Geste n°4

Cependant, malgré le peu de variété d'ouvrages détenus, monsieur et madame Jylo savent entretenir un lien tout en fait particulier entre le livre et leurs enfants. En effet, "Depuis que Audrey est tout bébé ou (avec plus de précision) autour de ses deux ans", les parents ont commencé à lui raconter des histoires le plus régulièrement possible. Dans cette triade livre-père-enfant improvisée, tout le monde s'y retrouve. " Pour moi, c'est vachement intéressant [...]. J'aime bien pouvoir passer un petit temps avec les enfants" dit le père, goûtant au plaisir de partager un moment avec ses enfants autour d'un livre. C'est aussi, pour ces derniers, un instant "qui leur donne un genre d'idéal de rêve, ça leur donne un genre d'évasion" ajoute-t-il. Tous les ingrédients fusionnels semblent présents pour amplifier le ciment affectif consolidant l'acte lexique. Les effets ne se font pas attendre longtemps ; il arrive maintenant à Audrey de raconter à sa petite sœur un livre qu'elle affectionne particulièrement. "elle prend un bouquin et puis en rapport à une image - elle ne s'occupe pas forcément du texte - elle imagine des choses qui pourraient se produire par rapport à la photo". Ainsi, même si l'histoire n'est pas lue dans sa version textuelle - la maîtrise du code graphophonologique est peut-être encore insuffisante à son niveau - elle la réinvestit d'un point de vue sémantique. De ces bribes de phrases réelles du texte, de la part imaginative qu'elle concocte à l'appui des images, elle réinvente une histoire pour la plus grande joie de la petite. Mine de rien, Julie élabore incidemment ses premières compétences de lectrice - savoir écouter une histoire et en tisser la trame événementielle (lieu, circonstances, personnages ) -. Audrey, quant à elle, s'initie aux compétences oratoires - savoir raconter une histoire pour les autres -.