2 / De la nécessité à limiter l’interprétation des données statistiques.

Une comparaison statistique des données peut s'effectuer en globalisant les différents degrés distribués à chaque entretien pour chacun des critères. Elle donne un panorama de nos deux populations. On peut craindre à juste raison le caractère subjectif de l'attribution de ces qualificatifs. Tout ne peut pas être quantifié et les résultats affichés dans le tableau suivant englobent les singularités, sans leur apporter réellement du sens, lequel ne peut être développé que dans une analyse qualitative, comme cela a été réalisé pour chacun 682 des entretiens. C'est la raison pour laquelle ils ne doivent pas, non plus, nous faire perdre de vue que les gestes de médiation se pratiquent dans la singularité, au sein de la famille. Ces données chiffrées sont là simplement pour confirmer des constats sociologiques au travers de la macrosociologie. Elles ne dévoilent en rien la singularité de la relation qui se tisse entre parents et enfant, mais sont nécessaires pour comparer les deux groupes. Cependant, considérant l’effectif de 50 familles comme petit, la prudence, quant à une généralisation des résultats, est de règle.

A la lecture de ces comparaisons statistiques, on remarque que, globalement, les deux groupes se distinguent nettement. Dans le geste 1, les parents du GROUPE I ont une meilleure connaissance et sont satisfaits de la méthode de lecture employée. Les autres la connaissent peu ou prou et possèdent donc plus ou moins d'informations leur permettant d'aider leur enfant à la maison. En d'autres termes, grâce aux données chiffrées, les parents des deux groupes ne se sentent pas équitablement informés. Il en sera de même de leur degré de satisfaction. Cependant, que leur enfant soit en échec ou en réussite, il n’y a pas de différence significative, concernant la confiance vis à vis des enseignants.

La comparaison réalisée sur les critères du geste 2 montre des attitudes différentes entre les deux populations. Il en sera de même pour le suivant, mis à part dans l’abonnement à une revue de presse enfantine ; qu’il fasse partie d’une famille ou d’une autre, l’enfant a autant de chance de bénéficier d’un abonnement. En revanche, s’il appartient à une famille du GROUPE II, il aura moins le bonheur de se faire raconter des histoires et les entendra relativement plus tard qu’un enfant issu de familles du GROUPE I. La comparaison du geste 5 doit être accueillie avec beaucoup de prudence. En effet, la méthodologie employée nous permet seulement de dire que, en apparence, le dialogue parent-enfant, utilisé entre les deux populations, est différent. C’est à la relecture de l’analyse qualitative qu’on peut noter, ici ou là, en quoi ils ne se ressemblent pas. De même, la comparaison statistique de la participation des pères n’est pas très significative mais, lorsqu’on lit le contenu des entretiens, on ne peut pas rester insensible à telle ou telle démarche entreprise, à telle ou telle posture éducative. C’est en ce sens, notamment pour ce critère, que les données chiffrées ne peuvent rendre compte du vécu. Mis à part la participation des parents dans les jeux stratégiques (N° 14), les critères 13 et 15 683 semblent être vécus de la même façon pour toutes les familles. Cependant, on note, au passage, que celles du GROUPE II passent plus de temps avec leur enfant pour la leçon du soir. Cela tendrait à signifier qu’elles investissent le scolaire davantage que les autres. Enfin, les deux derniers gestes dévoilent des contrastes vraiment significatifs. Chacun des deux groupes ayant des vécus lectoraux différents, il est normal que l’enthousiasme face à la lecture ainsi que les liens tissés entre leur vie au quotidien et l’apprentissage le soient aussi.

Qu’elles soient d’ordre qualitatif ou quantitatif, que peut-on faire de ces différentes données, qui montrent bien que la famille, dans tous ses attributs, joue un rôle essentiel dans l’apprentissage de l’acte lexique de son enfant ? Que peut faire l’école pour donner du sens au vécu de lecteur et amener la famille à prendre conscience qu’elle n’est pas la seule, en tant qu’institution de spécialistes, à ouvrir l’enfant au domaine du "lire" et de "l’écrire" ? Tout en respectant les différences culturelles de chaque lieu, est-il envisageable d’imaginer des actions en faveur d’un rapprochement entre les deux univers de l'enfant ? N’est-il pas illusoire, aussi, à plus ou moins long terme, de vouloir renforcer ce dialogue entre parents et enseignants ? Et d’ailleurs, compte tenu des pressions exercées par la société en général, de ses mutations, est-il tout simplement possible ? Sans prétendre à l’exhaustivité, nous tenterons d’esquisser quelques réponses.

Notes
682.

Cf. Parties 4 et 5

683.

Critère N°13  : Les débuts du geste graphique chez l’enfant. Critère N° 15  : Leçon du soir.