13-1 La famille PAPIN 335 . Ecole et famille : deux univers distants l'un de l'autre.

‘"Ils commencent à apprendre à lire à l'école; et après, on est là que pour pousser derrière".’
  • Résultats au E 20 : Note Générale : 7 - Nlg : 7 - Nlf : 0 - D.A. 3 - Tps : 20 min
  • Les enfants : Ludovic ( 6 ans), Mélanie (8 ans).
  • Le père : né en 1957, sans diplôme, il est viticulteur sur une exploitation de 13 hectares
  • La mère : née en 1958, titulaire d'un CAP de vendeuse, sans profession mais s'occupe de la partie administrative de l'exploitation.
  • Divers: revenus estimés entre 10 000 et 15000 francs, propriétaire de 7 ha de vigne et de leur maison.

C'est en pleine campagne que se trouve la maison de la famille Papin, propriétaire d'une exploitation viticole. Monsieur Papin assiste à l'entretien et montre une certaine fierté d’être viticulteur et en mesure d'assumer sa totale indépendance. Les premières minutes d'entretien, uniquement en tête-à-tête avec la maman, sont pesantes ; la parole n'est pas facile, les mots exprimant les choses ne sont pas aisés, les réponses semblent arrachées. Elle s'occupe plus particulièrement de l'éducation des enfants. Lorsque monsieur Papin apparaît quelques minutes après, le ton est plus léger, avec un brin d'humour bien à lui. Mais, monopolisant la parole avec de nombreuses digressions sur son travail, il occulte la place de sa femme. Il se montre très peu intéressé par la scolarité de ses enfants et s'en remet directement à son épouse, c'est de son ressort. Les rôles sont ainsi bien partagés ; madame s'occupe de la maison et de l'éducation scolaire des enfants, pendant que monsieur s'affaire à l'exploitation. Cette famille vit en quelque sorte en autarcie et les rares sorties sont réservées aux cousins ou aux oncles et tantes habitant à l'autre bout du département. Leur maison, sur un grand sous-sol, est spacieuse. La pièce dans laquelle on nous fit rentrer est aménagée coquettement ; rien n'est laissé au hasard, les meubles de la partie salle à manger sont de style breton, et la cuisine est aménagée de façon rustique. Aucun écrit en apparence et les quelques gravures, sans style particulier, décorent les murs de ces deux pièces communes. Ludovic, quant à lui, joue au sol dans la salle à manger, pendant que nous nous entretenons avec ses parents.

Monsieur Papin donne le ton :"Nous, on a été élevé un petit peu à la dure aussi. La taille 336 , y'a pas de problème, à l'âge de Mélanie on y allait. On a été élevé comme ça, moi, j'estime, ils ont à être élevés comme ça". Il a gardé ses racines paysannes et ses dires ancrent actuellement la vie de famille dans les us et coutumes de cette tradition. C'est ainsi que les enfants vont partager cette culture familiale en participant à la récolte de pommes de terre ou à l'entretien du tracteur. Puisque le père le faisait quand il était jeune, il n'y a pas de raison que ses enfants ne le fassent pas. Ce discours peut paraître rude pour notre époque. Cependant, même si ce père a envie de transmettre cet héritage familial du travail de la vigne, il veut aussi les préserver 337 , leur inculquer le métier de la terre petit à petit, pour qu'ils l'apprécient. La participation aux tâches de l'exploitation sera à la mesure de ce que l'enfant aime faire, sans oublier une double exigence. Il doit être doté, d'une part, d'une éducation morale de façon à vivre en bonne intelligence avec les autres et, d'autre part, d'une volonté de travailler. "Je ne veux pas faire des fainéants" et "l'éducation morale,[...] c'est aussi important que la lecture" dira-t-il.

Le discours de ce père sera empreint de son propre parcours scolaire ; il n'était pas un bon élève. Orienté en classe de transition puis en section agricole, il s'ennuyait sur les bancs de l'école. Sa seule envie, c'était de travailler à l'exploitation. Il n'a donc jamais fini ses études agricoles et s'est installé en prenant tranquillement la succession de son père. L'école n'a pas trop de sens à ses yeux, dans la mesure où elle est trop théorique et n'amène pas l'enfant et le jeune à faire autre chose que de tenir un crayon : "tenir un crayon, c'est bien, mais pour moi, c'est pas l'idéal, faudrait qu'à l'école on apprend les deux", c'est à dire la pratique, travailler de ses mains, faire des expériences..

Ludovic, quant à lui, vit une scolarité moyenne. "Il a appris à lire sans difficulté, à déchiffrer, et à décoder sans difficulté, mais c'est au niveau de la compréhension que c'est juste. Sur un petit texte, ça va, mais sur un long texte, ce sera une lecture artificielle". Les propos de l'enseignante corroborent les résultats de l'épreuve E20. On ne peut pas dire qu’il soit complètement en échec 338 mais il a été choisi car ses notes étaient en dessous de l'écart-type de la classe. Autrement dit, en ayant passé l'épreuve dans un autre groupe classe, il n'aurait pas été sélectionné. Peu importe, il est tout de même intéressant de voir comment s'organisent les conditions d'élaboration de l'acte lexique par les critères choisis.

Notes
335.

Entretien N° 32

336.

De la vigne

337.

P De toute façon, faut pas les mettre tout de suite parce qu'ils voudront pas du métier après... Non, un petit peu tous les jours. Il faut vivre aujourd'hui. Il ne faut pas vivre comme un malade, non, non.

338.

Les résultats de l'enfant sont en dessous X-ET de la classe. C'est la raison pour laquelle il a été choisi de rencontrer la famille.