Gestes n° 7 et N° 8

L'enfant vit et apprend dans un cadre familial rigide où les limites sont posées par la mère de façon "stricte". D'emblée, l'enthousiasme de l'acte lexique ne se dégage pas nettement dans cette ambiance familiale particulière. La maman aime lire mais, apparemment, n'a pas fait partager très tôt cette passion. C'est depuis que Fiona est au cours préparatoire qu'elle aime lire comme si l'apprentissage, formalisé par la méthode, l’avait entraîné à élaborer et consolider son acte lexique. En effet, dans les propos de la mère, rien n'indique d'une manière claire une initiation à l'acte lexique et sa référence en matière de lecture est constamment orientée vers les aspects scolaires. Sa définition est sans ambiguïté "c'est apprendre l'alphabet avant tout et puis après arriver à joindre deux lettres, faire des syllabes, et reconnaître dans un texte les mots qu'elle a pu voir en classe". L'enfant apprend à lire parce qu'en cours préparatoire, il faut apprendre à lire; si cette réflexion résume trop hâtivement le critère dix-sept du dernier geste de médiation, c'est du moins l'impression que cela donne. Le lien vie au quotidien et lecture est faible dans la mesure où la lecture et son apprentissage sont circonscrits à la sphère scolaire. Madame Legendre met très certainement des actions en place mais, spontanément elle n'en fait pas état, comme si ces actes n'avaient pas d'incidence pour l'apprentissage.

En regardant la projection des 16 critères 509 sur l'histogramme ci-dessus, rien n'augure la réussite relative de l'enfant. Nous n'avons pas, entre autre, suffisamment d'informations concernant le lien qui se tisse avec la grand-mère - comme Aurélien 510 avec son grand-père - qui pourrait nous faire penser que cette relation est une condition importante. Le milieu familial, malgré l'angoisse 511 de la maman, est suffisamment favorable pour que l'éclosion de l'acte lexique se fasse. "Elle a toujours eu des livres, elle en a toujours eu dans les mains dès toute petite" ; cette réflexion montre bien que l'environnement offre, autant que possible, des moyens favorisant l'acte lexique. La présence de ces livres à la maison est aussi une des conditions, ayant probablement suscité, chez Fiona, une certaine curiosité qui a aiguisé au fil du temps son projet de lectrice. Elle a manipulé le support écrit avant de s'approprier le code dans un cadre strict maternel 512 la rassurant et convenant à son tempérament. Enfin, on peut dire aussi qu'elle veut maîtriser le code des grands qui du coup l'émancipera aux yeux de sa mère.

Toujours est-il que la maman n'a jamais devancé l'action pédagogique et délègue à l'enseignante tout pouvoir pour que sa fille apprenne à lire. Les items décrivant la tendance "conformiste" 513 conviennent tout à fait à cette personne qui semble courir entre les impératifs professionnels et les soins apportés à ses enfants. Enfin, les attitudes éducatives sont peut-être en partie une reproduction des conduites de sa propre mère 514 . En effet, elle fait souvent référence au passé, comme si elle regrettait un peu cette époque.

Notes
509.

le critère N° 13 n'a pas été évoqué de façon explicite.

510.

Voir l'analyse de l'entretien N° 14

511.

M [...] En maternelle, j'ai eu peur par rapport à sa rentrée scolaire en C.P. car par rapport à sa dernière année de grande section, je me suis dit, ça va être limite. [...] — E Vous étiez inquiète à l'entrée du C.P. ? — M Ah! Oui ! Complètement. Fiona, c'est une personne qu'il faut toujours pousser tout le temps pour arriver à un résultat, il faut de la patience.

512.

mère et grand-mère

513.

Cf. tableau reprenant la typologie des différentes tendance, chapitre 3 TOME I

514.

M C’est bien pour moi, car à la limite on peut apprécier les petites choses. Je vois, quand on était jeune, nous, on appréciait des petites choses et nous nos amies il leur fallait des grosses choses à côté en comparaison........ — E Vous préférez donner à votre enfant un cadre relativement stricte. — M Pour moi, c’est une solidité pour la suite. Si il arrive à se mettre des limites pour lui, plus tard il arrivera davantage à s’en sortir, il tombera de moins haut que si ... la chute pour moi, elle serait vraiment... Peut-être non plus qu’on a pas eu la vie très facile avec maman aussi, tout était calculé pour toute chose et par le temps et par l'argent.. — M Oui. Disons que chez nous, on fonctionne que comme ça. Maman, même en dehors de l’école, ça a toujours été par rapport à des choses bien précises, on n’a jamais fait des choses "olé olé", tout était calculé.