Geste n°1

La méthode employée est largement critiquée par cette maman nostalgique des bonnes vieilles méthodes 430 , qu'il s'agisse de la lecture ou de l'écriture. Ce qu'elle ne sait pas, c'est que la méthode "au fil des mots" n'a rien d'avant garde si tant est que l'on puisse définir avec précision ce terme quand il s'agit de méthode de lecture 431 . En revanche, en reprenant les propos de la mère "l'aîné qui a eu la même méthode de lecture n'a eu aucun problème". Sa bonne mémoire est la raison évoquée de sa réussite. Le cadet a eu la méthode "ratus" et a éprouvé des difficultés d'apprentissage : il a actuellement des séances d'orthophonie pour dyslexie et dysorthographie.

Tout en voyant la différence entre les deux méthodes, elle préfère la seconde à la première. Si on suit son raisonnement, la méthode "au fil des mots" (1977) a réussi à l'aîné et pas à Inès ; la méthode " ratus " 432 (1987) n'a pas réussi au cadet. L'échec ou la réussite n'incombent donc pas exclusivement à la méthode. Les deux sont très proches et sont de type mixte.

Cette insatisfaction n'entame en rien la confiance qu'elle accorde à l'enseignante : "Inès, Dieu sait pourtant elle était contente, elle adorait sa maîtresse, sa classe, donc, c'est pas un problème de maîtresse ni d'ambiance de classe. [...] Elle éprouve des difficultés mais elle a un bon contact avec la maîtresse". Les contacts enfant-enseignante sont très bons et à aucun moment, cette maman n’évoque un manque de confiance. Ce n'est pas la démarche pédagogique globale qui est remise en cause mais plutôt la méthode en tant que telle. Pour suppléer à ce manque d'analyse phonologique - le /B/ /A/ /BA/ -, elle ira jusqu'à employer la méthode boscher 433 Comme pour se garantir de la légitimité d'une telle initiative, elle ira même jusqu'à dire que c'est l'enseignante qui lui a proposé de procéder ainsi. Pourquoi pas mais, renseignement pris auprès de celle-ci, cette affirmation est démentie. Même si cette mère comprend 434 tout à fait qu'avec 27 enfants dans cette classe, elle ne peut pas faire face à tous les problèmes, ce procédé altère quelque peu sa confiance. Elle rajoutera même : " Et puis tout ce que dit la maîtresse, c'est parole d'évangile. A cet âge, on ne peut pas démolir ce que dit une maîtresse. Moi, je ne l'ai pas fait sur la méthode en quoi que ce soit mais...".Pour la mère, c'est donc grâce à son intervention personnelle, que sa fille a commencé en lecture. Pour qu'elle réussisse normalement à apprendre à lire, il aurait mieux valu, d'après elle, proposer dans la classe, dès les premières difficultés, une autre alternative à l'enfant.

Le problème se situe sans doute ailleurs. Dans l'insistance de la formule "Inès n'était pas prête", l'enseignante signifie qu'à son entrée en C.P., l'enfant n'était pas encore rendue à un niveau de conscience de l'écrit suffisant pour commencer un apprentissage formalisé.

Notes
430.

M J'ai un aîné qui a eu une maîtresse qui était un peu l'ancien modèle, elle était près de la retraite, alors c'était des cahiers où on écrivait énormément, et je vois la différence, je trouve qu'il écrit mieux.

431.

Cf. le chapitre sur les méthodes de lecture, chapitre 3 TOME I

432.

C'est une méthode mixte à progression graphique. Des textes sont proposés aux enfants qui doivent reconnaître globalement les mots. Immédiatement une analyse grapho-phonétique se fait dans le schéma syllabes - mots - phrase - texte.

433.

Voir chapitre 5 TOME I

434.

M " C'est énorme le C.P.. je me dis peut-être que dans une école à moindre effectif, elle (Inès) aurait mieux réussi. Je ne peux pas mettre en cause la maîtresse qui est adorable, mais elle n'a eu aucun soutien".