Geste n°8
Des liens se sont construits tranquillement entre la vie au quotidien de l'enfant et son apprentissage. La recette de gâteau lue et faite en famille, les histoires religieuses lues en lien avec la culture familiale, les contes régionaux achetés pendant les vacances pour être lus ensuite, sont des exemples qui favorisent le lien culture familial et apprentissage. En effet, apprendre à lire, c'est posséder un code servant à décrypter les éléments de sa propre culture d'appartenance. Luc, par l'initiation au lire et à l'écrire s'inscrivant dans le temps, se construit également un lien avec le monde scolaire puisque l'essentiel du programme de l'école primaire est fondé sur l'acquisition et la manipulation de la langue écrite. Ainsi, il ne se trouve pas en décalage.
Luc, avant même de rentrer en cours préparatoire, avait déjà une très bonne conscience de l'écrit et savait déjà écrire des phrases sensées 578 . Une épreuve passée en grande section s'inspirant des travaux de Emilia FERRERO 579 laissait à penser qu'il était arrivé à un niveau alphabétique suffisamment élaboré pour que l'on comprenne ses écrits. Sa progression en cours préparatoire n'a pas été extraordinaire. Il a seulement affiné des habilités et a appris à se positionner vis à vis des textes, en les questionnant davantage. La maîtresse avoue même qu'on aurait pu certainement lui demander beaucoup plus. Mais, travaillant dans une classe à deux cours (CP - CE1) avec des enfants en grandes difficultés, elle n'a pas pu exiger davantage de lui. "Il a réussi" dit-elle "à plus analyser les textes mais au niveau du goût de lire, du plaisir de lire, il n'a rien appris en cours préparatoire. C'était déjà acquis". Autrement dit, avant même de rentrer en cours préparatoire, l'enfant s'était élaboré un projet de sens en direction de la lecture. Il savait ce que lire voulait dire. Il était motivé pour le faire.
Mais, on n'est pas motivé tout seul 580 . Luc, comme nous l'avons vu plus haut, a été bercé dans un milieu familial pour qui, le livre a une importance. Le père le reconnaît bien en disant, "c'est vrai que nous, on a pas mal de livres quand même mais même si on ne lit pas beaucoup, ça incite tout de même à la lecture". Ils l’invitent en permanence à lire ou à écouter des histoires, si bien que le support écrit devient compagnon. Le livre n'est pas obstacle à la communication, bien au contraire, il incite à la parole, aux questionnements existentiels, à la "communion" et au "partage" dira la maman. Il fait partie de sa vie d’enfant.
Dans toute l'initiation mise en place depuis qu’ils sont nés, on reconnaît une dominance de la tendance "précurseur" 581 . Le milieu familial a assuré l'éclosion de la lecture, dans un souci d'éveil global à la culture. Le dialogue permanent autour de l'écrit est également un signe d'une relation tripolaire entre parents, livre, et enfants installé depuis la prime enfance. Pour les parents, être courageux devant l'effort, savoir structurer l'espace temps, sont aussi des qualités dont il doit se doter pour continuer à apprendre. Leur culture religieuse soutient probablement toutes leurs actions. Le respect du temps et l’écoute de l'enfant semblent être les meilleurs alliés. "Faut y (l'apprentissage de la lecture) prêter intérêt, mais après faut essayer de comprendre son enfant, donc forcément prendre du temps, du calme et puis, une histoire de façon de vivre, un peu ; [...] Ca ne s'arrête pas qu'au mécanisme de la lecture forcément" dira la maman en forme de conclusion.