) à contenu narratif.

  • n°4 La petite fille à qui le garçon a tiré les cheveux a des lunettes.
  • n°7 Le chat dont j’ai tiré la queue m’a griffé.
  • n°10 Luc a lancé son ballon trop fort. Le carreau s’est cassé. Sa maman l’a grondé et puni.
  • n°14 Je mange des cerises que maman cueille.
  • n°16 Après avoir traversé la rue, le garçon va à la boulangerie pour acheter des bonbons.
  • n°17 La petite fille, dont c’est l’anniversaire, a invité ses amis. Ils vont manger un gâteau.
  • n°19 Le facteur a apporté une lettre à Antoine qui l’a lue et l’a posée sur un coin de la table.

Pour comprendre ces énoncés, l’enfant doit traiter les propositions et, d’autre part, tenir compte du déroulement dans le temps des différentes phrases d’un même énoncé. De plus, il est nécessaire qu’une prise de conscience s'opère entre l’énoncé et les différentes images qui suggèrent des décalages de sens très proches, qu’il fasse ce qu’on appelle des inférences.

L’analyse statistique ayant permis d’étalonner cette épreuve sur une population d’enfants de C.P. montre que, sur les 20 énoncés, 12 sont compris majoritairement dès le CP. Pour évaluer le niveau de compréhension de lecture, 5 notes ont été établies en fonction de leurs réponses. Tout d’abord, la note Nlg correspond aux 12 énoncés pouvant être compris par les enfants de fin de C.P.. Les 6 morpho-syntaxiques ( n°1, n°2, n°3, n°6, n°9, n°12), les 5 méta-discursifs ( n°8, n°13, n°15, n°14, n°18, n°20 ) ainsi que l’énoncé à contenu narratif n°14 en font partie. Ils sont majoritairement réussis dès la fin du cours préparatoire. Par exemple, le n°8 « l’ours dort » 255 demande des compétences minimales de lecture. Elle demande également des compétences grammaticales implicites précises puisque, en lui montrant 4 dessins, dont un présente deux ours dormant, il lui faut reconnaître la présence du singulier.

Les 8 autres ( n°5, n°11, n°4, n°10, n°14, n°16, n°17, n°19) demandent, de la part de l’enfant, l’élaboration d’inférences. Il doit prendre en compte toutes les données de la phrase écrite, pour en dégager le sens global et non parcellaire. Il a à faire à un micro-récit, où il doit non seulement être attentif à l’observation de la gravure mais utiliser un raisonnement déductif, lui permettant implicitement de reconstituer des successions temporelles ou causales. Par exemple, dans l’énoncé n°7« le chat dont j’ai tiré la queue m’a griffé »,256 la succession de deux actions, circonscrites dans deux propositions distinctes le chat m’a griffé et dont j’ai tiré la queue, s’inscrit bien sur un axe temporel et les propositions sont liées l’une à l’autre par un facteur de causalité. En le comprenant dans sa globalité, l’enfant choisit en connaissance de cause le dessin le plus significatif. Le décodage syllabique et la reconnaissance lexicale ne suffisent pas à la compréhension de cette phrase. Les enfants qui traitent sans problème particulier cet énoncé et les autres ont donc bien dépassé l’identification lexicale, pour mettre en œuvre des stratégies de compréhension du niveau de complexité exigées par les traitements inférenciels (liens logiques, construction de chaînes causales, prise en compte de la temporalité et de la succession des événements, rapport texte-image). Ces énoncés constituent dans cette épreuve la note Nlf .Les deux autres sont prises en considération dans ce type d’épreuves. Tout d’abord, l’addition des notes ( NLg + NLf ) constitue une note N de compréhension globale de lecture. Enfin, la note DA indique le nombre de réponses aberrantes et permet d’identifier les enfants à risque, insuffisamment outillés sur le plan lexical et syntaxique pour comprendre les énoncés. Enfin, la note Tps donne une indication sur le temps passé par l’enfant au cours de l’épreuve. Celui qui l'a brillamment réussie en très peu de temps développe des compétences lectorales performantes. Un autre, dont les résultats seraient inférieurs à l’écart type de la classe avec un temps minimum peut interroger le chercheur, le psychologue ou, tout simplement, l’enseignant.

Le dépouillement des résultats consiste donc à prendre en compte ces 5 notes (Nlg, Nlf , N, DA, Tps) et à choisir, pour les besoins de l’étude, les enfants qui se situent au-dessous et au-dessus de l’écart-type de chaque classe.

En conclusion, cet outil puissant et pertinent permet rapidement de connaître le niveau de compréhension d’un énoncé pour un enfant. La lecture des notes désignant l’utilisation de stratégies inférencielles et le nombre de désignations aberrantes nous renseignent sur "la maturité de lecture des enfants". A l’origine construite pour répondre à une demande de la part des professionnels de la rééducation, développée dans le cadre scolaire, en soutien ou aide psychopédagogique et même orthophonique, cette épreuve peut se pratiquer dans le cadre d'une passation collective ou individuelle. Elle permet ainsi de détecter les enfants à risques d’une manière rapide et peu onéreuse. Elle présente donc un double intérêt dans notre étude : sa rapidité de passation et sa fiabilité, puisqu'elle se trouve, à notre connaissance, l’une des dernières 257 mises au point par un département de psychologie universitaire. L’auteur reconnaît que ce nouveau type d’épreuve permet de discriminer les lecteurs débutants 258 et des confirmés et, d’autre part, les mauvais lecteurs des bons lecteurs 259 . Evaluer la lecture, ce n’est pas seulement mesurer la capacité d’identification des mots et la rapidité de traitement de l’enfant. Quand tout lecteur a un texte sous les yeux, c’est bien pour en comprendre le sens. Les inversions de lettres, les confusions visuelles et auditives, les erreurs de sons complexes (aim, ein, ent etc.) ainsi que les omissions ou les ajouts ne sont pas traités dans ce genre d’épreuve, qui s’attache à évaluer plus précisément la compétence lexique en présentant différents styles d’énoncés (morpho-syntaxiques, méta-discursifs, et narratifs). En ce sens, il répond le mieux à nos exigences de recherche, de trouver dans un premier temps des enfants en situation de grande réussite et en situation d’échec en lecture. A lire J. GREGOIRE 260 , les épreuves de lecture ne s’intéressent pas toutes à la compréhension de l’acte lexique. Celle-ci semble être la plus aboutie puisqu’elle prend en compte l’identification de mots et la compréhension, qui sont les deux capacités essentielles de l’acte lexique.

Notes
251.

KHOMSI, (A.).- Epreuve collective d’évaluation de la compétence en lecture: lecture de mots et compréhension.- Paris, ECPA, 1990.

252.

KHOMSI, (A.).- Evaluer la compétence de lecture ; travaux de psycholinguistique N°2.-, 1989, page 65, Département de psychologie de l’université de Nantes.

253.

Op .Cit. pages 64-66.

254.

Op.Cit page 68.

255.

KHOMSI, (A.).- Epreuve d’évaluation de la compétence lexique, livret enfant.- planche 4, phrase 8.

256.

KHOMSI, (A.) .- Epreuve d’évaluation de la compétence lexique, livret enfant.-, planche 4, phrase 7.

257.

L’auteur a édité depuis une autre évaluation consistant à tester les compétences scolaires aux cycles des apprentissages fondamentaux. Il s’intitule ECS. Cycle II Edition du Centre de Psychologie Appliquée.

258.

KHOMSI, (A.).- Epreuve collective d’évaluation de la compétence en lecture: lecture de mots et compréhension.- Paris, ECPA, 1990.

259.

SPENGER-CHAROLLES et KHOMSI.- Les stratégies d’identification de mots dans un contexte imagé: comparaison entre bons et mauvais lecteurs.- in L.RIEBEN et C.A.PERRETI (EDS), L’apprenti lecteur. Recherches empiriques et implications pédagogiques (PP 307-329 Neuchâtel, Delachaux et Niestlé. 1989.

260.

GREGOIRE, (J.) .- Les diagnostics des troubles de l’acquisition de la lecture.- in Evaluer les troubles de la lecture, les nouveaux modèles théoriques et leurs implications diagnostiques, DEBOEK Université, 1994, pages 33-50.