Geste n°8

Claire commence certainement à aimer lire mais le peu de diversité de livres à sa portée ne lui permet pas, dès maintenant, de se construire une personnalité de lectrice, avec des goûts particuliers pour tel ou tel genre. Apprendre à lire suppose une capacité à faire de l'abstraction, c'est à dire avoir l'esprit suffisamment disponible, libéré d'émotions embarrassantes, pour investir un code demandant une grande disponibilité cognitive. Claire semble envahie par un "quelque chose". Dépassant le registre de l'apprentissage de l'acte lexique, elle ne semble pas se construire comme une petite fille grandissant dans la joie et la bonne humeur, portant uniquement les soucis de son âge. Son esprit semble occupé par des tracas plus profonds, s'assimilant peut-être à ceux de ses parents.

Ce graphique ³⁹⁰ montre, en apparence, la présence de gestes de médiation. Ils ne suffisent pas à eux seuls à expliquer les difficultés que rencontre Claire. Cette famille, par l'orientation des items, a plutôt une tendance "entrepreneur" ³⁹¹ . Cela dit, les moyens d'action sont limités au peu de livres que possède Claire. Un mal-être règne chez ces deux parents, dû probablement, à leur histoire singulière et, par imprégnation culturelle, il transparaît chez cette enfant instable, bougeant beaucoup, dansant sur sa chaise, cherchant constamment à attirer l'attention de l'enseignante. On ne peut pas sérier la part de l'inné et de l'acquis dans son comportement, mais l'ambiance familiale décrite donne une piste possible à l'explication de sa difficulté voire de son échec en début d'année. Claire a certainement les capacités cognitives pour accroître ses compétences en lecture, mais l'angoisse existentielle des parents fait écran à la mise en place de ses capacités. Ils ont peur pour eux et pour leur fille et amplifient, sans doute, cette anxiété en la surprotégeant. Elle reste "une enfant très difficile sur le plan comportemental[...], et c'était dans la relation" confirmera sa maîtresse.