12-4 La famille BONNE 322 . Apprendre à lire ; une quête d'autonomie rapide sans soutien réel.

‘"Apprendre à lire, c'est s'avoir s'ils ont envie de prendre un livre, se débrouiller tout seul pour pouvoir lire l'histoire".’

Madame Bonne assiste seule à l'entretien. Son mari reviendra de son travail, mais ne nous adressera nullement la parole. Delphine, l'aînée des enfants, reste par curiosité, sans mot dire, pendant tout l'entretien, qui se déroule dans la salle à manger au premier étage de leur petite maison. La famille est ici depuis quatre mois. La fenêtre donne sur le petit jardin familial. Cela les change largement de la cité où ils vivaient depuis plusieurs années. Très peu de livres sont en apparence dans cette salle disposée avec goût : grand voilage aux fenêtres, grand miroir stylé offrant de la grandeur à la pièce, bibelots posés ça et là donnant du caractère à l'ensemble et, dans un coin, la harpe celtique de madame Bonne qui n'a plus le loisir de se consacrer à cette passion musicale.

La famille est heureuse de ce nouveau logement, mais Alexandre, habitué auparavant à dormir dans une chambre jouxtant celle de ses parents, se retrouve éloigné d'eux. En effet, elle est au rez-de-chaussée, alors que celle de ses parents se situe au second étage ; il a du mal à s'y faire. Un déménagement perturbe aussi bien l'adulte que l'enfant, dans la mesure où les repères spatio-temporels sont changés. L'adulte est capable de raisonner et lorsque le changement est pour un mieux vivre, il en tire rapidement les avantages, il ordonne et planifie dans sa pensée l'organisation de son nouveau gîte. Pour l'enfant, il en est tout autrement. Il avance vers l'inconnu et là, où il y a raison et langage pour l'adulte, lui n'a pas toujours la capacité intellectuelle de verbaliser et de projeter quelque chose qui le dépasse. Il quitte son univers familier pour un univers inconnu ; lors d'un déménagement, il y a séparation et perte de repère. Le langage parents enfant, la disposition des objets familiers de l'enfant, l'attitude positive des parents vis à vis de ce changement sont autant d'atouts positifs pour qu'il soit bien vécu par chaque membre de la famille. On saura que ce déménagement a été dur à vivre pour Alexandre, qui n'a sans doute pas tout compris.

Il est en difficulté lors de la passation du E20. Il en est à son deuxième C.P. Son apprentissage de la lecture s'étale donc sur deux ans. Dans sa première année, "il y avait des choses qui donnaient envie de dire que c'était du niveau de la moyenne section qu'il se trouvait" dit son enseignante. L'histoire de la relation de mère-fils semble générer des difficultés. La mère, de son côté, est "très angoissée par rapport à l'école, très inquiète, faisant rejaillir cette inquiétude sur Alexandre". Ces propos tenus par la maîtresse ouvrent à de plus amples informations. Là, où la mère dit qu'il est suivi par "une orthophoniste depuis l'âge de trois ans", l'enseignante complète en disant que "la maman est accompagnée par un centre médicopsychologique et allait tous les quinze jours échanger et essayer de comprendre comment elle pouvait s'impliquer en tant que parent dans la scolarité de ses enfants". En disant "ses enfants", elle englobe la grande sœur qui suit sa scolarité en CE2. Alexandre reste "une énigme" pour les enseignants. La maman, elle, est convaincue que l'origine des difficultés comportementales et scolaires se greffe sur une surdité 323 dans la petite enfance. Actuellement, l'enfant a récupéré son audition qui n'a été nullement évoquée par l'enseignante.

Les gestes de médiation qui vont être maintenant évoqués montrent le niveau des conditions d'élaboration de l'apprentissage de l'acte lexique.

Notes
322.

Entretien N° 36

323.

M "De toute façon tout est lié. Dès le départ, comme il n'entendait pas. Tout s'est répercuté."