9-4 Les enfants sélectionnés 275 .

Pour plus de clarté, les enfants de chaque école ont été regroupés au titre du GROUPE I et du GROUPE II. Ils sont donc répartis par école comme le montrent les tableaux ci-dessous. Concernant les âges, on peut également noter qu'il n'y a pas de différence notable entre les deux groupes. En regroupant les mois de naissance, on note un Khi2 = 3,53 (dl = 3 et =.010, le Khi2 théorique =11,34). D'un point de vue statistique, le Khi2 étant inférieur Khi2 théorique, il n'y pas de différence significative entre les deux groupes. Cependant, malgré l'absence de différence, il est à noter avec relativisme, que la maturité affective et cognitive peut-être un élément fiable modulant la réussite au CP.

En effet, des auteurs (DUTHOIT, 1989 ; TISON, 1988) ont montré qu'entre les enfants nés en janvier février et ceux du dernier trimestre, la différence dans le taux de redoublement du C.P. est de 5,6 %. Cela dit, ce phénomène est beaucoup plus marqué chez les sujets issus de catégories "défavorisées" (ouvriers, personnel de service, salariées agricole, inactifs et divers). Ainsi, l'impact de l'âge se trouve quelque peu contrecarré et ne concerne qu'un type de population.

  N Nlg Nlf
Ecart-Type (ET) 3,32 2,55 1,48
Moyenne (X) 11,47 8,78 2,79
ET+X 14,79 11,33 4,17
X-ET 8,10 6,23 1,21

Comparativement à la population dont l'auteur du E20 s'est servi pour étalonner son épreuve, le tableau 276 ci-contre peut servir de référence. La moyenne des notes des enfants sélectionnés au titre du GROUPE I est nettement supérieure au groupe de référence utilisé par l'auteur. La remarque inverse est également vraie pour les enfants sélectionnés du GROUPE II.

Il est intéressant de comparer les deux groupes par rapport à leur note N ayant servi de référence jusqu'ici. Comme nous sommes en présence d'une distribution normale paramétrique, le test du |t| de student convient parfaitement. Comme cela était à prévoir le |t| de student pour les deux groupes est de 18,11 alors que le |t| théorique =2,66 pour =.010 et un dl = 60. Les courbes ci-dessous, quant à elles, illustrent les écarts pour les quatre catégories de notes de cette épreuve.

A l'issue de cette sélection, une réflexion s'impose quant à la difficulté rencontrée pour constituer un effectif de parents pour le GROUPE II. Manque de coordonnées fiables, rendez-vous remis à plusieurs reprises, portes closes, filtrage d'appels téléphoniques, peur de démarche commerciale, barrage de la langue, autant d'indices montrant sans doute une rupture entre vécu scolaire et vécu familial. Dans ce refus de coopération, l'apprentissage de l'acte lexique est dépassé. Ne voit-on pas, à travers cette difficulté de communication, que le rapport de sens que se font les parents du lire-écrire est bien autre chose que la compréhension de signes graphiques sur un support ? L'habitus du lire-écrire de chaque famille s'élabore sur le rapport de sens culturel qu'elle tisse avec lui. On peut risquer ici une interprétation donnant aux conditions d'élaboration de l'apprentissage de la lecture une dimension de sens culturel. Deux cultures s'opposent ; l'une, par décision socio-politique veut imposer son ordre et sa logique, l'autre fait de la résistance passive, se repliant sur elle-même, montrant qu'elle n'a besoin de personne pour dicter sa conduite culturelle.

Le lire-écrire est un moyen d'entrer dans une société codifiée parce que ce qui est écrit reste et apporte la preuve, tout en organisant le temps, l'espace et la loi. La parole émise, quant à elle, a moins de valeur dans une société dont il est important de respecter les règles prescrites. Elle fait partie du présent, du vécu spontané, comme on peut l'entendre dans une société orale 277 ; dans notre société, elle n'a valeur que de persuasion, elle perd toute justification contractuelle. Les parents du second groupe ayant accepté la rencontre dévoilent une partie d'eux-mêmes et leur vécu avec le lire-écrire, mais en aucun cas ne représentent en quoi que ce soit ceux qui ont refusé l'entrevue. Chaque enfant, qu'il soit dans l'un ou l'autre groupe, vit dans sa famille une alchimie culturelle complexe, qui lui est propre. De son côté, chaque famille a sa cohérence de fonctionnement et se rallie plus ou moins fortement aux us et coutumes de la société, quitte, pour certaines, à être quasiment marginalisées.

Notes
275.

Cf. ANNEXES N° 8 et N°9 TOME II, tableau des résultats de la passation du E 20 pour les enfants sélectionnés.

276.

KHOMSI, (A.).- Evaluer la compétence de lecture ; travaux de psycholinguistique N°2.- 1989, page 65, Département de psychologie de l’université de Nantes page 74.

277.

Dans les sociétés où l'oral fait loi. Des dispositions symboliques ont été prises. Un lieu ( l'arbre à palabres, où la case du chef, un conseil réunissant des "sages"). L'authenticité de la parole est gardée , sauvegardée, transmise et rappelée par ses témoins. Ce fonctionnement est possible dans une société réduite numériquement et géographiquement. Cela ne peut pas être le cas pour une société complexe comme la nôtre.