* Au niveau des enseignants

Compte tenu des propositions faites ci-dessus, le cadre professionnel de référence de l’enseignant est profondément modifié. Il n’est plus le maître, dans le sens le plus fort du terme, c’est à dire qu’il n’est plus le seul à avoir la maîtrise du dispositif scolaire. La formation en dynamique des groupes et sur le fonctionnement cognitif des enfants est nécessaire pour le rassurer sur le bien fondé de telles options éducatives. Mais, comme toutes institutions démocratiques se respectant, une telle entreprise de renouveau ne peut se faire que sur la base du volontariat. La peur de ne plus avoir le contrôle de tels ou tels aspects de sa mission d’enseignant, la perte de repères spatio-temporels des évolutions scolaires – tous les apprentissages ne font pas uniquement en classe -, l’angoisse des parents envahissant son domaine professionnel ne sont pas faits pour le rassurer. Il est tout à fait légitime, compte tenu des contextes socioculturels dans lesquels il s’est formé, qu’il soit réticent 695 .

Notes
695.

Philippe MEIRIEU in « La pédagogie le dire et faire, » explique en quoi l’enseignant est en crise d’identité. Pour lui, les points de stabilisation de la société, la famille, la religion et l’école, n’offrent plus de repères structurés et structurant qui permettaient une « transmission mécanique » (page 231) et « une relation marchande ». L’enseignant doit constamment déployer son inventivité sans chercher dans l’affection des élèves une introuvable et dangereuse gratification. Il souligne avec François DUBET (voir bibliographie), que son autorité et sa légitimité ne vont pas de soi. Certains enfants, avant même d’arriver à l’école, ne les ont pas compris et intégré. «  Même dans les établissements faciles, l’enseignant doit construire la situation sociale qui lui permettra d’exercer son métier ; c’est à lui que revient la tâche de réguler les comportements anomiques comme de justifier auprès des parents et des élèves eux-mêmes les principes de son enseignement. La situation n’est plus contrôlée a priori par la norme sociale ; elle repose largement sur l’investissement de l’enseignant qui doit, tout à la fois, établir et faire respecter les règles qu’il juge nécessaires, expliquer sans relâche pourquoi il fait cela plutôt qu’autre chose, justifier les sanctions qu’il est amené à prendre, motiver les élèves que la seule perspective d’un avenir professionnel hypothétique ne convainc plus, persuader son chef d’établissement qu’il prend bien des initiatives requises par « le projet d’établissement » et son inspecteur que ces initiatives ne l’amènent pas à sacrifier les programmes nationaux. » (Page 232).