16-1 La famille SALGORI 448 . Apprendre à lire à l'école pour réussir plus tard.

‘"Oui, je n'ai au c un diplôme. Je regrette. C'est pour ça, j'aimerais qu'elles travaillent bien et qu'elles aillent le plus loin possible."’
  • Résultats au E 20 : Note Générale : 2 Nlg : 2 - Nlf : 0 - D.A. : 9 - Tps : 20 min
  • Les enfants : Sandrine ( 6 ans), Alicette (10 ans), Marie ( 3 ans).
  • Le père : d'origine portugaise, né en 1965, non diplômé, il est enduiseur de maison.
  • La mère : d'origine portugaise, née en 1968, non diplômée, elle est femme de ménage.
  • Divers: le revenu familial se situe en 5 000 et 10 000 francs, la famille est locataire.

Dans son petit appartement au second étage d'un immeuble HLM madame Salgori nous reçoit chaleureusement. Pendant que la cocotte minute siffle dans la cuisine annonçant le dîner familial, elle se prête aux questions, tout en ayant un œil et une oreille attentifs aux enfants. C'est donc dans la petite salle à manger meublée modestement, jouxtant la cuisine, que se déroule l'entretien. Jérôme, le petit voisin que madame Salgori garde le soir, regarde une cassette vidéo tout près de nous. Ses enfants jouent. Le père, en arrivant de son travail, participera un peu à l'entretien, sans apporter d'éléments notables. L'un et l'autre maîtrisent bien le français. Madame est arrivée en France lorsqu'elle avait 10 ans. Ses parents y venaient pour chercher du travail. Elle ne connaissait pas un mot de français lorsqu'elle est arrivée et a intégré directement une classe de CM1. Sa mère, illettrée, et son père, connaissant peu le français, n'ont pas souhaité, faute probablement de moyens financiers, qu'elle poursuive une scolarité normale pour devenir coiffeuse. Monsieur Salgori, lui, a quitté le Portugal depuis 10 ans avec pour seul bagage scolaire un niveau de CM2, il sait lire le français mais ne peut l'écrire.

Leurs trois enfants sont dans une école privée 449 et, ce sont justement les grands-parents maternels qui ont hébergé à la semaine les deux plus grandes pendant quelques années, avant la naissance de la petite dernière. Lorsque ces grands-parents sont retournés au Portugal pour y vivre leur retraite, Alicette et Sandrine âgées respectivement de 2 ans et 6 ans sont parties avec eux dans l'espoir que leurs parents reviendraient les rejoindre 450 . Deux ans se sont écoulés et l'arrivée de la petite sœur a modifié le projet initial de la famille. Les deux filles sont revenues en France ; Sandrine rentrait alors en grande section et Alicette, l'aînée, un CM1. La famille est bien intégrée 451 à la culture française et si madame Salgori concocte des plats portugais, il s'agit pour elle d'un moyen pour vivre au mieux le décalage culturel en recréant un lien avec ses origines. Ce dernier est également conservé par la langue pratiquée à la maison, par les rencontres avec la communauté portugaise vivant à Nantes et les voyages au pays d'origine. Les enfants vivent donc sur les registres de deux cultures.

Le rappel de cette histoire illustre le fait que les deux enfants ont pratiquement vécu plus de temps avec leurs grands-parents qu'avec leurs propres parents. Cela n'est pas sans incidence sur leur développement psychoaffectif et cognitif. Ces enfants ont été immergées par le contact au quotidien de la langue et des traditions de la culture portugaise ; la plus grande serait d'ailleurs bilingue et sa scolarité ne pose pas de problème. Sandrine, quant à elle, éprouve quelques difficultés de compréhension qui ne se révèle pas seulement à l'apprentissage de la lecture : "Je pense que chez Sandrine, il n'y a pas eu la même difficulté de déchiffrage que chez certains enfants, mais pour autant, elle ne mettait pas de sens ". Les résultats à l'épreuve de compréhension (E20) corroborent bien les propos de l'enseignante.

Le vécu de ces enfants avec leurs grands-parents est incontournable et nous n'avons malheureusement que le discours de la mère pour le retranscrire. Cela dit, il y a bien la présence de gestes de médiation favorisant l'appropriation de l'acte lexique

Notes
448.

Entretien N° 29

449.

M Elles étaient plus souvent chez mes parents. Elles ne rentraient que le week-end à la maison, Je les ai eu un peu plus quand j’ai eu la petite dernière, j’étais en congé parental mais autrement... — E Elle a vécu chez vos parents ? — M Oui, chez mes parents Le grand père et la grand mère. Maintenant, ils sont repartis au Portugal et elles ont vécu même la grande. Elles venaient en week-end à la maison et elles repartaient. Ils habitaient quai de la fosse,... c’est pour ça qu’elle allait à l’école NDBP, c’était juste à côté.

450.

Nous, on pensait aller s’installer définitivement là-bas et justement on n’attendait pas la petite dernière, elle est venue, elle est arrivée... et finalement on a fait revenir tout le monde ici..

451.

La famille conserve ses modèles culturels qui lui sont propres, tout en intégrant des traits culturels spécifiques à la culture du pays d'accueil, ce que Carmel CAMILLERI appelle l'intégration.