12-5 La famille COLAS 327 . Un rythme de vie et un changement de contexte défavorable à l'apprentissage.

‘" Sur le premier trimestre ça a été difficile. Puis on est reparti sur une deuxième maison et il a fallu gérer tous les rendez-vous, les constructeurs etc. Le premier trimestre ça été dur de se recaler".’

Locataire depuis la rentrée scolaire, la famille Colas vit dans un appartement récent au plein cœur de la ville ; c'est un choix. Ils ont quitté la région parisienne pour s'installer en province. Ils attendent que leur nouvelle maison se construise dans la banlieue proche. Pour le moment, depuis que Ronan est rentré en C.P. "ils font du camping", comme ils disent, dans leur duplex à l'architecture moderne. En effet, les meubles sont posés ici et là. Seules les plantes vertes donnent un peu de gaieté à l'appartement. Pas de gravure, pas de rideau, pas d'abat-jour, pas d'écrit non plus en apparence dans cette salle. On voit que la famille attend un gîte meilleur.

Madame Colas s'exprime avec beaucoup d'aisance, contrairement à son mari. Chacun d'eux, à sa manière, est très enthousiaste à répondre aux questions mais, lorsque leur propre scolarité est abordée, une large émotion peut se lire sur les visages, notamment celui du père ; des événements familiaux douloureux, une scolarité chaotique à partir de la sixième ont profondément perturbé cet homme qui, à ses dires, a dû tout reprendre à l'âge de 25 ans. Ils ne veulent pas que leurs enfants passent par un cursus scolaire aussi pénible que celui qu'ils ont connu. Leur grand désir est qu'ils réussissent beaucoup mieux qu'eux ; l'accession à une vie professionnelle est tellement difficile ! Après toute une vie familiale et professionnelle parisienne, les deux parents ont réussi à se faire muter en province. Six mois auparavant, seul le père était venu habiter ici avant d'être rejoint par la famille. Par choix, ils ont quitté leur vie trépidante. Ils se reprochent, quelque peu, avec du recul, l'univers clos de la nourrice ayant élevé Ronan avant qu'il entre en maternelle : "il avait le contact avec la mamie ( nom donné à la nourrice) qui le chouchoutait toute la journée mais qui ne lui a fait aucun apprentissage d'écriture, de dessin, ce qu'il aurait certainement eu ou en crèche collective ou même dans une autre structure d'accueil". Son entrée en maternelle a été mal vécue aussi bien par l'enfant - dans son comportement social et scolaire - que par les parents qui travaillaient à plein temps "avec deux heures et demi de transport tous les jours". Depuis la première année d'école, vu des problèmes d'élocution et de placement de langue, leur fils suit même des séances d'orthophonie, qu'il n'a pas arrêtées depuis.

Les déménagements successifs de la famille, pendant les deux mois de grandes vacances, juste avant la rentrée en C.P. n'ont sans doute pas permis à Ronan de se stabiliser au niveau comportemental. De plus, en l'espace d'un an, la famille a subi quatre profonds bouleversements. En avril, le père quitte le foyer pour travailler en province et habite un appartement sur place. En août, de la même année, la famille pense au déménagement et à la vente de la maison ; pendant un mois et demi, les enfants passent leurs vacances chez les grands-parents paternels et maternels. Enfin, la maman obtient sa mutation au mois de septembre et toute la famille se retrouve réunie dans un appartement qui s'avère trop petit. Une autre location est alors rapidement envisagée. Simultanément, avec la nouvelle rentrée scolaire, les parents entreprennent des démarches pour l'achat d'un terrain et la construction d'une nouvelle maison dans la périphérie nantaise qu'ils habiteront en décembre de l'année suivante. Cette succession d'événements fait dire à madame Colas : "le premier trimestre ça été dur de se recaler". La fin de son travail, fixé à 18 heures alors que l'école finit à 17 h 45, oblige également le jeune enfant à rester pratiquement tous les soirs à l'étude organisée par l'école. Les journées chargées (accueil périscolaire le matin, cantine le midi et étude le soir) ainsi que la prise de nouveaux repères spatio-temporels et d'organisation et la construction de nouvelles relations sociales ne lui permettent pas, d'emblée, d'investir un nouvel apprentissage demandant, comme celui de la lecture, un haut niveau d'abstraction et un maximum de disponibilité intellectuelle. Avec tout ce qu'il vit, Ronan est, quelque peu, en surcharge cognitive ; il y a trop d'apprentissages nouveaux en même temps 328 .

"Le problème majeur de cet enfant se situe plus au niveau de son comportement" constate l'enseignante. Les résultats scolaires comme ceux du E 20 en témoignent : "c'est à cause de son incapacité ou presque à se concentrer, à réfléchir, lié au comportement [...]. Il y eut un démarrage et puis petit à petit..... C'est un enfant qui passe en CE1." 329 .. Bien que le rythme familial fut soutenu par des déménagements successifs, les parents montrent, malgré tout, une certaine attention à leurs enfants. La maîtresse en témoigne.

Notes
327.

Entretien N°25

328.

Perdu dans son emploi du temps et des allées et venues de ses parents, il lui arrivera même un soir de retourner chez lui alors qu'il devait aller à l'étude. Se repérant dans les rues nouvelles, il trouva la porte de l'appartement familial close. Ne sachant que faire, il alla dans le square d'à côté et se mit à pleurer. Là, un vieil homme le voyant, le prit sous sa protection et attendit avec lui l'arrivée de ses parents.

329.

Propos de l'enseignante