Geste 5

Dans la mesure où les parents n'ont pas leur enfant "à charge" pendant toute l'année, ils échappent à son développement. Occupés, comme ils le disent, pendant les mois de restauration, n’ayant pas de temps et de patience, leur dialogue doit être réduit. Leur manque d'investissement et de connaissance des pratiques scolaires montrent un déficit de dialogue sur ce qui fait la vie de Alexandre. C'est la grand-mère qui sert de relais, semble-t-il, entre l'école et la maison, mais on a l'impression, à entendre l'enseignante "qu'elle angoisse" plus que les parents. Le père est bien présent mais sa participation au travail scolaire reste réduite, il ne s'occupe pas du travail du soir, il ne raconte pas d'histoire "puisque la majorité du temps il est chez la grand-mère" et "c'est normal, les grands-mères, c'est fait pour ça". D'ailleurs, la mère rajoutera que "la grand-mère a plus de temps par rapport à nous de s'en occuper ".

L'apprentissage de la lecture et plus largement la scolarité d’Alexandre en primaire ne semblent pas inquiéter outre mesure son père : "je pense que c'est à cette période, l'année prochaine qu'on pourra être fixé vraiment s’il y a vraiment de gros problèmes [....].Il faut qu’il joue aussi parce que, c'est ça, il vient juste de sortir, ça fait quoi ? Ca fait 8 mois qu’il est dans cette école, avant il était en maternelle, ils arrivaient le matin, c’était pour jouer. Ils repartaient le soir, c'était encore pour jouer. Donc, c'est normal". Il ne se rend pas compte des difficultés rencontrées par son fils et pense sans doute que le temps sera favorable pour sa réussite. Pour lui, "il ferait mieux d'apprendre à l'école" que de lui lire des histoires. Il se réfugie, aussi, dans son manque de disponibilité : "on n’est pas là. On a un restaurant à la Tranche sur mer, on part quatre mois là bas... On a pas le temps de trop faire". Comment, dans un tel contexte, est-il possible que l'enfant puisse se construire un projet de sens général tourné vers la quête du savoir et, plus précisément, vers l'apprentissage de l'acte lexique ? Les attentes familiales et les attentes scolaires divergent aussi bien sur le fond que sur la forme.

Du côté de l'enseignante, c'est un peu l'inquiétude et au moment de l'entretien (en juin ), rien n'est encore décidé. Un maintien en C.P. lui permettrait peut-être de repartir plus confiant. Un passage en CE1 avec un soutien serait peut-être souhaitable ; elle n'en sait encore rien. Les deux parents semblent un peu perdus face à l'éducation de leur enfant et ne pensent peut-être pas qu'il a déjà 6 ans. L'enseignante rapporte qu'elle eut beaucoup d'absences justifiées ou non les samedis matins et autres. Elle juge son bagage scolaire "hyper léger". La vie de ses parents, plus ou moins mouvementée, par une profession apparemment très prenante, ne doit pas lui permettre d'avoir des repères stables. Il se réfugie dans le rire, "vive la vie" ajoutera la maîtresse. Le petit, comme elle l'appelle, "ne réagit pas par la violence mais par une immaturité". Cette vie professionnelle est une chose mais elle n'explique pas à elle seule les difficultés scolaires que rencontre Alexandre. Bien des parents commerçants ou restaurateurs ont des enfants ayant une scolarité sans trop de problèmes.