Entretien n° 24 avec Famille POT

Le 9 février 1998

En introduction avant l'entretien

E C’est relativement important, depuis qu’on a fait des études là dessus, comment se fait-il qu’on a pas encore réussi !

M Pas réussi, mais que cela pose encore autant de soucis. On a dû quand même quand même par rapport à la réaction des enfants à des constatations. C’est parce qu’on arrive pas à mettre en pratique qu’on continue à... je sais bien qu’il faut être en continuelle recherche mais...

E C’est sûr qu’on est à un niveau actuellement où l’on cherche encore. Il faut savoir que la recherche sur ce domaine là, domaine de la lecture, on peut dire, n’a que 20 ans. C’est pas dire ça fait déjà 20 ans. Non il n’y a que 20 ans. Ça passe très très vite. Il y a encore un débat contradictoire qui s’installe au niveau de l’apprentissage de la lecture.

M On le sent.

E Des tenants pour telle ou telle chose, des tenants pour telle ou telle autre. Et puis il y a le travail que je ... que je consacre du temps. Actuellement, ça fait la deuxième année que j’y mets du temps. C’est tout ce qui se passe à l’intérieur de la famille, parce qu’au niveau des recherches francophones, il y a très peu de recherches par rapport à la famille.

M C’est toujours par rapport au scolaire.

E Par rapport au scolaire puis aussi par rapport à ce qui se vit dans la famille. Ce qui me fait venir chez vous. Vous faites partie des 40 à peu près...

E Et à l’école, ils vous ont fourni le téléphone et l’adresse comme ça. J’ai demandé l’autorisation...

M Je suis étonnée qu’ils nous en parlent pas.

E Y’a des parents qui sont étonnés et puis d’autres qui ne sont pas étonnés.

M On est peut-être méfiant, c’est pour ça.

Début de l'entretien

E Oui, mais vous avez raison d’être méfiants. J’ai bien prévenu Mme C. en disant est-ce que je peux avoir votre accord..., et la question générique de ce travail de recherche, quand je dis apprentissage de la lecture, qu’est-ce que cela évoque pour vous ?

M (s'adressant à son mari)Tu réponds ?

P Je réfléchis.

M Ben c’est une longue période pour moi.

P A la limite l’apprentissage de la lecture... Ca se fait toute sa vie. on fait un apprentissage de la lecture. C’est vrai que c’est un démarrage, le début d’une découverte de quelque chose qui n’est pas forcément... C’est la découverte du passage de l’écriture à la lecture. De pouvoir exprimer, de pouvoir découvrir quelque chose, pas forcément en le touchant mais en le lisant. Lisant une description. C'est quelque chose qui est très long, donc on découvre les mots, les assemblages de lettres, un petit peu comme on assemble un puzzle.

E Quand vous dites que c’est très long, ça veut dire que ça commence quand ?

M Tout petit, quand il commence à reconnaître une lettre. C’est un processus qui se met en route dans la personne.

P D’ailleurs on voit bien que tout petit il commence à faire des associations. Dès qu’il commence à énumérer des mots, s'ils voient des lettres et qu’il a l’habitude de voir un M, d’office quand il va voir ce M, ça va représenter MAMAN et non pas forcément M. Mais c’est parce que quand il aura vu écrit MAMAN ou BONNE FETE MAMAN et puis qu’on le lit en montrant du doigt, systématiquement cela va être visuel. En fait la vraie lecture c’est pas ça.

E Qu’est-ce que vous appelez la vraie lecture ?

P La vraie lecture, c’est l’association de lettres M A, MA ça c’est de la lecture on lit MA on ne lit pas MAMAN, on lit MA et après on dit MAN. Ça c’est vraiment l’expression de la lecture.

E Et ça commence à partir de quel âge ?

M A partir du moment ou il a envie, l’enfant.

P Dès fois, faut les inciter un peu.

M Ça dépend si c’est le premier, le second, le dernier. C’est vrai que ça compte.

P La vie également qu’ils ont chez eux. Un enfant qu’a sûrement des parents qui lisent beaucoup sont peut-être plus incités à lire...

M Pas forcément. Souvent.

P Non, pas forcément, mais ça va favoriser la lecture dans le sens qu’ils voient tout le temps des livres autour d’eux. C’est vrai que nous on a pas mal de livres quand même mais même si on les lit pas beaucoup, ça incite malgré tout à la lecture. C’est vrai quand on a besoin de lire un livre, on le prend, on le lit, on le trouve. Bon, pour un enfant c’est un petit peu pareil. Un enfant qui n’a pas de livres chez lui ne sera pas attiré par la lecture forcément. Mais bon, y’a des cas.

E Pour vous, quand vous dites que c’est un processus qui est long, c’est ça, ça commence tout petit, c’est ça que vous vouliez dire madame ?

M Oui, peut-être pas la lecture mais le...

P Qui est long si on veut aller jusqu’au fond. Pour vraiment lire correctement.

M Le fait de lire bien, ça s’étale sur peu de temps, mais je pense que l’être il se prépare, après... avant plutôt à ça. Ça vient pas d’un seul coup. C’est comme la parole. L’enfant il enregistre et puis un jour il va dire des mots. Il a travaillé avant.

E Vous faites un parallèle avec le langage !

M Je sais pas. j'en sais rien, je n'ai pas assez.......

P C’est-à-dire qu’il va apprendre à lire rapidement c’est vrai, un enfant normalement constitué va apprendre rapidement à voir que M et A ça fait MA, que B + A ça fait BA donc après il va continuer, il va faire ses assemblages pour lire, il va lire, mais après de là à lire correctement pour bien utiliser les ponctuations, les intonations et tout ça, ça c’est quelque chose qui est plus long. Le principe de lire les mots est assez rapide. En une année, si il est bien suivi, il est capable, je dis même pas une année, au bout de quatre mois, on voit qu’un enfant qui rentre en CP, de septembre à Noël il peut lire. Il est capable de lire. Il peut lire, mais par contre il va lire tous les mots sans tenir compte de la ponctuation, sans tenir compte de l’énergie qu’on pourrait mettre, des intonations et tout ça qui peuvent être donné pour rendre l’histoire vivante. Lui, il va lire les mots pour lire.

M C’est une technique en fait, il applique la méthode.

P C’est même pas ça, c’est qu’il lit les associations de lettres donc ça fait des phrases. A la limite Y aurait même pas de séparation entre les mots, peut-être que ça changerait pas grand chose.

E Et vous, vous disiez tout à l’heure, y’a la technique mais y’a tout un vécu, c’est ça ?

M J’imagine, il semble que ça représente ça. Mais je suis pas sûr...

E Ça ne fait rien. Dites votre sentiment, c’est ce qui m’intéresse. c'est votre perception de choses qui nous intéresse..

M Déjà je pense que si on a bien enregistré les sons au niveau du langage, peut-être on aura moins de difficultés à appréhender l’écrit. Si on a des choses faussées au niveau sonorité, au niveau langage, peut-être on va des obstacles après, par rapport aux sons, aux associations de lettres, j’imagine ça mais... Ici, à la maison, ils n’ont pas eu de souci pour apprendre à lire donc...

E Ça tient de quoi d’après vous ?

M Je pense qu’il y a aussi beaucoup l’intérêt qu’on porte. Mais bon, peut-être que y’a des enfants qu’ont pas l’aptitude, moi je...

E Parlez de vous, de votre famille, c’est ça qui est intéressant. Quand vous dites l’intérêt que vous y portez, parce que vous y portez de l’intérêt vous ?

M Ah oui, c’est important de savoir lire.

P C’est vrai qu’on les incite facilement à prendre un livre à lire le soir, quand il se couche, de prendre un livre, même si ils lisent que deux trois mots.

M Là, on les empêche même.

P Oui, mais au départ on les incite. Maintenant on est obligé de les freiner parce que sinon...

M Ils ont besoin de leur petite lecture...

P Et puis après c’est contagieux. On en a trois. La dernière, elle a presque besoin de son livre pour aller au lit.

E Quel âge a-t-elle ?

P Elle a deux ans et demi, elle ne va pas à l’école donc... Elle aime déjà prendre un livre et regarder le livre, l’ouvrir, ça c’est quelque chose de très important.

M Elle fait semblant de lire, même si elle ne lit pas.

E Est-ce que vous racontez des histoires à vos enfants ?

P Dès fois.

M Là, depuis qu’on a notre troisième, on a beaucoup moins le temps, sinon on a fait beaucoup...

P Ça arrive quand même.

E Ça arrive quand même maintenant ?

P Oui.

E Mais autrefois, quand vos enfants étaient plus jeunes, que la dernière n’était pas là, est-ce que cela vous arrivait souvent de lire des histoires ?

P Si c’était pas tous les soirs, c’était tous les deux trois soirs.

M Ah oui, c’était souvent.

E L’un et l’autre ?

M Oui. Selon le temps qu’on a.

P Dès fois les deux.

E Et c’était quoi comme genres d’histoires ?

P Tout, ça peut-être...

M Enfin quand même des histoires pour enfants.

P Bien sûr, ça peut être des contes,

M Des poèmes. Une période c’était des poèmes.

P On leur lisait un poème.

M On leur faisait apprendre un poème.

P Disons pour ce genre de chose, moi je sais, moi je m’arrêtais pas juste à le lire, on en parlait puis ils m’exprimaient un petit peu ce qu’ils en avaient ressenti et ce qu’ils avaient apprécié dedans plus ou moins.

E Un espèce de dialogue ?

M Oui. On essaye de voir ce qu’ils ressentent quoi.

P C’est ce qui est intéressant, sinon, s'il n'y a pas de dialogue...

M Faut avoir du temps. Faut vraiment consacrer du temps à ça, quitte à ce que rien ne soit fait, c’est le bazar, mais bon......

E C’est vrai que vous avez pris le temps pour faire ça ?

M Parce que c’est aussi une expérience de partage.

P On a pas trois enfants en bas âge toute sa vie, donc... Mais je pense aussi pour l’apprentissage de la lecture, comme disait mon épouse tout à l’heure, c’est que la manière dont on leur parle toute la journée va modifier la compréhension de la lecture. Je pense que des enfants, je sais qu’ici, moi moins parce que je suis à mon travail, mon épouse essaye de leur parler correctement sans employer un certain vocabulaire argotique ou abrégé ou autre, ou vulgaire. Donc systématiquement l’approche ne sera pas la même non plus. Je pense que leur rapprochement auditif et visuel doit se faire aussi. C’est pas facile.

E Quand vous parliez de lecture, quand vous lisiez que vous lisez encore des ouvrages à vos enfants. Ces livres, où est-ce que vous les prenez ?

M On les achète.

E Vous les achetez.

M On va un peu en bibliothèque aussi, mais bon comme on adore les livres. Je fouille en ville.

P Et puis ça peut être au cours de voyages, des livres qu’on peut trouver sur des contes de région, des choses comme ça.

M On est aussi attiré par le côté pictural, l’image quoi.

P Ça peut être des contes religieux, ça peut être... là elle en a un sur les anges de la religion chrétienne. Ça va être l’histoire de tel ange avec tel prophète donc le rapport, c’est... c’est important quoi.

E Ça vous arrive d’aller en bibliothèque aussi ?

M Oui, mais je n’y vais pas parce que j’ai pas le temps. Plus tard j’irai beaucoup plus, pour pas acheter tout le temps des livres, ça coûte... Mais y’a des boutiques où l’on trouve des trucs pas chers, qui sont intéressants.

E Mais vous allez en bibliothèque ?

M Oui, y’en a une ici, elle est pas très grande. Plus tard, moi, j’aimerais bien aller à la médiathèque plus tard.

E La médiathèque de ...

M de Nantes.

E Et là, la bibliothèque, vous y êtes allés une fois de temps en temps ?

M Quand j’ai le temps parce que...

E C’est-à-dire une fois tous les quinze jours ?

M Oh non, une fois par mois. A peine. On prend les livres et ça passe tellement vite les semaines, trop de choses à faire, et encore je suis à la maison, je ne sais pas comment font les autres...

E Vous avez choisi d’être à la maison pour les enfants ?

M Oui, je peux rester pour l’instant. Je ne sais pas si cela va durer. Oui, c’est un choix, parce que j’avais une formation.

E C’est intéressant, vous voyez on a des choses à dire sur la lecture.

M Oui, mais vous ne dites pas grand chose.

E Je suis là pour vous posez des questions et ce que vous dites est très intéressant. Maintenant au niveau des livres, est-ce que les enfants ont leurs livres personnels ?

P Ils ont leurs livres.

M Oui. Ils ont leurs livres et puis ils se les prêtent.

P Ils ont des livres d’enfants qui sont à eux. Certains qui ont été offerts donc ils sont à eux, ils se les prêtent. Ils ont leur bibliothèque.

M A partir du moment où il y a trois enfants, on va pas faire une bibliothèque chacun donc... celui-là on sait qu’il est à Roland...

P Y’a la bibliothèque des enfants.

M Ils ont une bibliothèque dans un coin dans leur chambre.

E Ils ont un total de combien de livres au total grosso modo ?

M Je sais pas. Beaucoup.

P Une cinquantaine de livres.

M Plus, quatre-vingt à cent livres. C’est peut-être énorme par rapport à certains, mais par rapport à ce qui se fait et ce qui est édité, c’est rien du tout, faut voir la quantité de trucs qui sortent, y’a à prendre et à laisser. Je trouve où on rencontre des difficultés, c’est pour être capable de juger de la qualité d’un livre et ce qui est difficile c’est d’avoir le temps de le lire soit même avant pour savoir si si .

E Si il est valable.

M Ça c’est pas facile, je trouve. Parce qu’il y a quand même des livres qui sont zéro. Faut reconnaître, ils ne servent à rien du tout.

E C’est vrai.

M Ils sont même nocifs à la limite. Alors, ce qui me gêne beaucoup, c’est certains discours que des personnes ont, pour dire qu’il faut laisser l’enfant lire absolument tout ce qu’ils lui passent sous le nez, il triera plus tard, ça je suis absolument contre ce genre de choses. Sans avoir une directive stricte, il faut quand même faire un tri avant.

E C’est-à-dire ?

M Je sais pas, même dans le langage qui est employé dans certains livres. C’est vrai que si après on leur demande d’avoir un langage correct en classe ou d’apprendre des choses qui correspondent à un français normal. Ils vont avoir du souci quand même. Y’a des façons de faire, de parler, automatiques. Comme le langage comme tu disais abrégé, qui envahit nos bouches. Anglais, franglais, tout ce qu’on veut.

E Et vous, vous lisez beaucoup ?

M Moi, je n’ai jamais lu.

E Vous ne lisez pas.

M Jamais.

E Vous n’aimez pas lire ?

M Si maintenant, j’aimerai, mais je n’ai pas le temps.

E Et vous ?

P Moi, je lis plus que ma femme.

E Vous êtes lecteur de quoi en général ?

P Oh la la ! Je ne peux pas dire qu’il y ait un style particulier.

M Ce qu’on a pas chez nous c’est des romans.

P C’est pas vraiment des romans. Disons, que moi je lis plusieurs livres en même temps. J'ai deux trois livres qui sont entamés en même temps, donc je les prends au fur et à mesure, comme ça vient. Comme je le sens, ce sont trois-quatre livres différents. Y’en a qui lisent comme ça, y’en a qui lisent un livre d’un seul trait bon,...

E Au niveau de vos habitudes familiales concernant l’écrit. Est-ce que vous utilisez facilement l’écrit entre vous ?

P Non, malheureusement non.

M Pour faire quoi ?

E Par exemple, écrire des petits mots aux uns et aux autres quand vous partez ?

M Ça se présente pas. On a l’occasion de se parler pour mettre des choses. On le ferait quand même si on avait besoin...

P Oui, mais quand même, on écrit pas facilement.

M Moi je sais, quand j’ai besoin d’écrire, ça m’a toujours... j’étais très bonne en français, au niveau grammaire, construction de la phrase, vocabulaire, j’avais toujours 20 en dictée, tout ce qu’on veut, conjugaison, mais alors après pour élaborer un texte à partir des idées, ça m’a toujours causé des soucis. Donc quand j’écris une lettre à quelqu’un, il me faut un temps infini, faut vraiment que j’ai tout mon temps.

E Il faut que vous soyez calme, au calme pour pouvoir lire... ?

M Oh la la, c’est toute une affaire. J’peux pas être au coin d’une table à faire un petit mot vite fait, bien tourné, j’arrive pas, j’ai pas la facilité.

E Au niveau des écrits familiaux, par exemple, est-ce que vous utilisez un calendrier pour noter des choses?

M Oui, mais on perd très régulièrement, on est pas très organisé...

P Pour faire quoi ?

E Pour écrire des choses, des rendez-vous... ?

M Non, c’est plutôt le pense-bête.

E Le pense-bête.

M Ou j’ai un calendrier journalier ou je marque... oui...

E L’agenda, non, mais le calendrier ?

M Pas tellement. Enfin les choses très importantes oui, je marque carrément, pas un calendrier, un placard pour ne pas oublier...

P Et encore, là elle va oublier.

E Est-ce que vous faites une liste de course, par exemple pour aller faire les courses ?

M Oui, je l’oublie souvent mais le fait de l’avoir écrit, souvent je retrouve tout ce que j’ai écrit. Mais c’est vrai que plus l’âge passe, plus le temps passe, plus elle est obligatoire.

E Et quand vous partez en vacances, est-ce que vous constituez une liste ?

M P Oui.

M Un carnet par type de choses.

E Et quand vos photos familiales, vos films, est-ce que vous les rangez, vous les mettez dans un album... ?

M Non, on a pas eu le temps.

P C’est une question de temps.

M C’est une histoire de temps. On voudrait tout ranger mais on a pas le temps. Moi je rêve de classeurs, de classer tout... j’ai pas le temps. Depuis on a nos enfants... on a consacré notre temps à autre chose.

E Vous avez un livre de comptes, un cahier de comptes où vous notez ?

M Au niveau financier ?

E Oui.

M Oh oui.

E Et vos papiers administratifs, vous les rangez ?

M Oui, on essaye, c’est pas toujours facile.

P Mais quel est le rapport de tout ça ?

M Le comportement global des gens.

E Le comportement par rapport à l’écrit. Est-ce que vous copiez des recettes de cuisine ?

M Oui, je l’ai fait beaucoup.

E Donc vous écrivez ?

P Oui, mais là c’est une question...

M Oui, mais là je suis beaucoup plus motivée, ça vient tout seul. C’est une histoire beaucoup de motivation. Quand c’est un sujet qui plaît, ou il y a de l’intérêt, y’a quelque chose en jeu, je pense que ça débloque. Quand dès fois on veut écrire à quelqu’un, qu’on a pas vu depuis longtemps, on s’est pas trop quoi lui dire, on va dire ceci cela, donc on est mal à l’aise ou ça vient pas tout seul ou... une recette, si on a bien fait son affaire, on a tout dans la tête, donc ça vient tout seul. Moi je fais des cahiers de recettes illustrés.

E Illustrés en plus.

M Y’a longtemps que je ne le fais plus, je n’ai plus le temps. J’avais commencé tout ça.

E Et au niveau de vos numéros de téléphone, vous les avez sur un papier, sur un carnet ?

M Oui.

E Tout ça a un rapport avec vos habitudes d’écrits... ?

M Ce qu’il y a... c’est que j’aime l’écrit, j’aime le fait d’écrire.

E Oui, vous aimez le fait d’écrire ?

P Moi j’adore ça.

M Faire des belles lettres...

E La calligraphie ?

M Oui

P Moi, c’est pas la calligraphie, c’est raconter une histoire.

M Peut-être que tu es plus inventif, beaucoup plus.

P Raconter une histoire, écrire et l’illustrer. C’est quelque chose qui me plaît.

M Tu faisais des poèmes...

E Au niveau plus scolaire, est-ce que vous connaissez la méthode de lecture employée en classe ?

M On a bien du mal à s’y retrouver, je ne vous le cache pas. On a l’impression que les enseignants, pas qu’ils ne savent pas... ils se ballottent quoi.

E Ils se ballottent, c’est-à-dire ?

M Pas c’est toujours pareil, global, semi-global, syllabique, on en sort pas. C’est toujours le même truc.

E Quand vous dites c’est toujours le même truc, qu’est-ce que ça veut dire ?

P Ils ne savent pas vraiment eux-mêmes

M Ben oui, on sent... on va privilégier... quand on dit vous savez il a du souci à faire comme ça, mais oui faut faire comme ça... mais bon, y’a pas de parti pris, on veut blesser personne, on veut faire plaisir à tout le monde, tout le monde marche. C’est très difficile, il y a un système un peu bloqué, je trouve.

E C’est-à-dire qu’il existe encore les tenants de telle ou telle méthode, c’est ce que vous voulez dire ?

P A mon avis, ils savent pas vraiment qu’elle est la méthode totale à adopter, donc ils sont pris un peu entre deux feux, on leur dit faites du global, faites du semi-global, faites du syllabique. Le syllabique se faisait avant. Que si le syllabique ne marche pas bien, maintenant on va faire du global, mais bon... ils s’aperçoivent que le global ne marche pas bien, alors on va faire les deux en même temps.... ben non... non, là on va refaire du syllabique, on va refaire du global... D’une année, nous qui avons deux garçons, on voit bien que les méthodes sont pas les mêmes. A deux ans d’intervalle, ils n’ont pas appris de la même manière et on voit la différence.

E Et pour vous, quelle est la meilleure méthode ?

P Je pense que le syllabique semi-global, c’est ce qui a apporté le plus. C’est-à-dire que ça va être la lecture M A, MA.

E Et qu’est-ce que vous entendez par semi-global ?

P C’est-à-dire qu’ils vont apprendre du syllabique M A, MA et ils vont apprendre malgré tout à côté certains mots qui sont des mots qui sont difficiles à apprendre syllabiquement. Donc ils vont les apprendre visuellement.

M Ils vont les photographier. En grande section par exemple, ils font un petit peu de photographie de mots, bon ça peut aider mais même là je vois que Luc il a recommencé ces petits tableaux avec deux lettres, trois lettres...

P Ils ont réessayé de faire plus du global, photographier des mots et les enfants n’y arrivent pas. Ils ont appris du syllabique et c’est vrai qu’un enfant qui a appris du syllabique a plus de mal à enregistrer des mots entiers alors qu’il va être capable de les lire sans avoir besoin de les apprendre par coeur. Il va lire « poste » parce qu’il va lire les lettres, il va faire « O S, poste », il va le lire comme ça et d’ailleurs c’est comme ça quand il lit un livre, il le lit comme ça, il déchiffre.

M Celui qui fait du global, il a tendance à faire du par coeur, alors il va se tromper, il va sauter un mot, changer un mot, qui ressemble au départ, alors il va dire un autre.

P Le début va être le même, il ne va pas regarder la fin.

E C’est important pour vous s'il se trompe par exemple ?

M Bien si vous vous trompez d’un mot, vous ne comprenez pas votre texte.

P Ben oui, ça change le texte.

M Vous mettez « de » ou « en » à la place de « de ».... ça change le sens. Donc après si l’enfant est tout seul à lire un petit livre et que vous n’êtes pas derrière lui, il va avoir l’impression d’avoir compris tout et puis peut-être que c’est une autre histoire qu’il a dans la tête.

P Par exemple au lieu de dire « dépendance », il va dire « dépense ». Ça commence de la même manière, donc en lisant vite il va dire « dépense » et il va pas voir qu’en fait c’est « dépendance ».

E Est-ce que vous voulez dire par là qu’on ne vous a pas trop bien expliqué la méthode ?

M On nous explique rien.

P Oh si, si si. Moi j’avais été à la réunion. Toi, tu n’étais pas allé.

M Si, si j’y étais.

P La méthode globale, la méthode syll... tout ça, c’est des méthodes, moi j’ai bien compris ce qu’ils voulaient dire mais... eux-mêmes ne savaient pas si c’était la bonne méthode. C’est vrai qu’ils ne peuvent pas... tant qu’eux ils ne l’ont pas expérimentée, ils ne peuvent pas dire « c’est la bonne méthode, ou c’est pas la bonne méthode ». Ça c’est l’éducation nationale qui dit « on va faire comme ça », eux on leur impose, on leur demande pas si ils sont d’accord. Il ne faut pas l'oublier quand même.

M Sinon ils sont influencés par les différents stages, ou les différents courants... on sait comment c’est... moi mon père était enseignant, mais c’est comme ça. Je pense que toute manière on est obligé de suivre quand même l’enfant à la maison pour voir si il a une lacune ou si quelque chose n’est pas passé, bon... pour rattraper un peu si il y a quelque chose...

E Vous pensez que le suivi est important à la maison ?

M Oh oui. Si il y a que l’école, c’est pas possible. Ou alors, bon c’est un grand. Je vois Luc, il a beaucoup appris avec Ronan, mine de rien.

P Oui, à l’écouter.

M Parce que même quand il lit le soir, si il se trompe d’un mot, son frère va lui dire « non c’est ça ». Bon mais y’a quelqu’un, il est pas livré à lui-même.

E Vous pensez, qu’en fin de compte, l’école a besoin de la famille pour aider l’enfant ?

M C’est l’enfant qui a besoin de sa famille, pas forcément les parents mais quelqu’un qui porte de l’intérêt à ce qu’il apprend, à ce qui est nouveau pour lui.

P Mais les parents n’ont pas le temps. Les parents, quand ils rentrent du travail ne peuvent pas les... les mamans qu’ont des enfants de nos âges, qui travaillent, ne peuvent pas, c’est pas possible. Elles ne peuvent pas.

M Celles qui y arrivent, j’aimerais voir comment.

P On on incite pas les femmes, si on ne les aide pas, à pouvoir rester chez elle pour élever leurs enfants jusqu’à un certain âge, et qu’elles puissent retravailler après si elle le souhaite, je pense que...

E Vous abordez une dimension politique, un petit peu...

P Oui. Sans parler politique, c’est plutôt familial que politique.

M ...... de vie des humains, en fait. Maintenant... on accorde peu de temps à la communication directe entre les êtres maintenant.

E Et vous pensez que c’est important ?

M Ben, je pense. C’est très dur de rester dans le vrai. C’est peut-être un peu éloigné de la lecture mais...

E Non, non c’est très important.

M Si vous avez toujours un discours avec un truc allumé, un truc qui marche à fond et le téléphone qui sonne, le micro-onde qui hurle derrière, la machine à laver qui essore, que voulez-vous, y’a un manque de calme.

P Un gamin qui fait ses devoirs sur la table de la cuisine à 8 heures parce que la maman vient de rentrer et qu’elle prépare à manger pour tout le monde, il peut pas les faire de la même manière..

M Mais, y’en a qui y arrive...

P Oui, il y arrive mais on voit pas après... il peut pas les faire de la même manière qu’un gamin qui a passé une heure et demie avec sa maman à côté de lui, sur son bureau en train de lui expliquer...

M pas une heure et demie.

P Non, même trois-quarts d’heure, ça peut pas être fait de la même manière.

M Mais disons, si mettons, y’a un son qu’il n’a pas compris, c’est vrai que si les parents sont là pour rectifier un petit peu quelque chose qui ne va pas, la maîtresse elle aura du travail facilité, après c’est certain. Elle peut pas, elle, si il y en a 20 - 25, être absolument à l’écoute et se rendre compte de tout, tout ce que l’enfant voit ou ne voit pas, comprend ou ne comprend pas.

E Quand Luc arrive le soir, il a du travail à faire je suppose ?

M P Pas beaucoup.

M Un petit peu. C’est bien, juste bien.

E Juste bien. Et comment est-ce qu’il le fait, seul ?

M Là on aborde l’organisation familiale, en fait, ça c’est difficile. Parce bon, vous avez un enfant c’est facile, deux enfants et quand y’a un autre petit derrière qui veut faire les devoirs en même temps que les grands, alors tout ce complique.

P Faut imaginer des devoirs pour la petite.

M Faut lui mettre un papier si vous voulez avoir cinq minutes de paix parce que vous pouvez pas avoir un bureau chacun, ça ça marche pas non plus, euh... faut s’organiser...C'est vrai que ce n'est pas facile.

P C’est vrai qu’ils le font... ils le font sans... râler.

M Une fois que c’est parti, donc...

P Faut les inciter au départ. Bon ils arrivent de l’école, ils ont envie de jouer, ils ont pas envie forcément de les faire. Après quand ils sont dedans, ils les font sans problème mais comment on fait. Moi je sais que nous... moi je fais comme ça. Je me mets entre les deux, chacun de leur côté, d’abord, en général, je vois avec le grand, donc je vois ce qu’il a à faire, je lui dis « tu prépares ça, tu prépares ça, tu le vois tout seul et on le voit après ». Le temps qu’il prépare ça, je vois avec le petit ce qu’il avait à faire, on voit tous les deux ensemble, après je lui dis « tu travailles un petit peu tout seul et après on voit tous les deux ensemble ». Après je reviens au grand et puis ainsi de suite...

E C’est-à-dire que vous êtes continuellement auprès d’eux, à les encadrer ?

M P Obligatoire.

E C’est vous qui les faites en général ou c’est...

P Non, c’est Marianne.

M C’est selon. Selon la soirée, parce que mon mari n’est pas là certains soirs...

E Suivant la disponibilité de chacun mais il y a toujours quelqu’un...

M Mais on suit à peu près tous les deux... ou on se dit, tu peux finir, moi j’ai pas le temps, faut que j’aille faire quelque chose, je suis rendu là...

P Mais y’a toujours quelqu’un.

E Y’a toujours quelqu’un avec les enfants. Et la place de la télévision dans la famille ?

M P C’est réglementé.

E C’est réglementé.

P En semaine, c’est interdit le matin. Un petit peu le soir...

M En rentrant de l’école, pour les détendre un petit peu... un petit dessin animé, si il est bien. Si cela ne les énerve pas trop.

P Tout dépend ce que c’est. Et sinon le week-end, ça va être un petit peu le samedi matin, puis c’est pas la folie...

M Ou des documentaires...

P Oui, un petit peu le dimanche, dès fois, pour les documentaires ou des choses comme ça ou un film qu’ils ont envie de voir parce qu'il y a un film qui les intéresse.

M Mais le soir ils ne regardent jamais.

P Non. Ils ne regardent jamais la télé le soir.

M Nous on regarde pas tellement non plus.

E Ils passent grosso modo, un quart d’heure, vingt minutes, une demi-heure par jour ?

M Devant la télé ?

E Oui.

P Non.

E Si on faisait une moyenne, à peu près ?

M Bah si. vingt minutes.

P Même pas, un quart d’heure. Et encore c’est pas systématique parce que, à la limite, ils vont regarder plus quand ils sont en période scolaire que là pendant les vacances ou ils vont même pas y penser. En fait, ils vont être dehors à jouer, à se promener, ils vont pas penser à regarder la télé.

M Je pense que si on est dans un endroit, on peut aller dehors où y'a un jardin. ça facilite beaucoup que quelqu’un qui est dans un appartement, on est bien plus tenté... presser un bouton, c’est tellement facile. Mais bon on ne vit plus, on vit à travers les autres, mais soi-même on fait plus rien. On est passif.

P C’est la liberté des parents, la télé.

E C’est-à-dire la liberté des parents ?

P Les parents qu’ont envie d’être tranquille, c’est la baby-sitter gratis à la maison, si on peut dire gratis...

E oui, tout à fait... On paie la redevance quand même. Vous parliez des jeux des enfants, à quoi jouent-ils, est-ce qu’ils ont des jeux dits « éducatifs », est-ce qu’ils aiment ça ?

M Y’a de tout.

P Qu’appelle-t-on jeux éducatifs ?

E Des jeux je dirais de société ?

M Oui, dans la période de Noël, on en fait un peu plus, et après...

P On en fait un peu moins, mais bon ça n’empêche pas. Ça peut être des jeux de construction, des legos, Kapla....

E Quand vous dites : « on fait », ça veut dire que vous vous y mettez vous aussi ?

P Ben oui, dès fois je joue aux legos aussi.

(rires)

P On a envie de partager, d’être avec eux. On est peut-être un petit peu trop maman papa poule...

E Vous jouez avec vos enfants ? Ça vous arrive souvent ?

M Ils viennent nous chercher. On va pas dire toujours non. C'est ridicule. Si on a des enfants, c’est pour vivre avec eux.

P C’est vrai que c’est par périodes. On joue moins. C’est vrai que là comme on a des travaux et que ça prend un peu plus de temps, tant que c’est pas fini... quand y’avait pas les travaux, ça m’arrivait qu’on passe... moi, de jouer une heure, une heure et demie avec eux.

M Oui, mais on fait rien d’autre.

P Après, on va faire un tour de vélo, pendant trois-quarts d’heure, tous ensemble...

M Nous, on est très famille...

P On va faire un gâteau, on peut très bien le faire ensemble, ou ... je sais pas.

E Vous utilisez l’ordinateur ?

M P Oui.

M Mon aîné, il adore ça.

E Vous avez un micro-ordinateur ?

P C’est pas un gros micro-ordinateur, c’est un petit... il a pas des grosses capacités, mais pour une initiation, c’est pas mal.

E Luc s’y intéresse, il est en CP ?

P Il est plus petit.

M Il ferait si Ronan n’était pas là. Faut être clair.

P Oui, mais il est ... Ronan a commencé plus tard. Il a pas commencé en CP. Ils ont pas la même approche.

M Ils sont différents.

E Par rapport à votre famille, est-ce que avez des règles d’éducation précises ?

M Qui concernent quoi ?

E Qui concernent la vie familiale de tous les jours ? A table, la politesse tous les éléments comme ça...

M On essaye.

P On essaye, c’est pas évident, parce qu’ils sont pervertis par l’extérieur.

M On ne peut plus faire ce qu'on veut

P A la limite, c’est difficile pour ça. Ils apportent un vocabulaire de l’extérieur, des manières de faire qu’ils empruntent à leurs copains, à l’école, à l’extérieur, dans les familles qui les entourent, donc systématiquement, ils essayent d’apporter cela à la maison. Donc c’est à nous de faire barrage ou de faire comprendre. Pas forcément de faire barrage par blocage, mais essayer de leur faire comprendre que ce n’est peut-être pas la bonne solution. Qu’il en existe d’autres ?

E Est-ce que vous avez des exigences scolaires ?

P Non. On en a pas besoin.

M Ils marchent bien.

P L’exigence scolaire ne vient que quand il y a problème. On exige pas d’un enfant un résultat si il l’a naturellement. Et si il l’a naturellement, c’est que quelque part il est bien.

M Oui, mais ce que l’on veut leur faire comprendre c’est que.

P C'est pour eux de toute façon

M Même si il y a des choses qu’ils comprennent facilement, il faut pas oublier que, quand il y a une petite difficulté, il faut travailler pour la surmonter.

P C’est ce qu’il y a de plus dur. Dans les devoirs, c’est ce qu’il y a de plus dur. C’est d’estimer la compréhension totale de son travail ou si c’est une compréhension partielle et que le reste est un automatisme. Et donc à ce moment là est-ce que c’est vraiment un travail qui est acquis ou s’il est juste acquis à moitié, après ça va pécher quelque part. Y’a des fois, faut savoir revenir dessus, et c’est dur à leur faire comprendre.

M Ils n’aiment pas. Le courage, recommencer, pas se décourager, en fait c’est aussi important que ce qu’on apprend. La manière de faire...

P Peut-être même plus important que le résultat. Il peut avoir des 20/20 tout le temps, et ne jamais apporter de gros travail. Alors qu’on peut avoir un enfant qui travaille énormément et qui a des résultats moyens et qui travaillent beaucoup. A mon avis, c’est bien plus important qu’un enfant qui a que des bons résultats. Le travail qu’il va fournir à côté est bien plus important. Après quand il va aller dans les classes, plus ça va aller, justement il va avoir du travail à fournir. Et si il a pris l’habitude dans les petites classes à fournir un travail, à travailler, à revenir sur ce qu’il a fait, c’est bon. Le courage.

M Il faut aller par petit morceau, des petites choses, pas tout à la fois.

P Pas forcément des grosses tâches.

M C’est là qu’on a tendance, dès fois, à ... tout le monde est comme ça, corriger tout à la fois, mais c’est pas possible.

P C’est comme, prendre l’habitude de ranger sa serviette, prendre l’habitude de...

M Oui, on essaye de les structurer.

P De faire sa toilette. C’est tout bête, c’est facile mais pour un enfant de 6 ans, 7 ans ou 8 ans, c’est pas si simple que ça. Il pense à autre chose et ce n’est pas sa première préoccupation, donc ranger sa serviette, il va poser son machin... il va partir. De prendre l’habitude de le faire, de le faire systématiquement, c’est un travail. Donc il fait malgré tout, l’effort, tous les jours... donc dans le travail après c’est pareil.

M On essaye de structurer leur espace temps, sinon tout dégénère et ils font n’importe quoi...

P On essaye de leur faire comprendre que le temps et la vie c’est quelque chose qui n’est pas forcément quelque chose à vivre minute par minute, comme elle vient, mais que ça peut s’organiser, se prévoir.

E ...un espace temps... c’est pas courant ce langage là. Je ne l’entends dans la bouche d’un parent, qu’est-ce que vous entendez par espace temps ?

M s’organiser, quoi, au niveau volume, savoir bouger pour aller faire un truc... se remuer.

P Par exemple on a un aîné qui a tout le temps envie de bricoler, de faire des expériences. On essaye de lui faire comprendre que cela ne se fait pas comme ça, qu’il va pas faire son bricolage juste avant de partir, qu’il le programme dans son temps, dans sa journée, dans son après-midi, dans son retour de l’école pour le faire. Donc il faut pas qu’ils réagissent par instinct ou par pulsion pour certaines choses, mais par réflexion.

E Oui, je comprends ce que vous voulez dire. Et est-ce que cela vous arrive de rencontrer souvent l’enseignant ?

M Dès que j’ai quelque chose à demander, j’y vais, comme çà...

P Moi je suis allé la voir comme ça...

M J’aime bien connaître les personnes.

E Oui, vous êtes allés déjà plusieurs fois depuis le début de l’année ?

P Moi, je suis allé deux fois.

M Pas sur rendez-vous.

P Comme ça

M Juste... mais si il y avait un problème spécifique, je prendrai rendez-vous et puis j’irai discuter.

P Moi j’y suis allé parce Luc avait oublié un livre, ou quelque chose comme ça. Je lui avais dit, « j’irai voir ta maîtresse » et puis j’étais allé juste comme ça, ni pour réprimander, ni quoi que ce soit ... je lui avais demandé ça va, ça va pas... même si on sait déjà un peu ce qui va, ce qui va pas, mais... c’est tout. Et c’est pas pour autant qu’on va parler de l’enfant... je sais qu’on était venu à parler de recettes de gâteau, parce que y’avait un gâteau à cuire... donc j’avais dit « je vais le cuire », donc on avait parlé gâteau, on avait parlé cuisine, on avait parlé d’oenologie, d’un tas de chose qui ne sont pas forcément en rapport avec le travail de l’école.

E Tisser un lien informel avec la maîtresse ?

M Oui. J’appréhende justement le collège, parce que je pense que c’est beaucoup plus difficile. En primaire, c’est à côté, c’est à proximité, mais après je pense que c’est plus difficile d’avoir un lien avec les enseignants et puis on doit avoir des moyens pour se repérer beaucoup plus difficile. Y’a un souci à se faire au niveau des résultats, des choses qui ne sont pas comprises, c’est beaucoup plus difficile, faut passer par des commissions, ça doit être vraiment...

P Là, on est loin de la lecture.

E Oui, mais y’a tout un ensemble qui est derrière.

M Y’a tout un contexte qui fait... je pense que si l’enfant est heureux à l’école, s'il est heureux de partir le matin...

P Il est heureux si il sait qu’il va être suivi.

M Je ne sais pas.... si vous êtes là, c’est qu’on a pas trouvé le mystère.

E On a pas trouvé le mystère de façon globale, ça c’est sûr. Est-ce qu’on le trouvera un jour, je sais pas. Mais au niveau de la famille, entre le papa et la maman, qui est-ce qui organise, qui est-ce qui décide...?

P C’est pas l’un. C’est pas l’autre. C’est en communion.

E C’est partagé. Les tâches sont partagées.

P Oui, y’a des choses que je lui dis « tu vois, tu décides, parce que je sais pas ou faut s’informer davantage », on alors on en discute et puis on se mettre d’accord.

E On a presque fini l’entretien, des questions qui sont plus d’ordre sociologique. Au niveau de votre profession, qu’est-ce que vous faites ?

P Moi, je suis cuisinier. Chef de cuisine, dans un lycée..., dans un restaurant d’insertion professionnel, auprès de jeunes qui font partie de la fondation des orphelins apprentis d’Auteuil, donc que des cas sociaux, si on peut dire. Je leur apprends, je peaufine leur métier...

E Vous êtes formateur en fin de compte ?

P Pas formateur, chef de cuisine, puisque c’est un restaurant, une SARL, un restaurant à part entière.

E Votre dernier diplôme.

P Brevet professionnel.

E Et votre femme ?

P Elle est collaborateur d’architecte, alors le diplôme que c’est... je sais pas exactement. Si c’est le BMAT ou ...

E C’est après le bac ?

P Oui, trois quatre ans après le bac.

E Et vous, c’est après le bac ?

P Non pas du tout, justement... c’est l’équivalent. Le brevet professionnel permet d’accéder aux études supérieures.

E Votre année de naissance ?

P 63.

E Et votre femme ?

P 62.

E Dans le même ordre d’idée, vous êtes propriétaire, je suppose ?

P Oui.

E Au niveau de votre revenu mensuel, grosso modo, entre 5 et 10000, entre 10 et 15, entre...

P entre 10 et 15.

E Est-ce que vous auriez d’autres choses à dire ? Par rapport à ce qu’on a déjà dit ?

P Après y’a des choses qu’on sait pas. Là je ne peux pas savoir. Mais à mon avis, le meilleur apprentissage de la lecture se fait à voix haute et d’ailleurs si on approfondit l’apprentissage de la lecture, on s’aperçoit que dans les monastères, ils ont toujours une parfaire diction et si on recherche pourquoi, malgré tout, la raison principale, c’est parce que pendant qu’il mange y’a toujours la lecture des livres des .... de l’évangile, l’histoire des saints... et donc, à tour de rôle, ils lisent pendant que les autres sont en train de manger, dans beaucoup de monastères. Donc systématiquement on est obligé d’avoir une diction correcte et je pense que c’est la lecture à voix haute... la première chose qui fait qu’on lit bien. Et le fait de bien lire et de bien se faire entendre incite à lire.

E La lecture silencieuse, vous voulez dire ?

P Oui silencieusement, non, même à voix haute. Et le fait de bien lire et d’aimer lire incite à écrire. Moi je m’aperçois que mon aîné il aime lire, et il aime écrire. Il aime écrire, il aime utiliser les mots.

E Et Luc, il aime dessiner, il aime bien lire ?

P Il aime lire. Oui. Depuis qu’il a commencé à apprendre à lire, donc cette année, oui il aime lire. Tous les soirs, il prend un livre. Il le lit différemment que son frère, puisque son frère va lire, lui, tout de suite par les mots, l’histoire. Il a toujours fait comme ça. Luc va d’abord regarder toutes les images, après, il va relire, il va lire une fois en lisant l’histoire et après il va lire en regardant les images. Y’a une approche complètement différente qui est peut-être l’approche qu’ils en font à l’école. Ça je sais pas, on le voit pas. D’ailleurs on sait pas aussi si ils lisent à voix haute dans les classes. Je suppose que oui. Mais c’est vrai que c’est la lecture à voix haute qui fait qu’ils lisent bien ou qu’ils lisent pas bien. Nous ici, on leur fait lire à voix haute.

E Votre femme disait tout à l’heure, « on voit que la maîtresse aime son métier », tout ça. C’est quelque chose que vous sentez ?

P Oui, totalement. Vous savez quand les enfants n’ont pas envie de quitter leur maîtresse, c’est que... y’a quelque chose qui est passé. Et si quelque chose est passé, c’est que la maîtresse aime ce qu’elle fait.

E Et vous trouvez que c’est important...

P C’est très important, surtout au CP, c’est une classe charnière. C’est le début du travail. Je vois que la première année, au CP, notre aîné avait plus de travail qu’en a Luc. Il faisait tout, fallait qu’il satisfasse sa maîtresse donc il travaillait complètement tout ce qu’il avait à travailler. Même si y’avait beaucoup, il l’aurait fait, et si y aurai eu plus, il l’aurait fait aussi.

E Donc l’envie d’aller à l’école grâce...

P La maîtresse, elle motive beaucoup. Après y’a le fait d’apprendre quelque chose, y’a les copains, y’a tout un contexte qui fait...

E Merci, je crois qu’on a fini l’entretien. Et vous est-ce que vous avez quelque chose à rajouter ? Votre mari a rajouté plus des éléments techniques concernant la lecture à haute voix et vous par rapport à l’apprentissage de la lecture et tout ce qu’on a vu, est-ce que vous auriez des choses à...?

M C’est pas facile ce que vous demander. Quand on y réfléchit pas tous les cinq minutes.

E C’est ça qui est intéressant, parce que c’est un sujet qui n’est pas réfléchi.

M Faut y prêter de l’intérêt déjà au départ, comme dans tout ce qu’on fait dans la vie. Si c’est un cap difficile, ça à l’air d’être un cap difficile pour beaucoup... qui pose du souci, donc faut y prêter intérêt, mais après faut essayer de comprendre son enfant, donc forcément prendre du temps, du calme et puis, une histoire de façon de vivre, un petit peu. Peut-être que moi je résume ça trop facilement mais...

E Non je trouve que ce n’est pas du tout résumé.

M Ça s’arrête pas au mécanisme de la lecture, forcément. Ca , c'est certain. Je sais pas. J’ai pas assez d’enfant en face de moi pour comparer, y’a pas de règle générale, c’est ce qui fait la difficulté de la chose. Y’a peut-être des choses qui peuvent se regrouper mais chaque personne est un cas et c’est vrai que la lecture ça doit pas être si facile que ça à ingurgiter pour tout le monde.

E C’est pour ça qu’on fait des études là dessus. Et quand vous dites « cas par cas », c’est pour ça qu’entre autres je vais voir chaque famille les unes après les autres, parce que chacun à son discours sur la chose mais par contre ce qui est intéressant c’est qu’il y a des regroupements à faire.

M Je pense oui. Ce qu’il y a, ce qui est très gênant dans certains cas c’est que c’est la relation entre l’école et la famille. C’est-à-dire que si on voit que l’enfant a des difficultés, les parents qui ont envie d’agir, vont être tentés de prendre une méthode parallèle ou agir eux-mêmes, ou faire leur cursus à eux, je sais pas... j’imagine pendant les vacances et ça pose des soucis, car je pense que les enseignants n’aiment pas tellement ça, ça perturbe leur processus à eux, il faut joindre les bouts, c’est peut-être pas toujours facile alors qu’il y a quand même des cas ou ça s’avère indispensable. Si c’est vraiment raté à l’école, heureusement que les parents réagissent, sans doute. Encore faut-il trouver une méthode qui va convenir à l’enfant mais de toute manière, on y passera du temps, je pense qu’on est obligé parce qu’on a pas le choix. On a beau nous faire croire aujourd’hui que tout va vite, on communique vite, au contraire... Mais je suis d’un esprit assez lent... donc je le ressens encore plus. J’ai besoin de digérer les choses avant.

E C’est pour ça que notre entretien vient comme une intrusion quelque part parce que j’ai ressenti...

M Comment ?

E Je viens un petit peu comme une intrusion puisque nous n’avez pas eu le temps de réfléchir à la question.

M Mais je ne me pose pas de questions continuelles à ce sujet puisque mes enfants n’ont pas de problème donc, je pense, que si ils avaient rencontré vraiment des soucis, y’a longtemps que j’aurais fait quelque chose...

E Et comment vous placez Luc à peu près, dans son cursus scolaire ? Au niveau de ses capacités scolaires ?

P On voit qu’il travaille bien.

M Il suit régulièrement, je pense. Il va pas fournir des efforts énormes, mais il n’aime pas rater, il est vite vexé si cela ne marche pas donc faut l’encourager, lui montrer qu’il peut y arriver en travaillant. Mais il a des capacités. La lecture n’a pas posé de problèmes. Moins de soucis qu’à toi. La méthode a été différente. Est-ce que cela vient de l’école, de nous, ou du fait qu’il a un grand frère ?

P Mystère.

M Mais c’est vrai quand on se promène, on lit les panneaux, Tout le monde fait ça... très très vite, il a associé les sons, c’est un jeu, il a beaucoup joué... pour lire.

P Une publicité sur un mur, il va essayer de la lire.

M Ronan, quand il a commencé, il avait beaucoup plus de travail, c’était vraiment trop lourd.

P La méthode n'était pas la même

E Quand vous dites, il regardait les panneaux, mais ça depuis longtemps il a regardé les panneaux Luc, on s’est récent ?

M Si quand même.

P Depuis qu’il a commencé à apprendre les associations.

M Dès qu’ils ont commencé en classe à faire des petites choses...

E Il a commencé à s’intéresser à la lecture, Luc, vers quel âge ?

M A l’écrit ou à lire ?

E Lecture en général.

M Qu’est-ce que vous appelez tôt.

E Justement, définissez moi tôt, vers quel âge ?

M Là il a 6 ans et demi, ... quatre ans et demi, quelque chose comme ça.

P Oui, moyenne section.

M Y’avait un grand frère aussi avant.

P Ça l’a aidé.

M Ronan, je m’en souviens plus, c’est trop vieux. Comment il faisait. Ça lui plaisait aussi.

P Lui, il a toujours aimé.

M Mais c’est difficile quand on a pas rencontré un gros souci. Quand y’a des parents qui ont de gros gros échecs, là on commence à se poser beaucoup de questions.

E Vous parliez de confiance !

M Oui, dans la vie on a besoin de confiance pour avancer donc pour une étape comme ça, c’est pareil. Faut qu’il y ait une confiance entre le côté familial et le côté de l’école.

E Une confiance mutuelle entre les deux.

M Pas une confiance...

P Coordination, coopération, oui c’est le mot. Dans le sens que les parents il faut...

M Un lien.