15-3 La famille VILLE 429 . La méthode conditionne la réussite de l'apprentissage de la lecture.

‘" Je dis que c'est le syllabique qui est la base de la lecture [...] Je pense qu'il faut démarrer avec plus de syllabique que du par cœur."’

La famille vient juste d'arriver dans sa nouvelle maison dont elle est propriétaire pour la première fois depuis 6 mois. Les postes successifs occupés par monsieur Ville n'ont justement pas permis à cette famille de se sédentariser. Avec ses quatre enfants, la maman a toujours travaillé à temps partiel ; elle s'est arrêtée simplement pour le cinquième, qui a dix-huit mois maintenant. L'intérieur de leur maison, en cours de rénovation, augure dans l'avenir une belle habitation, même si l'extérieur ne le soupçonne pas. Sur l'invite de madame, nous nous installons dans la salle à manger salon ; pièce harmonieusement installée et décorée avec un piano ¼ de queue dans un des angles. Il n'y a pas d'écrit en apparence, pas de grande bibliothèque dans la salle, pas de journaux à traîner, seules quelques gravures sans style particulier sont accrochées au mur. Les enfants finissent de regarder un film et la maman les invite à aller se coucher aussitôt. En ce jour de mars, il commence à faire nuit. Monsieur Ville viendra beaucoup plus tard et s'intéressera à l'entretien en y apportant quelque peu sa contribution.

Les premières paroles prononcées par la mère donnent déjà des indications sur le reste. L'apprentissage de la lecture pour elle "c’est une étape à ne pas louper, l’année à ne pas louper. Pas d’anxiété particulière, non c’est une étape que l’enfant attend avec impatience généralement. En grande section, il a hâte à commencer à apprendre à lire. Pourvu qu’il ne soit pas déçu, parce qu’à la première difficulté, l’enthousiasme retombe un peu. Mais, je n’ai pas d’états d’âme particuliers sur la lecture". Elle expose à son insu, son anxiété, sa déception, tout en valorisant la place importante de cette classe dans la scolarité et la vie de l'enfant.Inès est arrivée pour la première fois dans cette école, en découvrant un nouvel environnement, en même temps qu'elle explorait l'apprentissage de la lecture. L'inquiétude de madame Ville se formalisera de plus en plus nettement au cours de l'entretien, pour dire à la fin : " Là, j'avoue que je ne pensais pas que cela allait être aussi difficile au niveau de la lecture [...] C'est une inquiétude...". Et pourtant, elle a l'expérience de ses trois premiers. Là aussi, au fil de son discours, elle livrera leurs difficultés.

Inès n'était pas prête pour le C.P.. Petite fille du mois de décembre, elle a tout à gagner d'un redoublement, dira sa maîtresse. Pour la mère, les causes sont à chercher dans l'hérédité et la méthode utilisée. D'après ses dires et ses convictions sur le sujet, c'est elle qui a transmis du moins à trois de ses enfants des gènes responsables de la dyslexie et de la dysorthographie : "la dyslexie... Je pense y’a une hérédité. Moi je sais très bien. Moi, je l'étais enfant. Je suis d'autant plus vigilante au départ parce que je l’avais dit à la maîtresse. J’ai un autre enfant qui l’est donc si vous voyez la moindre des choses vous me le dites tout de suite pour que je puisse la faire suivre en orthophonie. La maîtresse ne s’en est pas rendue compte tout de suite. C’est moi, quand j’ai été la voir, je trouve qu’elle est un peu dyslexique. Alors, on a repris son cahier. Aux dictées, effectivement, elle confondait le /PE/ et le /TE/, mais c’était pas frappant car l’enfant au départ fait beaucoup de confusions. La maîtresse ne s'était pas alarmée tout de suite..."

Notes
429.

Entretien N°26