Récapitulation des histogrammes

La réussite dépend du respect de la filiation historique de l’enfant et du vécu "lectoral" de la famille.

La présentation des quatre graphiques ci-contre est évocatrice. Tout d'abord, dans les deux premiers, on remarque que les gestes de médiation ne sont pas ou peu pratiqués, surtout dans le second. Les deux suivants montrent des familles "opérationalisant" concrètement les différents critères que nous avons retenus. L'enfant Souhra n'a pas réussi de façon satisfaisante l'épreuve du E 20 mais, aux dires des enseignantes, achève correctement son année de C.P. et sait bien lire ; comme nous l'avons exposé, les conditions de l'enfant lors de la passation semblent être une des raisons de son échec. Le dernier histogramme présente, quant à lui, des critères avec de forts degrés de résolution ; il va sans dire que l'enfant est en grande réussite dans sa classe et fait partie du GROUPE I.

En regroupant ces quatre entretiens, nous avons voulu montrer modestement que l'intégration culturelle, telle que nous l'avons définie dans ce chapitre, est une condition de réussite de l'apprentissage de la lecture. En relevant les contrastes éducatifs, pédagogiques et culturels des familles Allamed et Mohammed, on se rend bien compte de ce qui s’y joue. Dans la première, les enfants subissent l'activité scolaire qui n'a aucune filiation avec le registre familial ; les apprentissages viennent se rajouter à la culture familiale sans qu'il y ait nécessairement une implication de sa part, une volonté intéressée d'aller au devant de la culture du pays d'origine. L'enfant, dans ce cas, fait partie de deux cultures sans qu'elles aient de points de convergence, l'une reprochant implicitement à l'autre de ne pas partager les mêmes choses ou les mêmes valeurs. Cela se passe différemment dans la famille Mohammed ; des liens se tissent entre les deux cultures et l'enfant grandit en apprenant à les connaître à l'école, dans le milieu familial et en allant tous les dimanches à la mosquée.

Comme nous pouvons le percevoir ici, l'origine étrangère et la maîtrise relative de la langue ne suffisent pas à expliquer les difficultés ou les réussites dans l’apprentissage de la lecture. A notre sens, elles se trouvent dans le rapport des parents et plus largement de la famille (la fratrie) avec l'écrit. Sans vouloir faire une généralisation de ces quatre rencontres, on note que les familles Souhra et Mohammed pratiquent beaucoup plus l'écrit que les deux précédentes. En comparant les niveaux de formation respectifs des mères, seule madame Mohammed n'a pas le niveau VI. Son mari est également le seul à détenir un CAP et à occuper une place de cadre dans une entreprise. On sait aussi que les écrits arabes et français circulent dans la famille. Ce rapport que tissent ces familles avec l'écrit aurait un lien avec leur propre scolarité et leur parcours de formation. Autrement dit, moins elles sont imprégnées de cette culture d'écrit, moins elles sont en mesure de la médiatiser auprès de leur enfant. Sans implication de la famille dans le geste même de l'acte de lire - sans parler de l'apprentissage formel de la lecture, le code - une liaison difficile voire impossible s'établit entre les univers familiaux et scolaires. Et, on sait qu'à long terme, l'école et le collège un peu plus tard, dans la vie de l'enfant ou du jeune, ne pourront pas remplir leur mission d'enseignement parce que le rapport à l'écrit, que ces derniers ont, est déjà altéré dès le départ de leur scolarité.