Geste n°7 et n° 8

Ce témoignage apporte bien tous les éléments qui montrent l'existence, au sein de cette famille, d'un enthousiasme partagé autour de l'aventure de l'apprentissage de la lecture. Cette activité n'est pas du tout vécue comme négative. Cela se ressent dans l'expérience scolaire de l'enfant qui cherche toujours à pousser les limites de ce qu'elle connaît déjà. L'enseignante rapporte l'anecdote suivante. Audrey s'intéresse beaucoup à la présentation de livres préparée par les plus grands de la classe 526 . Une fois l'histoire exposée dans ses grandes lignes par ses camarades, il lui arrive parfois de la reprendre à la bibliothèque, pour que son père la lise à nouveau. Ce fait, tout en paraissant peut-être anodin, montre à quel point elle concrétise la relation entre le vécu lectoral effectué à l'école et l'écho positif qu'elle reçoit à la maison. Il constitue un maillon fort de la construction du lien qui s'établit entre l'apprentissage et la vie au quotidien. Autrement dit, l'activité engagée par l'enfant n'est plus circonscrite, comme faisant partie uniquement de l'univers scolaire, mais se décontextualise pour résonner - ou raisonner - dans la sphère familiale. Dans le choix de ses ouvrages, elle se construit progressivement une personnalité lectorale.

Les notes de l'enfant, malgré la réunion de toutes les conditions d'élaboration de l'acte lexique et le bon score obtenu par rapport à la classe, se retrouvent être dans l'écart-type inférieur du GROUPE I. On peut émettre plusieurs hypothèses à cela. Tout d'abord, l'analyse de certains entretiens montre que la place de la fratrie joue un rôle parfois déterminant comme stimulant à l'activité lexique ; Audrey, aînée, ne bénéficie pas de cet apport. On note également une variété de livres relativement limitée. On peut croire le père disant qu'il est heureux de lire des histoires à sa fille régulièrement, mais le peu de diversité n’offre pas à l'enfant, la possibilité de goûter à différents styles de narration. Enfin, il y a bien dans cette famille un capital culturel s'enrichissant entre autre par le livre et les supports écrits. Toutefois, en comparaison avec les autres enfants faisant partie du GROUPE I, on constate, pour la plupart, que le cadre familial offre des conditions plus favorables encore. Audrey a été sélectionnée parce que ses notes étaient au-dessus de l'écart-type de la classe. Dans un autre contexte scolaire, son score se serait situé dans l'écart-type lui-même. Dans une telle situation, la famille n'aurait pas été rencontrée.

Monsieur Jylo offre, manifestement, la possibilité à sa fille de s'éveiller à la lecture dans son cadre familial. Néanmoins, on sent tout de même, que la référence à l'école est forte. Il a besoin d’elle comme soutien à sa pratique pédagogique de parent. Sa participation au conseil d'école, même s'il n'existe pas de liens directs avec la pédagogie, laisse à penser qu'il veut s'intéresser encore plus au nouvel univers de son enfant. Dans la mise en pratique des moyens d'action, on ne peut pas dire de façon formelle que la famille ait une tendance "précurseur", bien que sous certains aspects cela lui ressemble. Leur image de l'école, même si la responsabilité de l'apprentissage n'est pas uniquement à la charge de l'enseignante, reste importante et correspond davantage à la tendance "conformiste" 527 . De toute façon, il est clair que ces parents, en fonction des moyens disposés, mettent en œuvre des actions en faveur de l'éveil lectoral. Ils ont plaisir à le faire et comme le dit le père : " moi, c'est ma philosophie à moi [...] Je trouve que c'est vachement important de... quelque part, c'est quand même, je dirai glorifiant".

Notes
526.

La classe est constituée de façon originale. Elle est composée d'enfants de C.P. et de C.E. 2.

527.

Cf. tableau reprenant la typologie des différentes tendances dans le chapitre 3 TOME I