Geste n°8

L'apprentissage n'est pas vécu comme un pensum pour Thibaud et le travail à l'école est en lien avec ce qu'il aime à la maison. "A l'école, y'a une continuité du plaisir aussi de la lecture parce que leur façon de lire maintenant, ce sont des histoires amusantes, c'est pas du travail... rébarbatif. C'est le plaisir de lire des histoires". Incidemment, il affine, au gré de ses lectures, sa personnalité lectorale où il invente, rêve et apprend. Aucune rupture n'existe alors entre sa vie quotidienne et la continuité de son apprentissage. Ainsi, l'outil "lecture" est mis en perspective et prend sens pour sa vie d'enfant. 679

Tout ce témoignage indique que l'enfant est entré naturellement dans un processus de lecturisation où l'écrit a fait tout d'abord sens pour lui dans ses préoccupations enfantines. Les deux parents se sentent pleinement responsables de son apprentissage et l’ont devancé, en partie ; on le retrouve notamment dans l'achat de la méthode BOSCHER pour Audrey. La présence incontournable du père, la régularité de l'histoire racontée, le sens de leurs responsabilités en tant que parents devant les apprentissages de leurs enfants sont autant d'éléments montrant le fait qu'ils ont une tendance "précurseur" 680 .

En effet, ils ont établi entre le livre (le code) et eux, une médiation de type naturel, les invitant, sans forcing, à rentrer dans le monde abstrait de la lecture. Le terme "apprentissage" sera d'ailleurs rejeté par le père ; ce mot est incongru, "hors sujet", puisqu'il fait le plus souvent appel à la méthode, à la leçon parfaitement organisée par le maître. Là, il s'agit davantage d'une initiation prenant en compte l'expérience au sens du vécu de l'enfant. Il y a bien un souci ou une arrière pensée de réussite scolaire chez le père, mais l'action naturelle menée par ces deux parents pour qu’il s'approprie le langage écrit est orientée, semble-t-il, vers son éveil, dans sa globalité sans souci de rentabilité immédiate. Leur habitus de lecteur facilite grandement l'acquisition du code et en engendre un chez leurs enfants. Cela va de soi, mais, pour ce faire, ils ont tout mis en œuvre. L'enfant arrivant à l'école, dans cet univers d'apprentissage de la culture, n'est pas dérouté car, au fur et à mesure de sa vie préscolaire, il a déjà engrangé des schèmes d'interrogations du monde s'apparentant à ceux de l'école. Autrement dit, il y a une adéquation entre les deux cultures familiale et scolaire qui facilite grandement les choses.

Notes
679.

Le critère N°13 n'a pas été formellement évoqué.

680.

Cf. tableau reprenant la typologie des différentes tendance, chapitre 3 TOME I

383 CHARTIER (A.M.), CLESSE (C.), HEBRARD (J.).- Lire écrire I. Entrer dans le monde de l’écrit.- Hatier 1991, page 46-47.