Geste n°1

Monsieur Allamed pense que l'apprentissage va beaucoup trop vite pour ses enfants. Il se repose énormément sur l'école comme si tout, éducation et intégration sociale passaient exclusivement par l'école. A plusieurs reprises, il apportera une vive critique envers le monde enseignant, sans forcément donner un avis sur la maîtresse actuelle de son fils : "ils s'en foutent si quelqu'un n'apprend pas. Si la deuxième année, c'est la même chose, si on lui demande ce qu'il a fait l'année dernière, il n'a rien fait". Il pense, tout bonnement, que les enfants ne sont pas réellement aidés. Ce père aurait aimé davantage de travail scolaire avant même l'entrée en C.P. : "ici, on donne pas grand chose, dessin, chanson... Chanson, c'est bien, le dessin, c'est bien aussi mais il faut donner les maths... Un petit peu, comme quoi, quand il arrive en C.P. il connaît un peu mais quand il arrive à 0 en C.P.". Autrement dit, monsieur Allamed n'a pas compris le projet de la classe de grande section qui n'est pas justement de faire un pré-C.P. mais d'apporter à l'enfant les prérequis indispensables à l'appropriation de l'acte lexique et de lui donner des bases de calcul et de repérages spatio-temporels. Il est en décalage culturel quand il évoque son propre apprentissage de l'arabe en rythmant et psalmodiant les premières lettres de l'alphabet 461 . N'ayant pas assisté lui-même à la réunion de parents, il ne comprend pas les objectifs de la classe de C.P. et sa manière de fonctionner. Il connaît bien le livre de lecture pour l'avoir eu dans les mains, mais ne comprend pas, pour autant, la difficulté de son fils. Ce père est insatisfait de la manière dont on s'y prend et n'a pas compris que la réussite scolaire de Nasser passe également par son propre investissement en tant que médiateur de connaissances. Il confie l'instruction et l'éducation de ses enfants à une école dont il ne reconnaît pas la crédibilité. Ces derniers le sentent et ne peuvent pas, à leur tour, construire, dans de telles conditions, un projet de sens, s'ils ne font pas leur, le projet global de l'école.

Notes
461.

P Si maintenant, il lit quelque chose, il faut écrire encore, sinon c’est pas la peine. Sinon. c'est comme une chanson quoi.. on chante, on chante... Mais comment on écrit Gafi ? — Un enfant : K A.... — P Comment on écrit Gafi (à son enfant) Si on dit GAFI, G A (le père le chante) — E En rythmant... vous avez appris comme ça ? — P L’arabe c’est comme ça. On commence par A B C D, après on prend, on prend un son... — E Par syllabe ?... — P oui ! Comment ? On ajoute les mots... — E Les lettres vous voulez dire ? — P Voilà et après.... —E Et tout ça en rythmant aussi? — P Oui, mais moi, quand j’étais petit, j’avais beaucoup de chance, j’allais à l’école, j’avais deux soeurs; un était prof, l’après-midi, le soir j’étais chez elle, j’avais beaucoup de chance.