15-2 La famille PARIS 417 . La difficulté d'apprentissage de la lecture : la part du génétique et du pédagogique.

‘" On peut peut-être mettre ça 418 sur le plan médical mais la part de la technique de la maîtresse pour moi, reste un gros point d'interrogation."’

Lorsque nous franchissons le pas de la grande maison bourgeoise du début du siècle entourée d'un parc de la famille Paris, madame est au téléphone avec un (e) de ses étudiants en médecine. Elle travaille au C.H.U. et est conférencière spécialiste d'une maladie spécifique chez les enfants ; elle prépare aussi une thèse scientifique à ce sujet. Le père, quant à lui, est responsable régional d'une grande société technique. Ils ont tous les deux des vies professionnelles très intenses. Nous pénétrons dans ce qui pourrait s'apparenter à une bibliothèque où apparaissent dans un meuble spécifique, de nombreux livres, encyclopédies, ouvrages de photographies artistiques etc. Même dans le vestibule, un certain nombre de documents (revues, livres) sont pêle-mêle sur un fauteuil. Les deux pièces ne sont pas particulièrement rangées, mais peu importe, on sent une maison qui vit. On ne peut pas dire qu'il y ait de l'ordre ; c'est la maman qui fait tout, dit-elle, mais vu la grandeur de la maison, les occupations professionnelles du couple et le nombre d'enfants, il est tout à fait probable qu'elle se fait aider, néanmoins il n'en sera fait aucune allusion. La pièce dans laquelle se déroule l'entretien est richement décorée ; beaucoup de toiles sont suspendues aux murs, dénotant un style très recherché. Monsieur et madame PARIS sont propriétaires de ce petit manoir depuis 4 ans. Madame, assise dans un fauteuil assez haut, surplombe quelque peu son mari et nous même installés dans un canapé dont les ressorts sont bien fatigués. Ainsi, elle maîtrise la situation et, malgré son accueil tout à fait sympathique, prend un ton plus ou moins péremptoire. Le papa nous quittera un instant pour aller conduire l'aînée à sa répétition de théâtre. Bien que la responsabilité de la famille leur incombe à tous les deux, c'est madame Paris qui organise la maison, régente l'organisation en faisant le planning hebdomadaire pour la famille en indiquant à son mari ce qu'il faut faire. A ses dires, tout est cadré, tout est planifié.

Cet environnement culturel semble porteur au niveau de la lecture. Cependant, Aymeric, le petit dernier de cette famille de quatre enfants est en difficulté quant à l'apprentissage. Pour cette mère, médecin, le problème rencontré par son enfant est d'ordre médical et génétique 419 dans la mesure où son mari, sans avoir redoublé, a éprouvé des difficultés similaires dans sa scolarité, ce qui ne l'a pas empêché de réussir. Le frère et la sœur cadette 420 d'Aymeric ont eu également des difficultés et ont tous bénéficié, à un moment ou à un autre, d'un soutien orthophonique. L'origine de la cause des difficultés n'est donc pas à chercher dans le contexte éducatif parental mais a sa source dans l'inné de l'enfant, ce qui le construit "biologiquement", dans le génotype de l'enfant, diraient les biologistes. Une certaine part pédagogique, revenant plus à l'école, y est aussi pour quelque chose ; il en sera question un peu plus loin.

Effectivement, Aymeric est en difficulté, voire carrément en échec, lors de la passation de l'épreuve de compréhension lexicale. Il est intéressant maintenant d'orienter notre attention sur ce qui se passe réellement au sein de cette famille en matière d'apprentissage de la lecture. Les gestes de médiation donnés apportent d'autres perspectives de réponses au raisonnement "biologisant" de la mère.

Notes
417.

Entretien N°27

418.

Le "ça" évoque, dans cette expression, les grosses difficultés de l'enfant.

419.

M Je pense que Aymeric, bon ils sont tous différents, est plutôt comme son père génétiquement... — E Vous qui êtes médecin, vous pensez qu’il y a une tare génétique. — M Oui. Je suis assez d'accord. Mon mari a eu une dyslexie pareille,. Bon, ce n'est pas choquant. — P Oui, je crois. C’est un héritage familial. — M Et tous ses frères et soeurs sont comme ça. —P Enfin, ça ne les a pas dérangés car j’ai un frère qui est rédacteur en chef de l’Est Républicain. J’ai une soeur qui est prof d’histoire géo et qui est maintenant en retraite, qui a inventé des jeux pour apprendre la grammaire, le "scarcoumie", la cour du lion et elle en met un sur C.D. rom et elle est en train d’en faire un sur la lecture aussi. Comme c'était une de nos soeurs aînées, elle nous a pas mal aidés à démarrer. J'avais un frère qui était froussard comme tout qui a réussi à lire quand même. Et, au début il ne faisait rien. Même...

420.

M J’ai analysé la chose du côté familial, où était le problème. Le problème a été vu sur le plan médical et les 3 ont fini chez l’orthophoniste. 3 cas de dyslexie dysorthographie ont été prouvés et les deux premiers s’en tirent bien. Caroline n’a plus de difficulté, elle a de très bonnes notes en lecture, elle est en CM1 non en CM2, c'est vrai, elle rentre en 6ème. Nicolas il a 9, 5 ou 10 sur / 20 pour les trois bilans en lecture, donc j’estime que ça doit être récupéré et Aymeric a eu un échec de démarrage très sévère sur l’apprentissage de la lecture. On peut peut-être mettre ça sur le plan médical mais la part de la technique de la maîtresse pour moi, reste un gros point d’interrogation.