Entretien n° 12. Pré-enquête famille PRATOU.

Fait le 26 Juin 1997

E Quand je vous dis apprentissage de la lecture, qu’est-ce que cela évoque pour vous ?

(silence).

E Alors je sais que vous êtes enseignants,...

M Ah oui, c’est pas facile de sortir...

E tant pis ! c’est pas grave.

M Ça évoque pour moi, la possibilité pour l’enfant de... d’ouvrir son livre et de comprendre les mots qui sont dedans, enfin le sens des mots qui sont dedans.

E L’exercice va être difficile parce que vous êtes enseignants, ce que je vais vous demander, c’est pas facile, c’est prendre la position de parents. Bah tant pis si on se dirige sur le terrain professionnel, c’est pas grave. Qu’est-ce que ça évoque pour vous ?

P Je saurais même pas répondre à cette question.

M Non parce que, en fait, moi en tant que parents, j’ai pas envie de dire que c’est un apprentissage, c’est envie de dire que c’est euh... quelque chose de nature, comme de mettre ses chaussures ou... ou...

P Moi si j’avais à répondre à ça, bah je dirai...

E Bah vous avez à répondre à ça.

P ... il existe un volume incommensurable qui s’appelle les livres...

E oui.

P ... on a un enfant, en fait on a envie de lui faire le cadeau de ce qu’il existe et puis il faut bien passer par une phase d’apprentissage, donc... voilà... moi je la prendrais plutôt comme ça. Pour moi l’apprentissage de la lecture, c’est un passage obligatoire pour l’accès aux livres quoi.

E Oui. Et quand vous dites c’est naturel comme lacer ses chaussures ou faire du vélo, qu’est-ce que vous entendez par là, est-ce que vous pouvez approfondir ?

M Oui, je veux dire que c’est pas à un moment précis, on doit s’y prendre et l’enfant doit apprendre à lire. On a une petite fille qui a 1 an, elle est déjà inscrite à la médiathèque, elle a déjà des livres qui font partie de ses jeux. Ça commence par être un jeu parce que le livre ça doit faire partie des jouets et puis on raconte des histoires tous les jours et puis, et puis ben voilà. Et je pense que en fait, j’ai cette idée, je ne sais pas si ça marche à tous les coups, ça a marché pour Suzy, j’espère que ça marchera pour Huguette. Mais quand ça fait partie de l’univers de tous les jours, je crois que cela devient naturel et qu’un jour elles ont envie de... de lire. Donc elles vont après attraper les clés qu’on va leur donner pour apprendre à lire.

P Mais y’a même pas, y’a même pas de déterminisme là-dedans. C’est-à-dire que, effectivement...

E Quand vous dites, il n’y a pas de déterminisme, qu’est-ce que vous entendez par là ? Qu’est-ce que vous sous-entendez par là ?

P Y’a pas de notre part la volonté d’avoir des enfants qui savent lire. C’est pas comme ça que ça se pose. Les livres ça existent quoi, peu à peu on les suit dans le cheminement, mais on les suit plutôt qu’on les pousse en fait.

E Qu’est-ce que...

M Non, y’a pas de volonté de leur apprendre à lire mais y’a volonté de considérer que les livres font partie de la vie.

P Oui, mais ils font... pour nous.

M Oui.

E C’est votre discours. C’est pas le discours supposé de tel ponte scientifique ou de tel parent, c’est le vôtre qui est intéressant.

P Ils font partie de la vie comme je sais pas... je sais pas, tu disais lacer ses chaussures ou brosser les dents, je ne vois pas...

E Vous n’êtes pas d’accord ?

P Mais non parce que, brosser les dents c’est une activité humaine, écrire des livres et les lire aussi mais... y’ a une espèce de volonté de santé là-dedans. Ça me paraît aussi naturel de lire que de regarder les oiseaux qui volent, ou l’herbe qui pousse, ou les fleurs qui sont belles ou... On prend l’histoire du livre à une époque où il existe déjà et puis... il est là.

E Il est là, il est présent donc on l’offre !

P Bah oui.

E Mais vous êtes un petit peu d’accord avec votre femme pour dire bon, c’est dans un accompagnement naturel !

P Bah il me semble que c’est vraiment... si le livre n’existait pas, on pourrait... je ne sais pas... il me semble que si le livre n’existait pas on trouverait matière à faire la relation comme ça entre les choses... entre les choses inscrites, enfin. La relation entre les yeux et l’expression quoi. On pourrait... faire des dessins sur le sable, ou des trucs comme ça. On arriverait à recréer cette relation qui existait entre le fait d’avoir sous les yeux et le fait d’en concevoir...

E L’idée même qui est sous-jacente à travers la lecture.

P Oui. Il me semble. Enfin je sais pas.

E Hm.

P On ferait des dessins sur les murs des grottes... on ferait ça je crois. Tout à fait naturellement.

E A la limite, ... Lasco ou autre peinture, c’est un geste de lecture ou d’écriture.

P Je pense que oui. Mais même (silence)... le fait d’exister, s’inscrire soi-même dans un paysage, c’est déjà, c’est déjà quelque chose qui est un livre quoi. Voir sa mère dans tel décor ou dans tel autre, etc... son chat... ses parents. C’est déjà un geste... le geste de lecture est déjà je trouve.

E Oui, ça s’inscrit pas forcément dans la calligraphie, c’est ce que vous voulez dire !

P Pas forcément, d’ailleurs, y’a cas regarder les premiers dessins des enfants pour voir que... ça c’est difficile à transcrire ce qu’ils dessinent sur une feuille... soi-même... et on voit bien qu’il y a un geste d’inscription euh... y’a quelque chose quoi.

E La transposition de soi-même sur quelque chose ?

P (silence) ou êtes soi-même. Je sais pas. Oui. (rires). De soi-même je sais pas. De soi-même je sais pas. Je sais pas ce qu’ils essayent de passer... non mais... oh la lecture c’est vraiment un truc... je sais pas... Ça vient de tellement loin quoi c’est... On sent que c’est tellement une activité humaine, tellement naturelle, enfin... c’était obligé qu’on invente le livre... enfin c’était obligatoire.

E Mais c’est tellement naturel, est-ce que l’on considérer, alors je pousse un petit peu, est-ce que l’on peut considérer cela comme un apprentissage, au départ ? Parce que vous disiez tout à l’heure que vous étiez un petit peu réticent sur le terme apprentissage.

M Bah moi, je n’arrive pas à répondre, parce que j’arrive effectivement pas à sortir... parce que sur le naturel je suis pas d’accord, mais je suis pas d’accord quand on parle, je suis pas d’accord parce que je sais que c’est pas naturel en vrai.

E Alors expliquez-vous. Même bon si vous n’arrivez pas à faire la fracture entre...

M C’est-à-dire que... y’a des enfants ou des gens pour qui lire, lire c’est d’abord un travail difficile et puis y’a des gens qui n’y arrivent pas et qui n’y arriveront jamais. Enfin qu’ils n’y arriveront jamais, je sais pas mais...

E Mais quelle est votre analyse, pourquoi en fin de compte ?

M (silence). C’est pour ça que je trouverais intéressant d’avoir les résultats du test. Moi je crois quand même que ça dépend pas mal de la place du livre dans la maison.

P Alors moi je pense que c’est.... Je pense que c’est vraiment naturel. Je pense que ça l’est et que c’est des blocages qui font que cela passe pas. Je pense que tout le monde est fait pour lire. Vraiment. Et que si il lit pas, c’est pas qu’on l’incite pas ou que machin, c’est qu’on l’accompagne pas quoi. C’est que... c’est que quelque part, je ne sais pas si le cas est possible, soit on met la barre trop haute, on lui dit que le livre c’est vraiment un truc énorme, soit bah on a soi-même aucun intérêt ou on a soi-même des comptes à régler avec... et qu’on transmet ça. Et je pense que chaque môme, on le laisserait avec des livres dès l’âge de 6 mois et puis tu l’accompagnerais bêtement comme ça. Parce que qu’est-ce qu’on fait d’autre nous, accompagner nos mômes...

M Oui, bon on est d’accord.

E On est d’accord. (silence)

P Moi je pense que c’est un passage naturel la lecture.

M Oui, naturel dans ce sens là. D’accord. Je n’avais pas compris le « naturel ». C’est pas forcément acquis.

P Après ... effectivement, on arrive à mettre entre l’enfant et le livre des tas de barrières qu’il arrive pas à franchir, je ne pense pas.

M Bon bah nous sommes d’accord.

E Vous êtes d’accord. Je laissais exprimer la parole mais je ne voyais pas trop une divergence entre les deux. Et bon... vous foutez en l’air toutes mes questions. Bon parce que les autres questions, parce que ce que vous avez dit en fin de compte, il semble que c’est l’essentiel. Toutes les autres questions sont un peu formaliste, mais c’est pas grave, on va pouvoir continuer la discussion que l’on a. Donc, si je vous pose la question, d’après vous, quand est-ce que votre enfant a commencé son apprentissage de la lecture, est-ce que vous allez me répondre ?

M Avant la naissance. (rire)

P Non, non je ne penserais pas. Moi je pense le jour où on l’a mis dans sa chambre et qu’on avait soigneusement choisi le papier peint.

M Oui.

E C’était volontaire ?

P Oui.

E Et c’était quoi comme genre de papier peint ?

P Des dessins, plein de dessins.

M Y’avait des lettres.

P Des lettres, etc. Bah on a fait exprès.. non. Encore une fois y’a pas dans notre attitude de déterminer ... je ne pense pas qu’on fasse partie de ces parents qui veulent avoir des petits génies quoi. Qui vont tout faire pour que leur môme sache lire...

M Ah non c’est pire que ça. Oui. C’est vrai... faut quand même qu’on dise qu’on ne pousse pas nos enfants. A la limite on ne s’occupe pas des devoirs. La lecture, on l’a fait parce qu’il faut la faire, mais on la fait avant de se coucher, ça passe dans l’histoire du soir. A la limite si un soir elle me dit j’ai pas envie de faire ma lecture, il se peut très bien qu’on dise, bon c’est ton problème. Bon alors, c’est vrai qu’on a quand même la chance que ça c’est bien passé. Je ne sais pas quelle aurait été notre attitude si on avait eu une enfant qui avait eu des difficultés d’apprentissage. Bon là ça c’est fait bien, vite, rapidement. Mais... bah enfin moi, je sais pas... je suis contente qu’elle ait appris à lire très vite...

P Y’a un autre enfant ici qui lit pas.

M Oui, qui sait lire mais qui lit pas beaucoup. Euh... j’ai la même attitude avec la deuxième, on recommence pareil, on lit des livres, on lit des histoires tout ça... Mais on pousse pas scolairement. Le but c’est pas qu’elle sache lire la première et que... le but c’est qu’elle soit bien avec ses livres et qu’elle ait envie lire.

E Donc tous les débuts de cette prise de conscience de la lecture s’est faite à la maison ?

M Oui.

E Alors vous disiez tout à l’heure en aparté, y’en a un qui lit pas, vous voulez en dire plus ?

P Y’a un garçon à la maison. Y’a trois filles. Enfin moi j’ai qu’un enfant, Lisa en a que deux ici. La première elle a 17 maintenant, elle dévore et je ne suis pas bien sûr qu’elle sache faire la relation entre ce qu’elle lit et ce qui est écrit, c’est à dire qu’au niveau... c’est un bon exemple par exemple. Elle a l’amour de la lecture, c’est-à-dire quand elle a un ... elle considère que la lecture c’est une activité. Elle est tout le temps en train de chercher quelque chose à lire, elle lit quoi. Je ne suis pas certain qu’elle... qu’elle quoi... qu’elle soit en relation avec la profondeur du texte, quoi. Qu’elle profite... je ne suis pas certain qu’elle profite à 100 % de la richesse qui est contenue dans ce qu’elle lit. Ça c’est des trucs qu’on voit maintenant, qu’elle est étudiante, qu’elle a commencé à être au lycée. Qu’avec tout ce qu’elle a lu, elle devrait normalement avoir un niveau de culture, et vraiment elle a lu, elle dévore, c’est ... vous lui lisez un livre de 200 pages et puis en gros vous venez trois heures après il est terminé quoi... euh... c’est pas bien sûr que la richesse du texte soit entrée dans son cerveau et puis après à la suite, y’a un garçon, il sait lire, qui lit des magazines, qui parcoure des bandes dessinées, mais qui... manifestement n’a pas un extrême plaisir à lire.

M Qui lit rarement des romans.

P Si on lui dit, qu’on voit qu’il ne sait pas quoi faire, il s’embête. Si on lui dit prend un livre, il le prend, il le lit. D’ailleurs, je pense qu’il est plus, au fond finalement, plus sensible au fond du texte. De suite, une fille, Suzy, donc et puis à suivre une autre fille qui est pareille, elle a des livres, donc elle commence à lire, elle a un an et elle commence à dire ce qu’il y a sur l’image.

E C’est ça.

P Mais euh... est-ce que c’est parce que c’est un garçon ou ... je sais pas.

E Mais il lit. C’est ça qui est important.

M Oui.

E C’est-à-dire qu’ils peuvent avoir des phases dans leur vie d’adolescent ou d’adulte ou on va lire un paquet puis après on lit pas, on passe à autre chose. Puis on retourne à la lecture sans pour cela être des analphabètes...

P Non c’est sûr.

E je pense que c’est important aussi. Donc l’enfant, votre enfant Sucy est inscrite à la médiathèque, vous y allez souvent sans doute ?

P Deux fois par semaine à peu près.

E Régulièrement oui. Et au niveau du travail qui est fait à l’école, elle passe beaucoup de temps le soir ? Non vous avez dit que c’est très...

M Non parce que c’est aussi, là y’a pas plus de devoirs et d’abord c’est une école où il n’y a pas de devoirs donc... donc en fait elle a pas de travail, elle a une lecture à faire, mais qui est faite en classe donc... à la limite en fait ça sert à rien, moi je trouve. Ce qui est intéressant, c’est quand elle ramène tous les jours des livres de la bibliothèque de l’école. Donc ceux là on les lit. La lecture faite en classe, pour elle, je ne vois pas tellement l’intérêt puisqu’elle l’a déjà lue, qu’elle la connaît par coeur.

E Oui, oui. Quand vous dites « on la lit », ça veut dire quoi exactement ?

M Ben on regarde ce qu’elle a fait quoi.

E Oui, mais le livre de lecture, on le lit, on lit le livre de bibliothèque, c’est vous qui le lisez, c’est vous...

M Ça dépend des soirs, ça dépend de son envie, soit c’est moi, soit c’est elle. C’est aussi... enfin là c’est un discours que j’ai par rapport aux parents, mais je vais quand même le dire. Y’a beaucoup de parents en CP qui disent : « depuis que mon enfant est en CP, je ne veux plus lui raconter d’histoires, c’est à lui de le faire » et je réponds systématiquement : « c’est à cause de ça qu’il n’apprendra jamais à lire ». C’est horrible quoi. Donc je ne veux pas tomber là-dedans. Son histoire du soir je lui raconte. Si un jour elle dit et ça arrive : « bah attends, c’est moi qui te racontes ». Bah je la laisse faire.

E La question que je vais poser, la question est délicate parce que c’est un collègue. Qu’est-ce que vous pensez de la méthode de lecture, c’est l’anonymat, je ne le répéterais pas.

M Je suis à fond pour et je la défends. Et en plus c’est moi qui faisais le CP jusqu’à cette année. Là j’étais en congé maternité et que j’ai repris à mi-temps...

E Donc vous êtes encore plus à l’aise pour répondre...

M ... il a été préférable que je laisse le CP. Donc il faut que je m’explique sur la méthode.

E Ah bah si vous voulez, allez-y oui.

M Ah bah, moi j’ai... en fait au départ, j’étais un peu sceptique, c’est-à-dire que je me suis longtemps demandée si c’était bien de pas faire de syllabique du tout parce que y’a des enfants qui sont perdus. Maintenant je suis convaincue que si on veut que effectivement, un enfant peut apprendre à lire par la méthode syllabique, à la limite, il apprendra plus vite à lire. Seulement je crois qu’il ne va rien comprendre à ce qu’il va lire et donc la méthode globale, et bien c’est l’intérêt, c’est plus long... on apprend des mots, sur un ensemble de classe c’est souvent plus long... et puis les parents s’inquiètent... et puis ça démarre moins. Mais j’ai l’impression qu’en fin de cycle, faut presque regarder en CE2, donc c’est vrai que dans cette école, c’est un suivi du CP en CE2, faut suivre la même méthode. Et a priori, les enfants lecteurs qui sortent de l’école, et ils sont pratiquement tous lecteurs... comprennent ce qu’ils lisent. C’est vraiment... le but c’est le sens, quoi, tout le temps. C’est pas le mot qu’ils sont capables de lire qui nous intéressent c’est ce qu’ils sont capables de comprendre. Bon j’ai l’impression que ça marche... je ne sais pas trop quoi dire d’autre. C’est vrai que je ne vois pas d’autres façons d’apprendre à lire... si on peut dire B et A ça fait BA, mais je crois que ça fait des enfants qui déchiffrent mais qui ne sont pas lecteurs.

E Ça ce sont vos convictions professionnelles. Hm hm. Alors vous, vous étiez plus nuancé, j’ai crû comprendre, non ? Sur ce que vient de dire votre femme !

P Non. non non... non je ne suis même pas convaincu de ça, moi.

M Non, je crois vraiment qu’à la période, enfin en CP, je sais pas, vers janvier février, quand les enfants n’ont pas commencé à lire et ça arrive souvent. Une idée qui vient souvent, bah maintenant on va leur faire comprendre que... si on met un L avec un O ça va faire LO euh... et puis c’est souvent ce que les parents font. Et moi j’ai remarqué que quand on continue, nous, notre méthode globale, et que par derrière les parents font du syllabique, alors c’est une catastrophe parce que l’enfant ne sait plus rien du tout. Par contre, moi c’est vrai aussi, à partir du moment, et je l’attends toujours ce stage, c’est-à-dire qu’il y a un moment où l’enfant comprend tout seul ce qui se passe parce il a vu le.. je sais pas... le an de maman et il le retrouve dans je sais pas quel mot, et donc là, il fait le rapprochement. Et effectivement, là, on s’en sert. C’est-à-dire je vais dire c’est le OI de oiseau, mais une fois que eux, l’ont trouvé tout seul. Donc on peut pas dire qu’on fait pas du tout de ...

E syllabique...

M Mais, on apprend pas quoi. Il faut que ça vienne tout seul. Et puis en plus, je crois qu’une fois qu’ils ont compris, ben ça veut dire que ça y est quoi. Ils savent lire. Bon mais y’a quand même des enfants qui ne voient jamais ce qui se passe. Qui ne sont pas capables de reconnaître un mot dans l’ensemble mais même pas deux lettres.

E Et ils restent très à l’écart de tout ça. Et d’après vous c’est dû à quoi ?

M (soupir). (silence). Je sais pas tellement. C’est pas facile... c’est quand même souvent, mais là j’ai pas assez d’expérience pour vous dire, mais c’est quand même souvent, y’a quand même un rapprochement entre ce qui se passe à la maison et ce qui se passe à l’école. C’est-à-dire que... (silence) en gros, y’a souvent une relation entre le milieu social de l’enfant - enfin social, je sais pas si c’est ça - culturel, je crois... et puis (silence).

E Différenciation entre social et culturel, vous pouvez approfondir ?

M Oui, ben non, social c’est plus au niveau de vie des gens, pour moi.... à la limite je ne sais pas si ça a de rapport culturel, ça veut dire...

P Des parents non lecteur n’ont pas d’enfant lecteur.

M Oui par exemple.

P C’est pas évident !

M Non c’est pas évident non plus. Moi je sais pas trop. Mais ce qu’on peut dire en gros...

E En gros oui.

M ... c’est qu’un enfant qu’arrive pas à apprendre à lire, quand on convoque les parents, c’est toujours le même genre de parents. C’est soi des parents qui ne s’occupent pas de leurs enfants, qu’on pas le temps, ou qui ont autre chose à faire, ou des parents qui boivent ou des parents qui ont des problèmes. C’est souvent ça quand même. C’est assez exceptionnel de voir .... mais alors je sais pas trop dire...

P C’est 50 % de la réponse je trouve. On peut pas laisser intellectuellement la réponse comme ça. On est obligé de dire, y’a quand même des gens pour qui la méthode ne doit pas fonctionner quoi.

M Oui.

P Quand même! Y’a 50 % des cas ou effectivement, c’est comme je le disais tout à l’heure, je pense qu’il y a un barrage fort contre la lecture, qui peut être d’origine familial. Pourquoi pas d’origine ............... je sais pas. Ou des fois c’est la vieille méthode qui ne marche pas quoi. On est obligé d’envisager la possibilité.

(rires)

M Je pense qu’un enfant qui n’a pas réussi à apprendre à lire au bout d’un an de CP à la Croix Jeannette. Bon, il va recommencer, nous on a le cas, on en fait redoubler et après ils y arrivent. Mais là on a le cas d’une petite qui n’a pas réussi les deux années de suite. Donc que moi, j’avais l’année dernière, qui est encore en CP, et qui a priori n’a pas décollé du tout. Alors là, moi je suis persuadée, alors là, persuadée, on la change d’école, et elle n’y arrivera pas. Même si elle y arrive un peu, de toute façon elle sera toujours en échec scolaire.

P C’est un peu déterminisme quand même.

E C’est un peu déterminisme, expliquer, c’est pas la première fois que vous utilisez ce mot là, qu’est-ce que vous entendez par déterminisme ?

P La vie est plus formidable que ça, je veux dire, y’a des enfants de cancre qui sont des génies, enfin c’est évident, c’est évident. On ne peut pas considérer que, parce que les parents étaient des cancres, les enfants seront forcément des cancres, et que les parents boivent et que...

M Oui, c’est pas une histoire de méthode, donc..

P Les enfants seront donc nuls. Non, tu ne peux pas exclure quand même la possibilité que des fois ce soit la méthode qui soit pas adaptée. Tu ne peux pas l’exclure. Intellectuellement quoi, bah oui.

(rire)

P On peut pas. On n’a jamais trouvé de méthodes qui marchent à 100 % quoi. Je ne sais pas quoi dire. Y’en a d’autres des méthodes qui marchent pas des méthodes, avec des mômes, ça marche pas. Y’a des mômes qui font des bêtises dans les rues, dans 95 % des cas, le fait de les mettre en surveillance judiciaire ça fonctionne parce qu’ils ont un animateur aux fesses et que ça leur apprend à se tenir bien, quoi. Et puis il y a 5 % des cas, ça marche pas, ça marche pas. Alors effectivement, la méthode globale, moi je partage ton opinion, je pense que c’est... sûrement une des meilleures méthodes pour pouvoir apprendre à lire parce qu’elle privilégie le sens et je pense que c’est le fond du problème mais je pense qu’il faut quand même admettre, ne serait-ce qu’intellectuellement, et même si à ton avis c’est pas démontré il faut quand même admettre, il y a des enfants pour qui cette méthode n’est pas adaptée.

M D’accord, je veux bien admettre...

P Comme l’autre n’est pas adaptée à certains enfants.

M Non, mais je peux pas l’admettre... Mais non parce que moi je suis pour cette méthode, je considère donc que les autres sont mauvaises.

P D’accord, tu peux être pour... et considérer que c’est la meilleure méthode possible mais considérer néanmoins qu’il y ....

M Oui, mais nous on a appris par la méthode syllabique... on sait lire.

P Tu sais pas lire ?

M Mais si... justement bien sûr que ça marche, mais ça marche pour les mêmes donc on est d’accord là-dessus. Si on prend la place de Suzy...

P Mais c’est pas évident, ça me rappelle un débat que je viens d’avoir récemment avec des amis qu’il y a un déterminisme sur... le niveau des rémunérations des familles et le niveau de pensée des enfants. Le............ non non non non non. On peut pas dire ça, on peut absolument jamais dire ça.

E Alors ...... des études qui contredisent. Y’a...

P En plus. Mais ça va contre tout. On se bat comme des fous, comme des fous pour faire reconnaître tel ou tel crime contre l’humanité parce qu’on est sûr, absolument sûr, que c’est Mozart qu’on a assassiné, que parmi tous les enfants qu’on vient de tuer au Rwanda etc., enfin rien ne prouvait qu’un de ces enfants n’allait pas changer la face de la planète. C’est pour ça qu’il fallait les garder parmi nous, tous..., tous parce qu’on sait jamais quoi. Mon dieu, on va pas le faire chez nous avec des méthodes de lecture...

(rires)

E Pour revenir sur la lecture, au niveau de la lecture familiale, vous lisez vous. Vous dites ................. des parents lecteurs, enfin pour rire, mais pour apprendre à lire, vous lisez ? vous êtes de grands lecteurs ?

M Grand, je sais pas...

E On différencie par rapport à petit mais comme on sait pas ce que c’est un petit lecteur. Vous êtes des lecteurs ?

M Moi, je suis plus, à mon avis, je lis un peu n’importe quoi. Je suis un peu comme ma fille aînée, je prends un livre, je le dévore et puis je le referme et puis toi... plus... pas n’importe quoi. Peut-être moins en quantité mais bon ce n’est pas le même genre de livres.

P Moi c’est par période quoi. C’est pour ça que je m’affole pas sur mon fils parce que je pense qu’il y a une certaine relation, y’a une certaine similitude c’est-à-dire moi, pré-adolescence et adolescence. Je peux pas dire que je lisais pas, c’est-à-dire que je lisais plus que lui... j’étais moins attaché aux images je pense.

E Vous êtes un parent lecteur de toute façon, vous lisez actuellement !

P Oui.

M Non, mais on lit le journal tous les jours. On lit par forcément...

E Au niveau de, toujours de la lecture familiale, est-ce par exemple, des traces écrites de la famille, est-ce que vous utilisez un calendrier ou agenda ? Est-ce que cela c’est votre truc ?

M et P Oui.

P Oui, y’en a plein. On les garde tous les calendriers des années précédentes. Sur lesquels on inscrit les trucs importants qu’on a fait l’année, et puis ça nous fait des souvenirs pour 15 ans plus tard.

E Vous avez une trace écrite !

P et M Oui

E Maintenant vos photos par exemple, est-ce que vous les classez...

P Oui.

M Oui, on fait des albums pour les enfants.

E Oui, vous faites des albums. Oui c’est ça, ça s’entend. On fait des albums. Au niveau des albums vous avez un répertoire téléphonique ou vous connaissez tous vos numéros par coeur ?

.....

E Ben voilà il les a classées avec en plus...

P Papa et maman petits, papa et maman ensemble, la naissance de la ....

M Oui, c’est d’accord, on a aussi un paquet de photos comme ça en vrac.

E Oui, bien sûr, y’en a peut-être plus. Vous avez des rochers comme au cinéma, où vous avez choisi des photos qui vous intéressaient... Alors au niveau du téléphone vous avez un répertoire téléphonique ou vous n’avez pas de répertoire téléphonique ?

M Si, bah si. Sinon comment on fait pour se souvenir...

E Ah bah y’a des gens qui n’ont pas de répertoire téléphonique. Quand vous partez en vacances, est-ce que vous faites une liste de ce que vous emportez ?

M Non.

P Oui.

E Vous, vous dites oui.

P Oui. Si on fait pas la liste, on écrit au tableau...

E Vous écrivez ! Est-ce que vous avez genre pense-bêtes, communication entre vous d’eux, je veux dire les petits mots : «  je suis parti, je fais-ci, je fais ça » au niveau du fonctionnement de la famille ?

M Oui.

E Quand vous allez faire vos courses, est-ce que vous faites une liste des affaires que vous allez acheter ?

P (silence) ça dépend. Si c’est moi qui va faire les courses... non.

M Si c’est moi oui (rires) si il y en a pour longtemps et pas cher. Sinon non.

E Au niveau des papiers administratifs, est-ce que - c’est un véritable interrogatoire - vous les rangez, vous les classez...

M Moi non.

P Oui.

E Grosso modo. Et puis la dernière question très formelle, au niveau des comptes de la famille, est-ce que vous avez un cahier de tenue de compte où vous écrivez journellement, hebdomadairement ou mensuellement. C’est important tous ces éléments là. Ça veut dire qu’il y a une trace écrite, utilisez l’écrit dans la famille. Bon ben je crois qu’on a fait le tour. Vous êtes rapides. Vous avez tout dit pratiquement. Quand même des questions concernant Suzy, davantage au niveau de ses jeux, est-ce qu’elle joue, comme un enfant elle joue, mais elle joue à quoi ?

M A la maîtresse (rires)

E Oh mince c’est pas la réponse que je voulais.

M Elle joue beaucoup dehors avec ses copines, elle passe pas mal de temps dans la rue.

P Elle fait des galipettes, en ce moment, c’est son truc. Elle fait des roues... Au moment de l’apprentissage de la lecture, elle nous a fait des livres.

E Ah oui d’accord.

M Elle agrafe...

P Elle agrafe des feuilles puis elle nous fait des livres.

E Là vous avez une collection.

M Non mais elle joue...

P Elle nous faisait des livres, mais vraiment des livres.

M Mais elle faisait plus ça quand elle savait pas écrire...

P Oui oui, au moment de l’apprentissage quoi.

E Elle a appris en maternelle en fin de compte à lire.

M Non elle est arrivée en CP, elle ne savait pas lire.

P La fierté de la maman là.

M Non.

P Si si tu as la fierté, « je n’ai jamais poussé ma fille », « je ne fais pas partie des parents qui apprennent à lire » avant que ce soit lire.

M Non, je disais elle aurait pu savoir lire en grande section si on avait fait ce qu’il fallait.

P Si nous on était intervenu sûrement.

M Mais elle est arrivée en CP comme les autres.

E hm hm.

P Elle joue à la maman et à la maîtresse.

E Est-ce qu’elle joue aussi aux jeux de société ?

(silence) (soupir)

M Aux petits chevaux, des trucs comme ça ?

E Ou aux jeux dits entre guillemets éducatifs comme si les autres n’étaient pas éducatifs ?

M Non.

E Ça vous arrive, peut-être, de jouer avec elle aux jeux de société ou...

M Oui, mais c’est pas, elle est pas du genre patiente. C’est pas... elle est pas. C’est plus, quand je pense à elle comme ça, je l’imagine à faire du vélo dans la rue, à être avec ses copines dehors. C’est vrai qu’elle est... je sais pas. Moi je vois pas tellement.

P Elle se déguise.

M Hier c’était son anniversaire, y’avait toutes ses copines. Elles sont montées, elles ont joué à la maîtresse pendant deux heures.

P Quand y’a pas ses copines, elle étale ses nounours, elle leur distribue chacun un document et puis... alors aujourd’hui on va apprendre telle chose. C’est vraiment... la réponse à la loi mais le jeu qu’elle préfère c’est la maîtresse.

E Jouer à la maîtresse et jouer à la poupée. C’est-à-dire que jeux de société, jeux dits entre guillemets éducatifs ou utilisation de l’ordinateur, ben c’est pas son truc !

P Ah l’ordinateur elle aime bien.

M Ça elle aime bien, on en a un, elle joue.

P On a Adibou sur ordinateur, et elle aime bien.

E Elle aime bien, elle y joue régulièrement...

P Non ça la prend...

M Ça la prend comme ça.

E Et ça vous arrive de jouer avec elle aussi ?

P En général on l’accompagne.

E Mais d’après vos dires j’ai l’impression que c’est rarement quand même!

P C’est pas son activité principale non.

E D’accord.

M Oui, en fait c’est pas facile, parce que je crois si on lui disait : « viens on va jouer à quelque chose », elle dirait oui, elle serait contente. Oh c’est vrai aussi, que nous, on a plutôt tendance à dire à nos enfants que...,bon, on joue avec eux à certains moments, pendant les vacances, bon le soir après l’école mais on a tendance à leur dire de se débrouiller quoi, qu’on est pas forcément là pour jouer avec eux, donc on aime bien aussi qu’ils fassent des choses un peu sans nous.

P Sinon on joue au pendu avec eux quand on a le temps de jouer.

M Oui.

E Vous jouez au pendu !

M Et puis bon les semaines sont bien remplies, quoi, parce qu’il y a les activités extérieures, elle fait du piano, de la gym...

E Du piano, et de la gym.

M du théâtre et du patin à glace.

E Ah oui d’accord. C’est une enfant hyper associative. D’accord.

P Un peu trop.

M Et puis elle a besoin de bouger aussi. Elle tient pas en place quoi.

E Oui d’accord.

M C’est pas que nous. On l’a pas vraiment poussé à faire plein de choses, de toute façon e elle est comme ça.

E C’est son truc.

M Elle s’endort quand elle se couche mais c’est tout.

E Voilà, au niveau de la télévision, comment cela se passe. Elle ne regarde jamais la télévision, elle a pas le temps ?

M Même si elle avait le temps, ça fait pas partie de...

P Bah si, si elle a des cassettes quand même.

M La télé c’est les cassettes.

P Les mercredis après-midi où il pleut et qu’elle sait pas quoi faire...

M Ça c’est rare.

P ... elle demande si elle peut regarder un film. En général, en général, elle le regarde 10 minutes, et puis elle dit bon aller « je vais faire autre chose ».

M Mais y’a pas de télé régulière, ça pas... c’est pas le soir, elle ne regarde jamais la télé le soir. Alors c’est effectivement un mercredi si il n’y a pas d’activité, qu’il pleut ou un dimanche. Et puis en gros c’est Mary Poppins et puis Mary Poppins.

P Succès n° 1 : Mary Poppins.

M Mais la télé, non, ça fait pas partie de leur éducation. Enfin si si, c’est pas ça. C’est que nous, nous on est plutôt contre.

E Contre l’utilisation de la télévision d’une façon abusive.

M et P : oui

P Enfin abusive, même nous on abuse, les enfants ne la regardent jamais quoi.

E Vous faites autre chose, avec eux, vous faites autre chose que regardez la télévision ?

P Oui, enfin on s’arrange toujours...

M Oui, enfin même si on faisait rien...

P que ce soit pas au programme. Eventuellement on est un peu intégriste là-dessus...

M ...on est contre.

(rire)

M Parce que il arrive le grand, qui va avoir 15 ans, des fois des soirs des films...

P Il voudrait regarder la télé.

M Et puis on dit non systématiquement.

E D’accord. C’est très intéressant... Le dernier volet de cet entretien c’est ce qui concerne davantage ce qu’on appelle le talon sociologique, qui vous êtes d’un point de vue très très formel. Quels sont les diplômes que vous avez ? Vous qu’est-ce que vous avez comme diplôme ?

M Rien du tout (rire).

E Si vous avez quand même le DESI ou le...

M Ben le diplôme d’instit...

E C’est déjà pas mal.

M Bon, j’ai un parcours un peu bizarre. Ben en fait j’ai arrêté en terminale, je n’ai pas mon bac. Après j’ai fait cinq ans d’animation péri-scolaire...

E Oui.

M Et puis je voulais absolument être instit et en fait je suis rentrée... j’ai passé le concours d’entrée à l’Ecole Normale avec... ben j’ai eu le droit de passer ce concours parce que j’avais élevé trois enfants... enfin je me suis servie du fait qu’il avait deux enfants et que Suzy était née. J’ai demandé disant qu’on était marié et que est-ce que je pouvais... on m’a dit oui, donc j’ai passé le concours et je l’ai eu... donc voilà.

E Donc vous avez le diplôme d’instituteur ?

M Oui, parce que j’ai passé le concours, je l’ai eu...

E Bien sûr.

M ... mais euh... j’ai eu de la chance.

E Oui c’est vrai vous avez de la chance. Et vous ?

P Moi, euh... moi. (rire). J’ai fait... bac + 4 et demi un truc comme ça, en physique et chimie. J’ai été prof de physique jusqu’en ... 86 et puis j’ai, j’ai arrêté le professorat et puis depuis... j’ai fait d’abord l’artiste de variété, j’ai fait père au foyer aussi et puis voilà, j’ai traîné ma bosse...

E Et votre profession actuellement, père au foyer ?

P Oui, j’......................................................., depuis 84 je suis élu à la Mairie de Bouguenais. Je suis adjoint au...

E Adjoint au Maire.

P Adjoint au Maire. C’est un boulot... c’est un boulot.

E C’est un boulot, véritable, ça vous prend énormément.

P Oui.

E Parce que Bouguenais c’est quand même une grande ville.

P Oui.

E Donc vous vivez des ...... que la Mairie vous donne ?

P Non, non parce qu’elle donne pas grand chose. Non ben je vis du fait que j’avais travaillé quand même pendant pas mal de temps donc... j’ai une retraite. Et puis j’ai quitté l’éducation nationale pour raison de santé.

E Oui. Alors vous... comment. Est-ce qu’on peut dire grosso modo que vous êtes dans le monde associatif et dans le monde politique oui politique tout à fait...

P Oui, si on veut.

E Bah si. Si vous avez un engagement. Alors deux questions indiscrètes, votre année de naissance ? à chacun.

M 1967.

E Et vous ?

P 1952.

E 52. Voilà c’est tout. Alors une dernière question quand même qui est une question... une dernière question au niveau de votre salaire, sans rentrer dans le détail du salaire, votre revenu familial est entre 0 et 6.000, entre 6 et 15, entre 15 et 25 ou au-delà de 25.000 F ?

P Entre 15 et 25.

M Ah bon, il fallait répondre entre 6 et 15.

P 22.

M Bon voilà.

E Bon voilà, la réponse est donnée. Est-ce que vous avez d’autres choses à dire par rapport à ce qu’on s’est dit sur l’apprentissage de la lecture ?

P Moi, j’ai un truc à dire. Je trouve que... ça fait plaisir que vous soyez là parce que je trouve que c’est un truc très intéressant et la première question qui était est-ce que l’on sera au courant des résultats. J’espère qu’on sera au courant des résultats.

E Moi j’aimerai bien.

P Je trouve cela très intéressant.

E J’aimerai bien parce que vous avez... vous avez dit en fin de compte tout le fond, avec vos mots, le fond du travail de recherche, avec le problème de la méthode, c’est un ...... sous-jacent, me semble-t-il.

M Le problème de la méthode fera partie de la recherche ?

E Oui, je ne pensais pas du tout l’aborder et puis au fur et à mesure des entretiens, il y a quand même des choses qui apparaissent.... pas sur le fond de la méthode même, euh... méthode globale ou... moi j’aime pas trop qu’on dise méthode globale parce que c’est pas la méthode globale qu’on utilise. Mais les gens, les parents, pratiquement tous les parents que j’ai eu considèrent que c’est la méthode globale. Quand on entend Chirac qui a fait un tollé sur la méthode globale..., des conneries en fin de compte, fallait pas dire ça. Pour un Président de la République il a pas à donner son avis là dessus, ce n’est pas la méthode globale qu’on ............. parce que la méthode globale, faudrait remonter à De........................

M Mais je crois quand même que le problème de la ................... ouverte, c’est un problème un peu à part. Au fond c’est une école assez décriée... quoi je sais pas... c’est vrai que c’est un engagement d’y entrer parce que c’est une école spéciale, quand on est instit en fait, c’est pas une école de ................. ça ne les intéresse pas de travailler... mais bon en fait c’est quoi, y’a deux écoles comme ça sur la Loire-Atlantique, donc à la limite je ne sais même pas si c’est très important...

P Moi ce que j’ai cru percevoir, ce n’est pas un problème de méthode seulement, c’est un problème aussi, d’abord des parents...

E Tout à fait. (silence). Y’a la culture qui est derrière. Tout le culturel, je crois que vous avez soulevé le problème, ... le problème. Je me rappelle un collègue m’a dit : « est-ce qu’on apprend à lire ? » Est-ce qu’on apprend à lire ? Je ne pense pas qu’on apprenne à lire... normalement on devrait pas apprendre à lire au sens scolaire du mot. Je veux dire pourquoi est-ce qu’on apprend à lire à l’école, qu’on apprend pas à monter à bicyclette à l’école, pourquoi ça se fait pas. Alors que monter à bicyclette, c’est drôlement important dans la vie.

M Oui, mais j’imagine, allez dire aux parents qu’à partir de demain on apprend plus à lire mais que par contre on va apprendre à faire du vélo parce que c’est important... et puis on ferme l’école. Je suis d’accord là dessus.

P On ferme l’école à cause de ceux qui savent lire ou à cause de ceux qui savent pas lire ?

E Et en même temps l’école est un moyen d’intégration aussi, un moyen d’intégration, un moyen de socialisation, un moyen d’acquérir les lois de la République, les lois qui vont cadrer l’individu pour éviter que ce soit la loi de la jungle, même plus fort que la loi de la jungle, l’école a son importance. Mais dire que l’école a une responsabilité entière et complètement pleine par rapport au processus de lecture, ça c’est une question !

M Oui, c’est pour ça que pour les histoires de méthodes moi ça m’énerve un peu, là on est un peu, on a le genre de problème... Dans notre école viennent les gens... alors finalement je sais pas au fond si vous êtes très bien tombé parce que au fond on a deux catégories de gens. On a les enfants de médecins, les enfants d’avocat... et puis on a les enfants de milieux très défavorisés. Alors ce qu’il se passe c’est qu’ils mettent leurs enfants, les parents mettent leurs enfants dans notre école comme, en espérant que ça marche. Donc on a beaucoup d’enfants en difficulté seulement au bout d’un an si ça marche pas bah au bout d’un an les parents ils disent ça nous plaît pas, on retire notre enfant, donc ils vont ailleurs. Euh... bon et moi ça me pose un problème parce que, parce que ça marche pas comme ça l’école et puis c’est pas... on est jamais garanti d’y arriver. On sait pas, on essaye, on y croit mais si ça marche pas. Mais je pense quand même si tous ces parents qui tirent leurs enfants parce qu’on a pas su faire. Je suis sceptique sur ce qu’ils auront ailleurs. Je crois que ce sera pas mieux, seulement ils ne se poseront pas la question. Un enfant qui n’y arrive pas dans une école traditionnelle, alors soit c’est l’instit qui est nul, c’est ce qu’on dit, enfin les parents disent ça mais aussi dès fois c’est peut-être mon enfant qui a un problème. Mais chez nous de toute façon c’est une......... si l’enfant n’y arrive pas c’est que on sait pas faire.

E Hm hm.

M Alors qu’au fond on est pas si loin des autres, on est pas des farfelus...

P Je sais pas, si ... à l’école qui est au bout de la rue, quand il y a un enfant en situation d’échec scolaire, je suis pas bien sûr que les parents s’interrogent sur lui.

M Non, parce que c’est vrai que souvent, quand même, c’est à l’instit que c’est renvoyé, c’est pas possible, c’est un peu pénible ce discours qu’on ne sait pas faire. Parce que même je crois que si on prend 10 instits qui, dont le boulot c’est d’apprendre à lire à l’enfant, même si ils sont pas tous très performants, même si, ça va varier quoi sur 1 ou 2 gamins, mais en gros. Je pense qu’il y a des enfants qui auront du mal à lire quel que soit l’instit.

E Hm hm.

M Alors c’est vrai qu’après il y a tout un côté affectif.