Entretien n° 9. Pré-enquête famille LECHAREAU

Fait le 9 Juin 1997

E Quand on parle d’apprentissage de la lecture, qu’est-ce que cela évoque pour vous ?

M Bah, le tout début, le b a ba, je dirais, ben apprendre à savoir lire, à avoir le contact avec les lettres, avec les livres, avec le papier et vouloir lire, apprendre à transmettre la lecture, savoir faire lire aux enfants. L’apprentissage, c’est... on apprend les mots, savoir reconnaître les mots sur un papier, sur un support.

E Alors c’est votre avis.

M C’est mon avis, alors après.

E C’est-à-dire que c’est une chose que je dis aux parents également, y’a pas de postulat scientifique, ce qui m’intéresse, c’est vous.

M Voilà.

E Le reste, moi je m’en balance, parce qu’il n’y a pas de vérité en soi, dans ce genre de truc. Alors quand vous dites, c’est apprendre, c’est travailler, qu’est-ce que cela sous-entend également ?

M Mais il faut que l’enfant, ben je sais pas moi, j’essaie de, ma petite fille, je lui apprends à lire, ben ... je ne lui ai pas appris à lire mais je lui lis des livres pour qu’elle est envie après de connaître des histoires et après se dire tiens, si moi j’arrive à lire toute seule, ce serait bien. Et je pense que c’est comme cela qu’elle a eu envie de lire, et qu’elle a eu envie de connaître les mots, les lettres.

E Vous lui avez raconté des histoires ?

M Ah oui, nous on raconte beaucoup d’histoires. Moi je suis très lecture, donc on a raconté des histoires depuis qu’elle a, moi je sais pas, deux ans, tous les soirs on lui raconte une histoire et là on continue, le petit frère est né et on continue, on lit l’histoire aux deux enfants, la même histoire tous les soirs, tous les soirs on lit une histoire aux deux enfants, ils sont tous les deux réunis dans la même chambre et on lit une histoire.

E Quand vous dites on lit...

M Y’a papa ou moi. C’est moi ou le papa. Les deux. Souvent c’est moi parce que le papa est un peu moins disponible mais... sinon c’est moi quoi. Quand le livre est trop long, on partage, on se met d’accord, on dit on lit trois chapitres puis on lira la suite demain, c’est en fonction du livre que les enfants choisissent. Ce sont les enfants qui choisissent les livres qu’on va lire le soir.

E Ou est-ce qu’ils choisissent les livres ?

M Alors bon on va à la médiathèque de Bouguenais. Ou bien c’est des livres qu’Emilie ramène de l’école ou bien ce sont des livres qu’on a à la maison parce que c’est des cadeaux, ou bien des livres qu’on achète, ou bien... Emilie est abonnée à une revue, donc y’a des petites histoires dessus...

E Emilie est abonnée à quelle revue ?

M Elle est abonnée à Winnie mais là on va changer parce que on trouve que ça fait un peu bébé maintenant. On va changer, je ne sais pas ce qu’on va lui prendre comme revue à la rentrée, on attend la fin de l’abonnement...

E Oui et puis vous allez choisir autre chose.

M Sinon avec l’école, elle avait commandé... elle aime beaucoup les « J’aime lire » et puis elle avait commandé « Les belles histoires » aussi. Donc on continue, on les prend, une fois à la bibliothèque, une fois à la médiathèque c’est selon.

E Et vous allez souvent à la médiathèque ?

M Tous les mercredis, moi j’adore être à la médiathèque.

E C’est votre truc pour vous aussi !

M Ah oui mais moi toute seule j’y vais. L’après-midi je passe un moment à la médiathèque. J’aime bien, je suis entourée de livres, c’est...

E Vous aimez lire.

M J’adore lire. J’adore lire. C’est mon élément ça la lecture...

E Et quel est votre roman ou votre livre actuellement ?

M En ce moment je relis les Agatha Christie. Je redécouvre les Agatha Christie et je me fais plaisir.

E Et les enfants, Emilie aime lire !

M Emilie aime lire, le frère pour l’instant, il a d’autres sujets d’occupation mais Emilie aime lire, oui. Elle lit beaucoup. Au début je me disais qu’elle avalait un peu, je me demandais si elle comprenait ce qu’elle lisait ou si c’était juste le plaisir de tourner les pages et puis de savoir un peu. Et puis en fait elle comprend puisqu’il y a des livres où il y a moins d’images et elle est capable de nous raconter ce qu’elle a lu avec ses mots à elle, donc je me dis c’est peut-être ça aussi de savoir lire, c’est savoir... non seulement déchiffrer mais aussi comprendre l’histoire, comprendre le sens, savoir que c’est la princesse qui doit faire un truc et pas l’autre (rire). Mais c’est vrai qu’on lit. Le papa ne lit que des BD. Parce qu’au bureau il lit beaucoup de revues spécialisées pour son travail donc à la maison c’est spécialement les BD et Emilie a essayé les tintins, bon mais c’est déjà un peu compliqué quoi à lire, mais sinon elle lit.

E Vous voulez dire par là qu’elle commence à prendre un livre toute seule...

M Ah oui, mais ça elle le faisait, elle le faisait bébé, de prendre un livre, mais les livres pour les tout petits où il y a que les pages avec les cartons très épais. Elle prenait son livre, elle s’asseyait et elle regardait les images. Pas forcément avec le livre dans le bon sens d’ailleurs, mais elle aimait bien déjà avoir un livre quoi. Et c’est que nous on avait envie, qu’elle est envie de lire quoi, qu’elle est envie de...

E Et vous trouviez ça important.

M Oui, je trouvais ça important parce que je me disais que ça allait lui permettre, ça allait lui donner certainement plus de facilité à l’école, si elle s’y intéressait le plus tôt possible.

E Et vous êtes satisfait ?

M Oui, parce que, à la Toussaint, elle savait lire couramment quoi, donc c’est vrai que, moi j’étais contente... et on a la même démarche avec le petit frère, mais ça marche pas du tout.

E Qu’est-ce que vous entendez par là, ça marche pas du tout ?

M Disons, Emilie elle aimait lire, elle aimait... et puis elle prenait un papier, elle faisait un dessin, elle écrivait, elle..., en petite section elle savait écrire son prénom par exemple... alors que le petit frère il s’appelle Quentin, alors pour faire son Q, il dessine un ballon quoi. Donc...

E Ça veut dire qu’Emilie, vous avez donné un petit coup de pouce, un petit coup de pouce, non c’était naturel, en fin de compte !

M Oui, on ne lui a pas appris à lire. Je lui ai pas dis :  « c’est le mot maman, où ça c’est un b, un a ça fait ba ou maison ça s’écrit comme ça ». Ça j’ai pas fait, je me suis dis ça c’est l’école. Moi j’ai voulu lui donner le goût de lire, de prendre un livre et puis si on sait pas lire et bien on regarde les images et puis quand elle me posait des questions... Un jour elle a fait un livre, c’est-à-dire qu’elle a fait une histoire, alors elle m’avait demandé d’agrafer ses fiches, on a agrafé, elle a fait des dessins qui avaient une histoire et elle m’a demandé de lui écrire l’histoire. Alors moi sur un papier je lui écrivais et elle dessinait le graphisme des lettres quoi, on ne pouvait pas dire que c’était de l’écriture mais elle a fait son livre comme ça. Donc ça, c’était un succès pour moi, j’étais...

E Vous étiez contente, satisfaite...

M Ben j’étais contente parce, je me suis dis elle a, non seulement elle a envie de lire mais elle a envie elle aussi de composer et puis je trouvais que c’était bien pour son imaginaire à elle. C’était riche.

E Mais quand elle a commencé à écrire son prénom en petite section, vous lui aviez déjà donné des indications pour écrire correctement !

M Ben en fait non. Un jour on s’est rendu compte, on a emmené Emilie à l’école et le maître nous a pris à part. Voilà je suis embêté, Emilie s’est écrire son prénom en lettre bâton, mais nous on lui demande de ne pas l’écrire en lettres bâtons, si elle doit l’écrire il faut que ce soit en lettres attachées. Et moi je lui ai dis, mais c’est vrai que j’ai vu qu’elle savait écrire en lettres bâtons mais moi j’ai cru que c’était le maître qui leur avait appris. Mais en fait on s’est rendu compte que... c’étaient les petites jeunes filles qui viennent des fois jouer avec elle ou qui viennent la garder quand on sort qui, bah elle demandait aux jeunes filles :  « Comment ça s’écrit Emilie ». Et les jeunes filles lui écrivaient en lettres bâtons parce qu’elles trouvaient que c’était mieux pour un enfant de cet âge et en fait c’est comme ça. Elle a recopié ce que les grandes filles lui avaient montré. Mais en fait moi je croyais que c’était le maître, lui croyait que c’était nous et en fait c’était ni l’un ni l’autre, c’était une source extérieure.

E Et est-ce que c’était grave ?

M Non c’était pas grave, mais disons que le maître m’a dit lui il trouvait que fallait commencer par la cursive quoi...

E Dès la petite section ?

M Voilà, que lui les lettres bâtons, c’était...

E C’est quoi qu’on appelle les lettres bâtons, les lettres majuscules ?

M Donc lui ça l’intéressait pas trop qu’elle écrive... J’étais contente elle savait écrire son prénom, elle l’écrivait partout, sur son tableau, sur tous ses papiers, moi je trouvais ça bien, elle était fière d’elle de savoir écrire son prénom, elle écrivait que ça. Mais elle savait l’écrire, c’est vrai que c’est pas difficile mais pour elle c’était déjà un exercice assez ardu et c’est comme çà qu’on s’est aperçu qu’elle savait écrire et donc reconnaître son prénom comme les enfants le font sur les étiquettes à l’école.

E Alors pour vous, quel est le meilleur moyen pour apprendre à lire ?

M J’en sais rien. J’en sais rien car pour Emilie la méthode qu’elle a utilisée à l’école en grande section, parce que c’est surtout là que ça a commencé, de connaître les lettres et puis de reconnaître papa, de leur montrer les mois de l’année, les jours, les mots comme ça, le loup, selon les histoires qu’ils étudiaient. Je dis que ça fonctionnait pour Emilie parce que c’était la méthode, je sais pas, qui lui convenait, mais je sais pas si une autre méthode lui aurait peut-être convenu tout autant. C’est peut-être son envie de savoir lire qui a fait qu’elle s’est bien adaptée à sa méthode...

E Qu’est-ce qui a fait qu’elle avait envie de lire ?

M Je pense que c’est, parce qu’on lisait beaucoup, elle nous a vu lire et puis elle trouvait que c’était bien. Qu’on lui achetait des livres avec des cassettes, ou quelqu’un raconte l’histoire et puis l’enfant suit sur son livre et puis une petite clochette quand il faut tourner la page, enfin, tout ça, je pense que, c’est un tout, c’est pas...

E Alors pour vous l’apprentissage de la lecture, ça commence quand ?

M Je pense que ça a réellement commencé en grande section maternelle. Où elle savait reconnaître non seulement son prénom mais aussi le prénom de ses camarades sur les étiquettes... et puis là la maîtresse lisait une histoire et puis ils l’étudiaient et puis je sais que le loup, je sais plus ce qu’il faisait, et puis elle savait lire le mot loup, quoi, et puis les couleurs, comment on écrivait noir, bleu, rouge. Bon, je pense que c’est en grande section de maternelle que là le déclic s’est fait, quoi.

E Oui, alors qu’avant, y’avait quand même des choses.

M Alors qu’avant elle apprenait les lettres... elle apprenait à écrire, mais enfin bon c’était surtout basé sur du graphisme pas forcément les lettres ou les chiffres, non je pense que c’est en grande section et en plus ça a très bien collé avec la maîtresse, elle s’entendait vraiment très bien avec sa maîtresse, c’était vraiment le bon tandem, quoi, qui fait que, je pense qu’un enfant qui se sent à l’aise dans une classe, le savoir peut passer.

E Oui. Est-ce qu’on peut dire qu’il y a un lieu privilégié où l’on apprend à lire ?

M (silence) oui je pense que c’est l’école.

E Pour vous c’est l’école.

M Oui.

E Parce qu’en vous entendant parler, on a l’impression qu’il y a une partie école, et qu’il y a une partie famille...

M Nous on a donné l’envie...

E Voilà.

M ... et la maîtresse lui a donné le pouvoir quoi. Je dirais. Nous, on lui a donné l’envie et puis la maîtresse a su combler, faire le lien avec la lecture, et puis après bon en CP, elle avait très très envie d’aller en CP, c’était vraiment la grande école, c’était là où elle allait faire des devoirs. Parce que son rêve c’était de faire des devoirs, donc... maintenant qu’elle en a, elle le veut plus... Mais, non, elle avait vraiment envie de grandir quoi, je pense que c’est ça. Et c’est peut-être parce que c’est l’aînée, donc on a été très... Je pense que c’est surtout ça parce que le petit frère il se laisse vivre, mais je pense qu’elle avait... je pense qu’on lui a donné beaucoup de chance de lire, de lire, d’écouter des histoires, et à l’heure du conte le mercredi après-midi, alors on y va...

E Qu’est-ce que vous appelez l’heure du conte ?

M Bah c’est une dame qui prend les enfants qui sont dans la bibliothèque et qui les réunit dans une salle et puis elle leur lit des histoires pendant 40 minutes, ¾ d’heure à peu près..?

E Tous les mercredis ?

M C’est un mercredi sur deux...

E Sur Bouguenais...

M Oui, une fois c’est ici, et une fois c’est au bourg, euh aux Couëts. Alors ça, ils appellent ça l’heure du conte et moi je sais que mes enfants y vont. Tous les mercredis, ils ont ça.

E C’est de quelle heure à quelle heure ?

M C’est de 14 heures, disons... non ça commence à 15 heures parce que le petit faisait la sieste, ça commence à 15 heures jusqu’à à peu près 4 heures moins le quart.

E Et vous n’en ratez pas une !

M On essaie de ne pas en rater, mais j’ai la dame de la bibliothèque la liste des mercredis où il y a l’heure du conte. Je trouve que c’est bien. Moi je trouve que tout ce qui est..., je trouve que c’est bien, parce que c’est bien que ce soit nous qui racontions les histoires mais aussi des personnes, comme on n’a pas de famille sur la région, y’a pas de mamie qui peut raconter d’histoires quand elle vient les garder, je trouve que c’est bien qui ait aussi d’autres personnes extérieures, parce qu’on lit pas tous pareil les histoires. Et puis à l’école, y’avait aussi des mamans qui venaient faire la lecture le vendredi matin et elle aimait bien quoi. Maintenant moi je le fais aussi, je vais en maternelle lire le vendredi parce que je trouve, les enfants aiment beaucoup. On les laisse choisir des livres et puis on leur dit allez hop on va raconter ton histoire, c’est eux qu’on choisit l’histoire, et puis bon... ils la connaissent par coeur souvent mais enfin bon...

E Ils aiment bien réécouter...

M Ils aiment bien réécouter voir si on change pas le sens de l’histoire, ils aiment ça.

E Ils sont à l’affût des mots.

M Oui, c’est vrai.

E Vos enfants, ont des livres qui leur sont personnels, vos enfants...

M Oui.

E ... comme vous avez dit tout à l’heure, qui ont été acheté par les uns ou par les autres plus les livres de la médiathèque.

M Oui, plus les livres l’école, enfin l’école, ils ont une bibliothèque qui est assez fournie, je ne sais pas si vous avez vu dans cette école.

E Je n’ai pas eu l’occasion...

M Ah ils ont une très très belle bibliothèque, dès qu’ils ont de l’argent, hop ils investissent dans des livres (rire). Donc ça... ils sont très fiers de leur bibliothèque d’ailleurs. C’est un peu pour leur école.

E Qu’est-ce que vous pensez autrement de la méthode de lecture qui est utilisée ?

M Elle est bonne pour ma fille, elle a été bonne, il semblerait, parce que ça marche. Mais, j’ai beaucoup d’amies qui ont des enfants qui ne savent toujours pas lire en fait, en fin de CP, les mamans sont désespérées, les enfants n’en ont rien à faire mais les mamans sont... catastrophées, elles se disent que bon, c’est pas cette méthode là qu’il aurait fallu employer.

E Qu’est-ce que vous en pensez vous ?

M Je pense que c’est chaque enfant.. Je pense qu’il faut essayer une méthode et puis quand on se rend compte que ça ne convient pas à l’enfant, il faudrait pouvoir changer rapidement quoi. Mais là, pour la fille d’une amie en particulier, là... bah on est resté toujours à la même méthode et ça n’a pas marché en septembre et ça ne marche toujours pas début juin. Donc... je pense qu’il faut essayer... Nous on a appris d’une façon quand on était petit et puis, moi j’ai pas appris du tout comme ma fille, parce que moi j’avais pas d’école maternelle là, le petit village ou j’habitais, c’est maman qui m’a appris à lire.

E C’est votre maman qui vous a appris à lire ?

M Oui.

E Comment est-ce qu’elle s’y est pris alors pour vous apprendre à lire ?

M Ben d’abord, je me souviens et puis après elle m’a bien confirmé. Elle prenait le journal et puis il fallait que j’entoure toutes les lettres A et puis après toutes les lettres B. Et puis après elle a fait l’association un B et un A ça fait BA, quoi. Et moi j’ai appris à lire comme ça, parce que je pense, peut-être cette méthode là qui lui avait permis de savoir lire là elle aussi. Ou alors qu’on avait employé pour mes frères et soeurs, je ne sais pas... ça a marché, à 5 ans et demi je savais lire et...

E Elle vous racontait des histoires, votre maman aussi ?

M Maman non, on était 5 enfants, on avait pas franchement beaucoup le temps, c’était plus mes grands frères et mes grandes soeurs qui racontaient des histoires. C’était pas tellement maman quoi. Mais bon y’avait quand même une personne plus âgée qui savait lire et qui transmettait ça. Mais c’était pas tellement, non pas tellement mes parents qui lisaient. Elle m’a appris à lire parce que bon, elle voyait que j’étais demandeuse, parce que tout le monde savait lire sauf moi dans la famille...

E Vous étiez la plus jeune ?

M Voilà, donc j’avais envie.

E Comme les grands.

M Ben oui voilà, je pense que c’est ça aussi, j’avais envie de faire comme les grands, donc maman a dit bon bah, comme il n’y avait pas de petite école, bon ben je vais... tu vas d’abord me reconnaître tous les A, tous les B, puis quand elle a vu que ça marchait, elle a eu envie peut-être aussi de jouer à la maîtresse avec moi. Puis ça a marché parce que sinon j’aurais attendu le CP comme tout le monde, comme les autres enfants... Mais sinon, je sais pas, la méthode... elle fonctionne avec Emilie parce qu’Emilie très vite, a su lire couramment et très vite elle nous a dit, non, le soir, c’est moi qui lit l’histoire à Quentin. Alors bon quand elle balbutie un peu, on l’aidait parce qu’il y avait des mots qu’elle ne connaissait pas mais elle avait envie puis elle cherchait quoi. Quand c’était des mots qu’elle ne connaissait pas, elle essayait de trouver des mots qui ressemblait quoi, qui, phonétiquement il fallait que ça soit à peu près pareil, parce qu’elle reconnaissait qu’il y avait un tre, tre ça fait train mais il n’y avait pas marqué train, c’était autre chose, mais bon elle avait envie de le reconnaître, quoi. Donc on a joué comme ça aussi. Elle lisait l’histoire à son petit frère. Maintenant on a repris le relais parce que maintenant elle veut plus lire, elle lit elle toute seule mais souvent on l’a retrouvée à sept heures du matin dans son lit, en train de lire une histoire. A lire un livre toute seule, si bien qu’elle a envie de lire parce que si à sept heures du matin, c’est pas nous qui lui disons...

E Les personnes que vous connaissez sont un petit peu déçues, sont un petit peu..?

M Oui, ah oui... là j’ai ouh... au moins 4-5 mamans, les enfants sont pas tous dans la même classe mais donc sont quand même dans le même groupe de lecture. Elles sont pas très contentes parce que... enfin pas très contentes, elles sont déçues parce que, parce qu’elles voient que les autres y arrivent et pas leur enfant et... je sais pas quelle magie... y’a des déclics, enfin Gérard nous a expliqué qu’il y a des déclics qui se sont du jour au lendemain, sans qu’on sache pourquoi, qu’est-ce qui fait que l’enfant tout à coup ben... sait lire ou il croit qu’il sait lire. Du moins dans sa tête ça y est quoi. Tandis que là les petites filles, parce que ce sont des petites filles, je sais pas si pour les garçons c’est autre chose, elles sont 5 petites filles et... puis ça les intéresse pas. Puisque les mamans m’ont dit ah... on va te les emmener, Emilie va jouer et elles vont essayer de faire un truc... bon fallait faire une mise en scène pour qu’Emilie leur montre qu’elle savait lire et qu’elles aient envie de faire comme la copine. En fait...

E Et ça vient de quoi qu’elles n’aient pas envie de lire ?

M Je ne sais pas. Je les trouve... elles sont encore bébés quoi, elles ont pas envie de grandir peut-être. Il y en a une particulièrement qui n’a pas envie de grandir et savoir lire je pense que ça veut dire qu’elle va être grande et elle, elle a pas envie parce qu’il y a le petit frère qui est bébé et puis qu’elle va passer à côté de ses parents. Je sais pas. Elle a peut-être peur que les parents ne s’intéressent plus à elle parce qu’elle ne sait pas lire, alors que pour l’instant ses parents sont peut-être trop sur son dos, je sais pas... mais c’est pas facile de juger l’attitude qu’on peut avoir.

E hm hm.

M C’est peut-être un problème de maturité aussi. On peut avoir une maturité pour la lecture et pas du tout pour l’écriture par exemple, ou pour les mathématiques, parce que les petites filles dont je vous parle sont très à l’aise en mathématiques par exemple. Pourquoi une matière et pas une autre déjà... Je ne sais pas. Je ne sais pas du tout.

E Une difficulté !

M Il semblerait ou qu’il y a un obstacle à surmonter et que... on n’est pas trouvé le moyen de le surmonter. Mais je ne sais pas ce que ça peut être, si c’est... je pense qu’ils ont pas envie de grandir, moi je crois.

E C’est votre analyse.

M Oui, je crois que c’est parce que... Autant y’en a qui ont envie de grandir parce qu’ils ont envie de passer chez les grands, de..., ils rêvent d’être en CE1, ma fille l’autre jour m’a dit : « Maman, à quel âge on est adulte ? ». (soupir). Bon.

E Question philosophique.

M Bon, voilà. Elle commence les questions embarrassantes, mais bon je pense que c’est une grande partie ça. Mais par contre pour d’autres choses elle a pas envie du tout de grandir quoi. (silence). C’est un peu sélectionné tout ça (rire).

E Et vous par exemple, dans la maison, vous avez des écrits, ce que j’appelle des écrits familiaux. Est-ce que vous utilisez un agenda ?

M Oui, j’ai un agenda.

E C’est un outil précieux ou c’est un outil...

M C’est pour me faire plus de pense-bêtes, pour ne pas oublier.

E Oui.

M Non, ce n’est pas aussi précieux que ça. Je pense que... non. Non, je note parce qu’il y a des semaines où il y a beaucoup de choses, et on se dit s’y jamais j’en rate, vous voyez (rire).

E Même avec...

M Voilà, c’est ça, même avec un agenda on peut oublier, c’est pour ça que je note. C’est précieux pour se souvenir, pour dire tiens quand est-ce qu’on a vu le pédiatre la dernière fois mais sinon, je ne compte pas dessus. Si jamais je le perds, ce n’est pas grave, quoi. Tout ne va pas s’écrouler parce que j’ai perdu un... (rire)... l’agenda.

E Est-ce que par exemple pour vos comptes, vous avez un cahier de comptes ou...

M Non.

E Non, vous faites confiance à la banque.

M Ben... je fais mes comptes, mais je n’ai pas de cahier. J’ai mon relevé de comptes, j’ai mes chéquiers, j’ai mes relevés de carte bleue et puis... Et mon mari a tout ce qu’il faut dans un ordinateur au bureau, parce qu’il travaille dans une banque donc. Quoique là avec la poste ça va se passer différemment, je le sens (rire).

E Parce que vous avez un problème avec la poste.

M Voilà. (rire).

E C’est votre mari qui s’occupe plus des affaires financières de la famille !

M Voilà. Voilà. Oui.

E C’est une espèce de complémentarité familiale entre le mari et la femme.

M Voilà.

E Et au niveau... quand vous partez en vacances. Est-ce que vous faites une liste des choses que vous avez à emporter ?

M On fait une liste des choses à ne pas oublier.

E A ne pas oublier.

M Mais on ne fait pas de liste, on ne marque pas qu’on a emmené trois culottes, deux pantalons... mais on fait une liste des choses... surtout on fait une liste des jouets que les enfants emmènent.

E Oui, bien sûr.

M Pour être sûr de ne pas en oublier...

E parce que ça va être la catastrophe...

M .... parce que ça va être la catastrophe, soit à l’aller, soit au retour. Si on n’a pas emmené les bons jouets, parce que c’est eux qui les choisissent et là on fait une liste, oui, que l’on met dans le sac, et on dit à la fin du séjour il faut récupérer tous les jouets. Mais c’est là qu’on a une liste. Elle est partie en colonie Emilie, là on a fait tout son trousseau, ce qu’ils demandaient, c’est elle qui cochait...

E ... qui cochait pour savoir si on avait pas oublié une paire de chaussettes ou...

M Voilà. C’est elle qui a fait ça.

E Autrement, au niveau de vos photos de vacances, vous les classez régulièrement ?

M Oui, elles sont dans des albums.

E Elles sont dans des albums. Oui. Donc il y a une trace continuelle de la vie de l’enfant.

M Oui, on a des cassettes vidéos parce qu’on a un camescope, tout est rangé...

E tout est bien rangé.

M ... par ordre chronologique.

E Et au niveau de votre téléphone, vous avez un répertoire, oui ? Dans lequel vous mettez tous vos numéros de téléphone...

M Oui.

E ... que vous utilisez quand vous en avez besoin.

M Oui.

E Oui d’accord. Et quand il vous arrive de vous absenter, est-ce qu’il vous arrive de faire des petits mots entre vous, pour vous dire je ne suis pas là, je suis absent... ?

M Entre vous ?

E Oui, entre vous, entre mari et femme, entre enfants etc...

M Non, parce que moi je suis là. Moi je suis le pilier de la maison parce que moi je ne travaille pas, enfin je ne travaille pas. Je travaille à la maison pour que... non je suis là. Non, si je sais qu’il va arriver... que je pars au judo, ou que j’emmène Emilie et puis, je sais que mon mari va arriver, ben je laisse un petit mot. Je laisse un post-it sur la porte... ou bien je mets un post-it sur la table de cuisine pour qu’il voit bien que j’ai quelque chose d’important à lui marquer, quoi.

E Tout à fait, d’accord. Emilie fait du judo, donc elle fait une activité sportive en dehors du temps scolaire.

M Oui.

E C’est la seule ?

M Oui, parce que ça lui prend déjà 3 heures et demie par semaine, c’est déjà pas mal.

E Et ça lui plaît.

M Oui, oui, elle adore ça. Elle nous a dit qu’elle voulait recommencer l’année prochaine donc.

E C’est sa première année cette année.

M Oui, oui. C’est l’activité qui lui convenait parce qu’elle est assez sportive. (rire). Dynamique.

E Alors on va vite, très très vite. Au niveau des jeux, les enfants aiment jouer, bien sûr, mais à quoi jouent-ils ?

M Bah, on s’est demandé. En fait, Emilie a eu sa période jouets quand elle était toute seule, son petit frère est né elle avait 3 ans, elle avait énormément de mal à jouer toute seule, c’est-à-dire qu’il fallait toujours qu’elle soit avec nous et qu’on joue avec elle. Elle ne jouait pas toute seule. Maintenant le petit frère est né, après elle a appris à jouer toute seule parce qu’on était plus assez disponible pour elle alors il a fallu qu’elle s’y mette à jouer toute seule. Alors à quoi elle joue, ben elle joue à tout. Ils ont des ........ pirates, vous devez connaître... elle joue beaucoup... en ce moment ils font des jeux... je dirais des jeux de société qu’ils inventent. C’est-à-dire qu’elle se fait un circuit de l’oie, par exemple, et elle met des chiffres puis des cases où il y a marqué « rejoue » ou des cases « saute ton tour ». Enfin bon ils jouent à ça... Elle est pas du tout fille alors les poupées ça l’intéresse pas du tout. Elle se déguise, quand même, et elle joue au ballon, alors ça... et au vélo. Elle fait beaucoup de jeux moteurs, je dirais.

E Mais quand vous me disiez, tout de suite, qu’elle aimait bien jouer avec vous un moment de temps, elle jouait à quoi à ce moment là ?

M Alors on faisait des puzzles, des dominos, des jeux où il faut reconnaître les cartes, on met toutes les cartes à l’envers, enfin la face contre la table et puis il faut reconnaître les emplacements...

E Oui, Mémory.

M Oui, Mémory. On jouait à tous les petits jeux de tout petits. Quand elle était bébé, il fallait reconnaître la forme pour mettre dans la boite, ou on jouait au ballon. Elle aimait déjà beaucoup, les bébés aiment ça... oui, on jouait aux cartes, on jouait...

E Et là maintenant, vous jouez avec elle ?

M Oui, oui oui. Là on s’est lancé dans la pâte à sel. Je ne sais pas si ça on peut appeler ça un jeu ou une activité... c’est un jeu, parce que c’est elle qui choisit les formes, donc on fait ça avec le petit frère aussi. On fait de la pâte à modeler, des choses comme ça, des moulages, mais ça rate, je ne suis pas très douée pour les moulages. Et on fait des activités manuelles comme ça. Par contre la peinture, ça la branche pas. On a essayé de faire de la peinture. Y’a des mamans qui me disaient : « Oh la la, ils passent des mercredis à faire de la peinture ». Moi non.

E C’est pas son truc.

M Non. Non non. Sinon ils sont comme tous les enfants ils aiment bien regarder la télé, donc on limite mais...

E Ils la regardent souvent ?

M Elle la regarde quand elle revient de l’école, qu’elle a pris son goûter, y’a des dessins animés qui durent 20 minutes, elle les regarde parce je pense qu’elle a besoin d’une pause, parce qu’elle revient de l’école et elle est toute excitée, donc là ça la remet à niveau et après on éteint et elle fait autre chose. Elle joue ou elle va faire du ballon, ou elle prend son vélo ou... On fait pas les devoirs tout de suite.

E Et les devoirs vous les faites un petit peu après !

M Oui, on les fait plus vers 6 heures, 6 heures et demie.

E Et elle a du travail à faire ?

M Oh là. Elle, elle dit oui. Elle a un mot par soir à écrire. Donc nous ce qu’on fait, on fait trois phrases pour écrire le mot dans la phrase. Elle invente, c’est elle qui invente la phrase qu’elle veut écrire. Elle écrit puis après elle me montre, je lui explique si il y a des fautes ou pourquoi il ne fallait pas mettre comme ça. Et sinon des fois elle a de la lecture, oui. Mais la lecture je trouve que c’est faussé parce qu’il l’on déjà fait à l’école. Alors quand je vois le temps sur lequel elle me lit l’histoire, c’est pratiquement du par coeur. Donc c’est pour ça je trouve que c’est un peu faussé. Je préfère à la limite qu’elle lise un livre où elle est vierge dans sa tête quoi.

E Oui ...

M Où je sais qu’elle fait un effort. Alors là elle me lit les... les histoires. Je dis : « vous l’avez déjà lu ». Elle me dit : « oui, on l’a lu une fois à l’école ».

E Ça l’intéresse plus, c’est ça.

M Ben oui. Elle lit, alors elle met le temps. Alors c’est rigolo parce qu’on sent que c’est le ton sur lequel le maître a raconté l’histoire, parce que si c’était elle qui devait le lire, elle le lirait de façon plate. Alors que là, lalalalala... (rire).

E C’est très théâtral.

M Voilà, c’est littéraire, elle le mettrait presque en scène. Et il y a de petites poésies de temps en temps.

E Et Emilie passe beaucoup de temps...

M Non, dix minutes à peu près.

E Et vous rajoutez un petit peu de travail...

M Je rajoute, non. Elle a un cahier. Elle a demandé un cahier en début d’année. Donc c’est elle qui est allé choisir son cahier. Elle marque la date du jour, elle souligne et elle fait, je vous dis, trois phrases avec le mot. Le maître a dit qu’il fallait écrire le mot, donc nous on le met dans une phrase, parce que je trouve qu’écrire des mots comme ça c’est un peu... donc elle invente trois phrases. Donc si c’est le verbe jouer. Elle peut très bien mettre : « Mon petit frère ne veut pas jouer ». Alors après c’est pareil, elle peut mettre « Mon petit frère ne veut pas jouer », « Ma grande soeur ne veut pas jouer », enfin bon, les phrases ne sont jamais très compliquées mais au moins...

E Et elle l’écrit ?

M Elle l’écrit oui.

E Elle aime bien !

M Oui, oui oui, oui oui. Elle aime bien écrire oui. Quand elle est allée en colonie elle avait un courrier, elle est partie une semaine donc elle avait un courrier à faire au moins pour dire qu’elle était bien arrivée. Elle nous en a fait deux.

E Pour dire qu’elle était bien arrivée !

M Oui, elle en a fait deux dans la semaine alors que normalement il y en avait au moins un. Et on a vu une carte arrivée, qu’elle avait achetée avec ses sous, le timbre et tout. Donc c’est bien qu’elle avait envie de nous l’écrire. Et y’avait pas de faute...

E Quand vous dites qu’il n’y avait pas de faute, ça veut dire qu’elle même elle avait... corrigé ses fautes.

M Ah oui, parce que on voit qu’elle corrige elle-même ses fautes. Elle met entre parenthèses quand elle fait une faute. Comme à l’école, quoi. C’est très scolaire les lettres. Les traits qui étaient tirés pour écrire droit. A mon avis elle avait dû demander à la monitrice de colonie de faire des traits parce que je la vois mal faire ses traits elle-même et...

E Quand vous jouez avec votre enfant, ça, ça vous arrive une fois de temps en temps quand même à des jeux de style éducatif, ça vous arrive ? Aux jeux de société ?

M Oui, on joue beaucoup, aux petits chevaux. Le papa a acheté un jeu d’échecs, moi je sais pas jouer mais elle sait, donc ils jouent au jeu d’échecs. Oui, c’est souvent, c’est souvent qu’on joue... enfin souvent... ça dépend ce qu’on appelle souvent, y’a des parents qui disent souvent et puis en fait c’est pas beaucoup.

E Par exemple dans une semaine...

M Dans une semaine, au moins trois fois. Mais c’est aussi parce que je suis à la maison, je pense, donc j’ai peut-être plus le temps que d’autres mamans qui travaillent donc... Et puis elle descend, elle descend avec son jeu et puis elle dit on joue. Je dis : «  je finis ce que je fais et puis après on joue ». Je ne refuse pas de jouer.

E Elle joue à l’ordinateur aussi.

M Elle a un petit ordinateur qu’elle a eu pour Noël. Mais nous on n’a pas d’ordinateur à la maison. Mais elle a un petit ordinateur...

E Ordinathan ou ce style là...

M Oui, c’est, je sais plus, Vtech je crois. D’ailleurs c’était très bien, je trouvais, elle jouait au pendu, aux choses comme ça où il faut qu’elle devine... elle me dit : « oh la la, je savais pas que le loup... pas le loup parce que c’est un mot qu’elle connaît... Elle me dit, oh la la j’avais jamais pensé qu’un bout, un bout de bois par exemple, il fallait un T à la fin. J’ai fait faux parce que j’avais pas pensé qu’il y avait un T. Donc je me dis que peut-être ça l’aide aussi à retenir un petit peu l’orthographe des mots. Je sais pas, je me fais peut-être des idées. C’est peut-être une envie que j’ai et en fait c’est faux.

E Mais vous avez l’impression quand même que votre enfant avance au niveau de la lecture, au niveau de l’orthographe...

M Oh oui, au CP elle a fait...

E ... un bond prodigieux.

M Oh oui. Et très vite quoi. Parce qu’à la Toussaint c’était, enfin en septembre elle ne savait pas lire, elle savait reconnaître des mots mais pas beaucoup et à la Toussaint elle lisait quoi.

E Vous n’avez pas l’impression qu’elle s’ennuie en classe, à présent non ?

M Ben j’ai eu peur un moment donné, j’ai eu peur au mois de janvier parce que des fois quand elle revenait elle disait qu’elle avait fait rien. Alors elle nous avait fait le coup en maternelle aussi. Y’avait des jours où elle faisait rien. Ça nous inquiétait toujours. En fait c’est qu’elle ne faisait rien de nouveau quoi. Elle continuait par exemple un travail qu’elle avait commencé la veille donc pour elle c’était rien parce qu’il n’y avait pas eu de nouveauté et puis en fait, avec Gérard on en a parlé, ils ont des fichiers lecture, ils ont des choses sur ordinateur aussi qui prennent le relais. Parce que c’est vrai que Gérard nous a dit que du coup en janvier tous ceux qui savaient déjà lire ils les mettaient un peu à part de façon à s’occuper principalement de ceux qui avaient besoin... d’apprendre... donc c’est vrai que là je me suis dis oh la la elle va pas aimer là. Mais ma fois elle a trouvé, elle avait d’autres centres d’intérêt quoi. Il lui avait trouvé d’autres activités parce qu’elle est revenue un jour avec son cahier de dessin archi-plein. Elle m’a dit : « ben oui, quand j’ai fini mes maths, il m’a dit de faire un dessin ». J’ai dit : « va moins vite, des maths au moins est-ce qu’elles sont justes ? ». C’était juste c’est parce qu’elle travaillait vite quoi. Bon, quoique maintenant il a trouvé autre chose pour l’occuper parce que bon je me disais le dessin c’est bien gentil mais...

E Ça va pas loin...

M Elle va finir par croire que... qu’on fait des dessins pour combler le temps que c’est plus...

E C’est plus une activité lucrative au niveau de la connaissance.

M Voilà.

E Oui. Votre mari joue avec les enfants, il raconte les histoires quand il a du temps.

M Il trouve toujours du temps...

E ...de s’occuper...

M Oui.

E Je pense qu’on a fait le tour de tout l’ensemble de famille lecture. Maintenant des questions pas plus personnelles mais qui ont plus attrait à vous et à votre mari. Par exemple, vous, quel est le dernier diplôme que vous avez obtenu ?

M Ben j’ai un BTS de secrétariat de direction.

E Donc très à cheval sur l’écriture.

M Voilà. (rire). Et sur l’orthographe. Bon c’est littéraire quoi. J’ai fait un bac littéraire, j’ai continué dans le littéraire. Et mon mari, pas du tout.

E Oui.

M Mon mari a une maîtrise de sciences économiques.

E Oui.

M Donc lui c’est pas du tout. Lui il fait des fautes d’orthographes quoi.

E Il est plus chiffre.

M Il est plus maths oui. Alors c’est pour ça, il dit : « tu as de la chance, maman va t’aider en français, moi je vais t’aider en maths. Tu vas voir ça va aller ».

E Et votre mari, quelle est sa profession actuellement ?

M Il est... il est chargé d’études à la Banque Populaire. Il est cadre bancaire.

E Cadre bancaire. Oui, oui d’accord. Il travaille à plein temps ?

M Oui.

E Et vous, vous êtes femme au foyer !

M Oui, et je m’occupe des petites Ner.......

E Oui, mais normalement on devrait pas le savoir. C’est ce que j’ai dit.... Et en plus c’est vrai que je garde ses petites filles parce que la maman travaille le matin de bonne heure. Donc elle me les amène le matin vers 7 heures, 7 heures et demie, je les ai jusqu’à l’heure de l’école, le midi, l’heure du déjeuner et deux fois le soir. Jamais les vacances, jamais le mercredi. En fait je fais le lien avec la maman et l’école. Voilà donc, je garde ses petites filles. Je les garde parce qu’elles ont l’âge de mes enfants. Parce que mon petit garçon percevrait très mal, quand je regarde déjà les autres bébés, il aime pas du tout.

E Il est jaloux.

M Oui, oui. Très. Donc je garde cette petite fille qui est en petite section maternelle donc en fait ça fait un copain..., ça fait des camarades de jeux. Je trouve que c’est bien aussi. Donc je garde ces petites filles mais j’espère quand le petit frère ira en primaire reprendre une activité de...

E professionnelle.

M Oui, ou dans une association, enfin faire quelque chose, de ne pas rester chez moi.

E Oui, et sans rentrer dans le détail, au niveau salariale, au niveau mensuel vous touchez plutôt entre 5 et 15.000, moins de 6.000, entre 6 et 15, entre 15 et 25 ou au-delà de 25.

M Entre 6 et 15.

E D’accord. Je pose la question de façon un petit peu à avoir les conditions de vie des personnes.

M Oui.

E D’après vous, une question peut-être plus profonde. Que peut-on faire pour qu’un enfant développe au mieux la communication avec les autres, au mieux la connaissance des autres etc. ?

M Faut lui parler. Parce que la communication c’est aussi oral. Je pense qu’il faut beaucoup parler déjà avec le tout petit enfant et je pense qu’il faut le mettre très tôt en contact avec les livres. Ne serait-ce que feuilleter les pages, ils aiment bien les tout petits et puis raconter des histoires, c’est sympathique c’est... Contact avec la lecture. Moi j’aime beaucoup les activités bibliothèque, toutes ces activités littéraires. C’est peut-être un grand mot pour les tout petits mais euh... en fait c’est peut-être ce qui leur donne envie de lire plus tard. Mais je sais pas, je dis ça, ça marche pour ma fille mais... ça marchera peut-être pas pour le second enfant ; ça tout dépend des enfants quoi.

E Quand vous dites ça, vous n’avez pas l’air convaincu de ce que vous dites. (rires). Vous dites quelque part je suis convaincu...

M Je suis convaincue, moi ça a marché pour moi quand j’étais petite, ça a marché pour ma fille mais je vois déjà au même âge mon petit garçon n’en ait pas au même stade quoi.

E Et qu’est-ce que ça prouve quelque part, parce que vous lui racontez des histoires...

M Je lui raconte des histoires mais lui on lui donne, par exemple, c’est ce que je disais à la maîtresse l’autre jour, on lui donne le choix entre un crayon et un ballon ou une petite voiture, il n’hésitera pas du tout, il prendra la petite voiture ou le ballon. Le crayon il s’en contrefou. La maîtresse m’a dit : « il a bien raison, il faut encore qu’il en profite, il est en petite section parce qu’après cela va se compliquer donc pour lui c’est... ». Mais peut-être qu’en fait il aura les mêmes facilités mais que pour l’instant il n’a pas envie. Il est plus bébé dans sa tête.

E Une question un petit peu audacieuse par rapport à ce que vous avez dit tout à l’heure concernant vos amies qui sont un petit peu embêtées avec leurs enfants, est-ce que vous oseriez dire, elles ne racontent peut-être pas suffisamment d’histoires à leurs enfants.

M Oh non, parce qu’elles racontent plein d’histoires. Elles vont à la bibliothèque aussi. C’est çà qui est bizarre quand même. C’est des petites filles pareilles, très éveillées, très ouvertes de plein de choses mais qui préfèrent qu’on leur lise l’histoire, qui attendent que ça leur tombe tout crû quoi. Tout cuit plutôt. Elles attendent que ce soit les autres qui fassent l’effort quoi.

E Oui.

M Et en même temps par contre, à l’oral, elles sont capables de vous raconter une histoire qu’elles se sont inventée quoi. Donc pourquoi. C’est pas un manque d’imagination parce qu’il faut avoir un peu d’imagination pour...

E Bien sûr.

M ... pour apprendre à lire parce que sinon cela ne marcherait pas mais là non, je ne comprends pas, parce que c’est les petites copines de ma fille donc c’est vraiment les mêmes types de petites filles et ça marche pas. Donc je sais pas, la recette n’a pas prise, je sais pas pourquoi. C’est triste parce que, parce que c’est les mamans qui sont tristes en fait, les petites filles elles sont tristes quand elles voient que leur maman n’est pas contente mais ... quand moi je leur dis tu viens je vais de faire lire... non non on est pas venu pour lire, on est venu pour jouer. Par contre elles savent lire les mots qu’elles ont appris à l’école. Elles ont 8/8 aux dictées. Les mots appris à l’école ça marche, mais des que c’est un mot inconnu, y’a rien. Elles ne font pas le lien.

E Donc ce n’est peut-être pas si catastrophique que ça.

M Bah pour les mamans c’est catastrophique. Moi je leur dis : « C’est pas grave, elles ont deux ans, parce qu’on dit qu’elles ont deux ans CP, CE1 ».

E Grande section, CP, CE1 on pourrait même dire.

M Oui, voilà, parce que là... on dit qu’elles ont jusqu’au CE1. Mais en même temps les mamans disent : « Oui mais je suis sûr qu’elles ratent plein de choses, qu’il y a plein de choses qu’elles pourraient faire et qu’elles font pas parce que »... ça doit pas bien les limiter au niveau scolaire, parce qu’elles arrivent à suivre et elles font, ce que le maître demande, elles le lisent mais les poésies elles les connaissent, elles savent reconnaître la lecture mais en fait, c’est vrai, c’est beaucoup de la mémoire, plus que de la, des essais de compréhension quoi. C’est plus, peut-être visuel. Je sais pas, elles font travailler la mémoire comme quand elles étaient en maternelle quoi.

E Oui, oui. Vous voulez dire par là qu’elles ont oublié peut-être quelque chose au niveau de la lecture ?

M Bah oui, parce que, je sais pas... la lecture c’est aussi, c’est une alchimie entre toutes les lettres quoi.

E Vous avez travaillé un petit peu cette alchimie avec Emilie ?

M Non. (silence). Non, sauf quand elle l’a demandé. Nous avec Emilie, on a fait... comme elle était très curieuse... par exemple le matin au petit déjeuner Emilie met plus d’une demie heure devant son bol parce qu’elle lit la boîte de Corn flakes. Et ça depuis toute petite, « qu’est-ce qu’il y a écrit là ». Donc on lui lit et le lendemain elle sait. C’est la même boite (sourire). Donc elle sait et elle a retenu certainement le graphisme, je sais pas, et puis c’est comme ça que cela s’est fait. Et quand elle savait pas elle me demandait et nous, comme on avait été un peu échaudé avec l’histoire du prénom qu’elle savait écrire et que nous on était fier et le maître pas du tout, au lieu d’aller au devant de ses désirs on attendait que ce soit elle qui demande.

E hm hm.

M On faisait le service... on attendait que ce soit elle qui demande, on lui disait pas tiens aujourd’hui on va faire ça... on attendait que ce soit elle. Ça tombait bien parce qu’elle est curieuse. Mais un enfant que ça n’intéresse pas, peut-être ne demandera pas donc que ça ne marchera pas, donc faudra faire autrement. Faudra essayer par un autre biais de... de développer cette curiosité. Alors là...Faut bien connaître son enfant, je pense, pour que ça marche.

E Hm hm. Je pense qu’on a fini tout l’ensemble mais...

M Quand il y a des difficultés, les mamans pensent que c’est un échec, de ne pas savoir lire en fin de CP, les mamans pensent que c’est un échec alors que les maîtres ils ne prennent pas ça du tout comme un échec. Les mamans j’ai l’impression se... ben sont toutes seules quoi.

E hm hm.

M Sont toutes seules face à ce problème, parce que pour elle c’est un problème insurmontable et les maîtres disent : « écoute, ta fille, elle a 8/8 à la dictée, que veux-tu qu’elle fasse de plus ». Je... eux ils savent qu’il y a jusqu’à la fin du CE1. Ils se disent l’enfant va aller à son rythme quoi. Forcément que cela va se faire et que les mamans aimeraient un peu... déclencher le déclic quoi. Et elles cherchent toujours une manière et je me demande si elles ne vont pas après buter les enfants. Les enfants vont se dire, la lecture... si ça doit être tous les soirs maman qui se fâche parce que j’arrive pas à lire. Est-ce que au contraire, on fait le contraire de ce qu’on voudrait, au lieu de leur donner envie de lire, on les dégoûte...

E On les dégoûte, parce qu’il y a le forcing qui se fait.

M Parce que on insiste trop mais en même temps c’est compréhensible de la part des mamans de... de se dire pourquoi, pourquoi, pourquoi. Alors ce que je me dis c’est que, si la méthode globale ne marche pas, quand on s’en rend compte, enfin en décembre, janvier ou février, pourquoi on essaie pas une autre méthode tout de suite, quoi.

E Et est-ce qu’on vous a parlé de méthode globale à l’école, est-ce que...

M Ils ont pas employé le mot. Nous on le sait parce que... parce que on voit comment les autres enfants, les petits voisins apprennent à lire, nos connaissances, comment leurs enfants apprennent à lire et tout le monde apprend comme ça et on a toujours entendu des parents se plaindre de la méthode globale quoi.

E Et est-ce que l’instituteur a parlé de méthode globale ?

M Je ne pense pas. La dernière réunion, je ne pense pas qu’il ait employé le mot méthode globale. Non, lui il a parlé d’apprentissage de la lecture, il n’a pas parlé de méthode globale ou pas globale. Non. Je ne pense pas. Je ne suis pas allée à la première réunion, c’est mon mari qui est allé.

E Il y a eu plusieurs réunions dans l’année ?

M Oui. Il y a une première réunion en septembre pour expliquer le fonctionnement parce que y’a des nouveaux parents. Comme c’est une école ouverte, c’est pas évident de savoir untel fait le groupe de base, la lecture et quand les enfants vont faire des maths, ils se déplacent avec leur cahier faire des maths dans une autre salle. Il y a vraiment tout un cheminement alors quand on, il commence déjà en maternelle, donc nous on est habitué, alors que les nouveaux parents ne comprennent pas trop tout ce cheminement alors pour les devoirs le soir c’est pas toujours simple. Surtout qu’au début il donne les mots et on ne sait pas quoi en faire alors « Qu’est-ce t’as fait faire à ta fille avec ses mots ? », « Oh, bah moi rien, elle m’a lu le mot et puis c’est tout ». Donc au début, ils nous ont laissé tâtonner une quinzaine de jours, et après il y a eu une réunion où là tous les parents ont posé leurs questions, leurs inquiétudes, surtout face aux devoirs d’ailleurs. C’était surtout face aux devoirs plus que le fonctionnement de la journée en fait. Et après il y a eu une autre réunion en mars je crois. Où là justement les mamans ont dit « Qu’est-ce qu’on fait quand notre enfant ne sait pas lire? Qu’est-ce qu’on peut faire ? » Et Gérard a dit : « Ne vous inquiétez pas, le déclic va venir mais pas forcément et un jour comme ça, sans savoir, en lisant un texte que vous avez lu quinze fois, tout un coup le déclic va se faire et il va vouloir le lire à votre place et... ». Et les parents sont restés sceptiques.

(rires)

M Je dois dire que cela ne les a pas trop rassurés, quoi.

E D’accord, une dernière question avant qu’on se quitte, une question indiscrète qu’on ne pose jamais à une femme, quelle est votre année de naissance ?

M 1964

E Et l’année de naissance de votre mari.

M 1960

E Voilà c’était important... Voilà je crois que l’on a circonscrit l’ensemble.