Geste n°1

"On a toujours "positivé" l'école [...] on a toujours dit l'école, c'est fantastique, c'est quelque chose que tu... On découvre beaucoup de choses à l'école" tels sont, de prime abord, les propos du père vis à vis de l'école. Selon ses dires, Jean Baptiste aime l'école, à tel point qu'il y va même quand il est malade : "Il a été y'a quinze jours à l'école, il avait 38 de fièvre. Je lui ai dit quand même, c'est courageux de ta part ; même si tu n'y as pas fait grand chose, c'est courageux, tu as participé quand même". Il faut relativiser cette anecdote dans la mesure où d'une part cette température n'est pas forcément élevée et d'autre part, les parents ne se sont peut-être pas rendus compte tout de suite de cette petite fièvre. L'enfant avait-il réellement le choix de rester à la maison sachant que ses deux parents travaillaient ? Monsieur Sillon voit un acte de courage et valorise son enfant malgré les difficultés qu'il rencontre. Il a beau mettre en avant les qualités de l'école comme lieu de savoir et de culture, la confiance aux enseignantes, à l'école, à la méthode n'est pas entière et plus on s'avance dans l'année scolaire, plus elle se dégrade. La maman, de son côté, sans vouloir charger les enseignantes, pense 371 qu'il y a des choses à faire dans la classe, comme si purement et simplement on ne pouvait répondre aux difficultés de Jean Baptiste qu'en apportant des solutions dans la classe. Elle ne sait qui croire, le fils ou l'enseignante 372 . L'échec étant progressivement de plus en plus probable, la tension monte entre l'école et la famille. Les deux parents ne comprennent pas très bien la méthode de travail et "ça va beaucoup trop vite pour Jean Baptiste". Le père a pourtant lu la préface du livre ( Méthode GAFI) destinée aux parents mais n'a pas compris son contenu. Et la mère ne comprend pas que l'enfant n'apprenne pas d'emblée les lettres, les syllabes avant même de globaliser des mots. Incidemment, elle remet en cause l'année de grande section : "Alors, est-ce qu’au niveau de la grande section, il a eu un travail qui n'est pas assez approfondi, plus détaillé pour qu'au niveau C.P. ils arrivent mieux à s'adapter". Il n'arrive pas à "ingurgiter" 373 la technique d'apprentissage de la lecture et pour ces deux parents, il faudrait reprendre la connaissance des lettres et demander à l'enfant d'écrire beaucoup plus qu'il ne le fait à l'école : "y'a un manque de travaux pratiques manuels avec l'écriture. C'est vrai.".

Ces parents et notamment le père pressent l'échec de son fils. Les difficultés accumulées pendant ces quelques mois n'augurent effectivement pas un passage en CE1. La mère sent bien les choses : " je ne sais pas ce que cela va donner, mais c'est vrai qu'une année scolaire ça passe vite. Mai, juin, si ça ne marche pas, on va dire bon, eh bien Jean Baptiste, il va rester en C.P.. Si c'est exactement la même chose, est-ce que ça va encore être...", le père continue en ajoutant le "même problème...". Autrement dit, faire une deuxième C.P., dans la même école, avec les mêmes enseignantes, la même méthode de lecture, est-ce que cela va réellement changer les problèmes de l'enfant ? La confiance en l'école, en la méthode, aux enseignantes de C.P. va se désagréger très rapidement, à en arriver à un point de non-retour. Eux qui attendaient tout de l'école, les voilà déçus quand on leur apprend, quelques jours avant les vacances de Pâques, qu'il faudrait envisager un redoublement. Cette proposition est insupportable pour le père, qui revit douloureusement son propre échec scolaire à travers celui de son fils. C’en est trop pour lui et, du jour au lendemain 374 , Jean Baptiste sera inscrit dans une autre école, sans même attendre la fin du second trimestre de l'année scolaire.

Notes
371.

M ..."Est-ce qu'il n'y a pas quelque chose à faire ou alors est-ce qu'il n'y a pas des choses à réorganiser au niveau du CP pour que cela se passe mieux, je sais pas y'a quelque chose. A mon avis, y'a certainement quelque chose, je ne sais pas quoi mais.."

372.

M "Des fois, je me dis j'aimerais être une petite souris pour voir comment c'est, en fin de compte parce que l'instit me dit que ça se passe comme ça et Jean Baptiste me dit que ça se passe comme ça"

373.

Propos du père

374.

Propos de l'enseignante :" ..... Le lendemain matin, le gamin est arrivé à l'école avec un courrier disant qu'il ne reviendrait pas à l'école jeudi et qu'il irait à l'école publique."