Entretien n° 42 avec Famille JYLO

Le 14 avril 1998

[ ........ Introduction de l'entretien sur la vie dans la cité ...........................]

E Vous êtes intérimaire dans le bâtiment ?

P Non, je suis dans l’industrie, secteur cariste, emballage, magasinage, autrement livraison.

E Votre femme ?

P Elle est fleuriste.

E Elle travaille dans un magasin de fleurs.(....) Quand je vous dis le terme apprentissage de la lecture, à quoi cela vous fait penser ?

P A quoi cela me fait penser. Euh... lecture, livres, mots, association de syllabes, plein de choses comme ça. A l’école. On n’apprend pas forcément à lire à l’école mais faut aussi qu’il y ait un suivi à l’intérieur d’un cadre, comme par exemple les emmener en bibliothèque, des choses comme ça, pour qu’ils voient autre chose que les livres de l’école. Parce que l’apprentissage de la lecture ça peut amener sur plein de choses, c’est une ouverture d’esprit disons.

E Pour vous ça semble important.

P C’est très important. Moi je n’aurais jamais été aussi bon en français comme j’ai été et puis que je suis toujours un peu, je fais très peu de fautes d’orthographe parce que je lis énormément.

E Vous lisez énormément.

P Pas énormément mais beaucoup.

E De tout.

P De tout. Ça va de la BD à Agatha Christie en passant par plein de trucs quoi. Dès que j’ai un truc à lire, je le lis, que ce soit le journal, que ce soit la revue Nantes-Passion, n’importe quoi, je lis. Faut que je lise. Le soir, je ne peux pas m’endormir si je n’ai pas lu deux ou trois pages. Y’a même des bouquins, je suis obligé de lire trois chapitres.

E Ah oui, vous êtes tellement accroché...

P Ah oui, je suis tellement dedans... le style Agatha Christie, c’est infernal de s’en défaire. C’est tellement bien fait, on veut savoir, on veut savoir, qu’au bout d’un moment on ferme un peu les yeux parce qu’on fatigue, on met un petit marque page et on s’endort.

E Votre femme, elle est lectrice aussi ?

P Très peu. Elle lit peu. Elle commence à venir aux livres classiques. Je l’ai déjà emmenée sur la BD qu’elle n’aimait pas. Elle commence à... ça commence à venir.

L’enfant : Quelle BD ?

P Quelle BD, en ce moment elle est sur les Bidochons. C’est génial. Au début elle n’aimait pas Astérix parce qu’elle pensait du fait que le titre, Astérix le Gaulois était écrit plus ou moins en romain, elle pensait que tout le texte était comme, alors qu’en fait pas du tout. C’était par un défaut de connaissance. Alors je lui ai amené le bouquin et je l’ai fait lire. Tintin, elle commence à s’y mettre et puis petit à petit on complique un peu quoi.

E Et quoi tu aimes lire ? Oui ?

Audrey ....... silence

P Fais pas ta timide. Oui, elle aime bien lire. Surtout raconter des histoires à sa petite soeur, elle prend un bouquin et puis, par rapport à une image, elle ne s’occupe pas forcément du texte, mais elle imagine des choses qui pourraient se produire par rapport à la photo......

la petite : J’arrive pas à lire...

P Bah non tu n’arrives pas à lire, tu es trop petite, mais ça va venir. T’inquiète pas ça viendra, tu apprendras comme tout le monde.

E Bien sûr. Vous lisez des histoires aussi ?

P Le soir, oui, j’aime bien. Quand j’ai le temps. Le soir je ne vais pas pouvoir. Quand ma femme va arriver, elle finit à 9 heures, faut que tout soit prêt, faut qu’elle mange, faut qu’elle se détende un peu, faut que je couche les filles avant parce que demain y’a de l’école, ce soir je n’aurais pas trop de temps et demain matin, je commence à 5 heures, donc on n’a pas forcément le temps tout le temps, mais dès que j’ai 5 minutes et que je peux le faire, je le fais.

E Des livres que vous avez à la maison ?

P Oui, à un anniversaire ou à Noël, elle avait eu un gros livre de Pocahontas donc de temps en temps je lis une page ou deux, ou un petit chapitre. Ça va, ça ne se passe pas trop mal.

E C’est quelque chose que vous faites régulièrement ?

P J’essaye de le faire au maximum, c’est pas forcément régulier régulier.

E Et pourquoi est-ce que vous faites cela ?

P Pour moi, c’est vachement intéressant... et pour elle ça leur donne, comment je pourrais expliquer ça, ce serait plutôt dans le sens de faire une bonne nuit, ça leur donne un genre d’idéal de rêve, ça leur donne un genre d’évasion. Et c’est vrai, que les soirs, quand je ne lis pas d’histoire, c’est un peu plus dur pour les endormir. Elles sont moins... moins... comment je dirais... plus stressées, moins détendues. Et puis, en plus pour moi c’est intéressant, j’aime bien pouvoir passer un petit de temps avec les enfants, parce que dans la journée on est toujours dans la course. Vous voyez, j’ai fini à 12h30, le temps de rentrer, d’aller les chercher, il était une heure, le temps de manger, de préparer à manger pour ma femme, bon... faut courir. Elles aiment bien aussi, je ne les oblige pas, et souvent c’est elles qui réclament.

E Vous faites ça depuis longtemps ?

P Depuis qu’Audrey est toute bébé quoi. Je dirais que j’ai commencé elle avait deux ans, deux ans et demi, quand on a commencé à se rendre compte qu’elle commençait à bien parler et à bien comprendre certains trucs, on a attaqué ça. Et puis petit à petit, c’est arrivé une tradition.

E Vous faites ça une fois par semaine, plus ?

P Y’a pas de régularité. Si on fait une moyenne, on va arriver à 2 ou 3 fois par semaine mais y’a pas de régularité. Y’a une semaine où cela va être tous les soirs et puis une semaine pas du tout, et puis une semaine deux soirs, y’a aucune régularité, c’est suivant le temps qui passe.

E Vous lisez n’importe quoi...

P Moi oui.

E Oui, mais pour les enfants ?

P N’importe quoi, non, parce qu’il y a des livres que j’évite quand même. Généralement la lecture pour enfants, Poncahontas... là on a été à la Foire Internationale lundi, on leur a ramené chacun un livre, pour la petite c’est lapinou qui va dans la forêt, pour la grande, c’est un peu plus, c’est quoi le titre ?

Audrey L’histoire de sandwichs.

P L’histoire des sandwichs, oui.

Audrey L’histoire DE sandwichs.

P Oui, l’histoire de sandwichs.

Audrey t’as dis DES...

P C’est pas grave... et puis voilà. Quand on peut et qu’on voit... le livre c’est une question... pour nous quand on achète un livre, c’est plus une histoire de récompense... une récompense accompagnée de d’autres choses, mais c’est avant tout une récompense. Si y’a une époque où elles ont envie de lire, elles reprennent leurs anciens livres mais elles n’ont pas de livres neufs si elles ne le méritent pas... Ça donne un petit air festif quoi. Parce que c’est une récompense, on est content parce qu’elles ont bien travaillé à l’école ou elles nous ont aidé à faire des trucs à la maison.

la petite : papa, je voudrais chercher mon livre

P Attends un peu, je parle avec le monsieur

E Elle a beaucoup de livres ?

P Oh la la, une caisse complète.

E C’est-à-dire grosso modo ?

P Si je dois avancer un livre, à eux deux, une bonne soixante de livres quoi. Ça permet de travailler pas trop mal quoi.

E Ça vous arrive d’aller à la bibliothèque de quartier ?

P Très rarement parce qu’à la bibliothèque de quartier, ils ont très peu de livres et puis, du fait qu’il y a peu de livres, ils sont souvent pris, y’a peu de roulement de livres, c’est assez embêtant et c’est vrai que je n’ai pas le temps d’aller malheureusement à la médiathèque, autrement j’irai. Je n’ai pas trop le temps.

(L'enfant joue du piano sur le clavier électronique des parents)

E Vous n’y allez jamais.

P Pratiquement pas.

E Au niveau des abonnements, des magazines ?

P On n’a pas encore fait cela parce qu’on a estimé que cela n’était pas encore assez ça pour avoir quelque chose comme ça, car c’est toujours dans le sens de la récompense. Par contre, nous on est abonné à France Loisirs donc...

E Vous recevez des livres...

P Régulièrement on reçoit des livres, on se déplace, on va au magasin. Surtout moi, car ma femme ne lit pas beaucoup. Elle commence un petit peu, faut pas la bousculer, la laisser aller à son rythme. J’avais ma mère qui lisait beaucoup donc moi ça m’a pris comme ça aussi donc du fait que je lis beaucoup, ça commence à l’intéresser, faut prendre son temps.

E Vous préférez..

P Je préfère qu’elle y vienne toute seule. Déjà moi personnellement j’aime pas être obligé à faire certaines choses alors je n’oblige pas les autres.

E Son travail d’école, c’est vous qui vous en occupez ?

P Tous les deux. Par contre, un coup c’est elle, un coup c’est moi, ça dépend comment ça tombe, si je travaille...

E Qu’est-ce qu’elle a comme méthode ?

P Méthode globale, c’est sur le bouquin de lecture, c’est comment ? c'est Gaffi ?

Audrey Gaffi.

E Vous trouvez bien ?

P Il est bien fait. Un petit peu compliqué pour nous parents mais je pense qu’au niveau de l’école il est très bien fait.

E Pourquoi est-il compliqué ?

P Je vois... on va voir...

(recherche du livre)

P Moi, je ne trouve pas facile, c’est ce système là, de lecture de syllabes. Je ne vois pas l’utilité, c’est ce qui me gêne, du moment que je vois que ce n’est pas utile... ça me gêne un peu.

E Pourquoi pas utile ?

P Parce que ces syllabes là elle les retrouve dans les mots qu’elle sait. A priori, je vois là le O, le O on le retrouve partout. Maintenant ils font peut-être cela pour apprendre la diction, je ne sais pas. Mais moi personnellement, on ne m’a pas expliqué pourquoi c’était utile de le faire. Ça n’empêche pas que si elle a à faire, je lui fais faire, je la fais lire mais ça me choque un peu puisque je ne sais pas à quoi ça sert.

E Ça ne correspond à rien pour vous ?...

P Voilà, pour moi ça ne correspond à rien, pour eux ça correspond peut-être à quelque chose mais pour moi...

E Vous travaillez longtemps avec elle?

P Ça dépend, dès fois en ¼ d’heure ça va être fait, dès fois ça va être une heure, ça dépend du travail qu’elle a à faire mais on met relativement, de toute façon c’est jamais en dessous d’une ½ heure, ça c’est claire. Faut au moins une ½ heure pour que ça rentre bien...

E Vous trouvez ça important d’être avec elle... vous êtes tout le temps avec elle quand vous faites son travail ou vous la laissez faire son travail...

P Par exemple quand elle a le texte en entier à lire de Gaffi, elle le lit une première fois pour elle, toute seule, ça me permet de faire autre chose et quand elle a fini, elle m’appelle, on voit si elle a bien travaillé ou pas, on voit si il y a des mots qu’elle accroche ou si tout va bien quoi. et à ce moment là, elle travaille dessus.

E C’est important...

P Pour elle, c’est très important et pour moi aussi. Quelque part on avance, on les voit grandir, ça nous rend heureux..

E Vous les voyez évoluer et vous êtes content.

P Oui, oui, surtout pour Audrey. Coralie est en maternelle, on ne sait pas encore ce que ça va donner mais Audrey, c’est vrai, je suis relativement fier d’elle parce qu’elle avance bien, elle a une bonne mémoire, on sent bien qu’elle apprend bien. Une poésie par exemple, elle va la lire une fois, elle va lire une deuxième fois, à la troisième fois elle la sait par coeur, y’a plus besoin de la lire et...

E et chez vous, vous avez un sentiment de fierté par rapport à ça.

P Oui, tout à fait, je suis assez fier de ça. Est-ce que ça fait que l’on s’en occupe ou quoi, je m’en fou, ce que je vois c’est le résultat.

E Vous pensez que ça vient de vous...

P Oui, du fait qu’on est tous les deux avec elle à travailler. Un coup c’est ma femme, un coup c’est moi, dès fois... c’est rare parce qu’on a pas la même façon de faire donc on travaille rarement ma femme et moi avec Audrey, c’est ou l’un ou l’autre. Oui, c’est vrai, je pense que ça vient de ce fait là. Qu’on est souvent ensemble, qu’on ne la laisse pas tomber, quoi, elle n’est pas livrée à elle-même pour ses devoirs.

E Vous trouvez que c’est important...

P Ah ! bah ! Oui, tout à fait. C’est vachement important. A partir du moment où elle se débrouille toute seule, elle ne va pas pouvoir avancer parce qu’elle va arriver à un stade où elle va buter et du fait qu’elle sera toute seule, elle ne saura pas passer par dessus, elle ne saura pas comment faire pour avancer... pour faire une comparaison, ce serait un peu comme un jeu vidéo. S’il n’y a personne qui vous dit comment... vous êtes là avec votre joystick, vous être coincé, vous n’arrivez pas à vous décoincer, si personne vous le dit, vous n’y arriverez jamais ou alors vous reculez.

E Vous êtes là pour appuyer ?.

P Voilà tout à fait. Faut assumer quoi, y’a beaucoup de gens malheureusement qui a l’heure actuelle font des enfants et un coup qu’ils sont faits, ils sont là, qu’est-ce qu’on fait, on s’en fou quoi. Si on les lâche dans la rue et les gamins vont vous insulter, vous jeter des pierres...

E C’est-à-dire qu’en dehors de l’apprentissage, vous, vous vous en occupez...

P Sincèrement, Ça c’est clair, j’ai jamais démissionné de mon rôle.

E En tant que père, vous disiez tout à l’heure vous êtes partis à la foire internationale, vous les avez emmenées...

P Non, par contre là je ne les ai pas emmenées, un truc comme ça, c’est crevant pour elle, c’est plus une corvée pour tout le monde, une corvée pour elle, une corvée pour nous et puis malgré ça, ça nous fait du bien à tous deux de se retrouver un petit peu sans les enfants. Pas tout le temps, tout le temps, mais une fois de temps en temps ça fait du bien... Ça fait un peu d’oxygène... faut se donner un petit peu de loisirs à nous aussi, il ne faut pas vivre que pour les enfants, il faut vivre aussi pour nous. Tout en étant très accro aux filles, on ne peut pas vivre que pour elles, parce qu’un moment elles, elles partiront et puis nous on sera tous les deux. A partir de là, faut qu’elles comprennent bien que y’a eux, y’a nous, qu’on peut tout ça mettre ensemble, mais un moment donné, de temps en temps aussi, un petit peu, laisser un petit peu d’air à tout le monde.

E Mise a part qu’elle aime bien lire, est-ce qu’elle aime bien écrire, dessiner ?

P Là, dessiner, elle n’arrête pas. De toute façon quand elle laisse tomber un bouquin c’est pour dessiner ou pour... je lui ai filé une petite règle avec des crayons. Elle s’amuse à tirer des traits, elle fait des choses de.... j’ai vu l’autre fois. Elle dit : « tiens je vais faire un truc pour papy Michel  », mon beau-père, elle a fait un petit truc, c’était niquel, c’était bien.

E Ça fait longtemps qu’elle le fait ça ?

P Oui... depuis qu’elle sait tenir un crayon pratiquement.

E C’est-à-dire ?

P Depuis l’âge de deux ans à peu près. Quand elle était toute petit, on partait en vacances, on écrivait une petite carte à sa marraine, fallait qu’elle... on lui prenait la main et puis petit à petit, comme ça, on lui a appris à faire des mots quoi. Chaque fois c’était comme ça.... Ça réjouit tout le monde, et c’est comme ça que ça vient petit à petit.

E Elle aime bien dessiner ?

P Elle aime bien dessiner, elle aime bien écrire, elle aime bien tout ce qui est un petit peu scolaire. Tout ce qu’elle apprend à l’école, elle le reproduit à la maison.

E A quoi joue-t-elle ?

P Elle aime bien les légos. Les légos, les poupées, autrement elle joue à la maîtresse. Ah bah ça, elle joue à la maîtresse. Et puis c’est elle la maîtresse, elle s’imagine des enfants plein la classe, dès fois elle gronde, dès fois elle explique, dès fois c’est même marrant parce que « A qui elle parle comme ça » et en fait, elle joue à la maîtresse.

E Est-ce qu’elle aime les jeux de société ?

P Oui, elle aime bien les petits chevaux. Mais comme elle n’aime pas perdre, elle a tendance à tricher. Moi je ne veux pas jouer car j’ai horreur des tricheurs mais après tout, on ne gagne pas toujours à chaque fois, j’aime pas qu’on triche.

E Elle joue aux cartes autrement ?

P Très peu. Un petit peu des 7 familles mais ça la lasse vite quoi. C’est non, ça doit pas être assez speed pour elle, non je ne sais pas... non les cartes pas vraiment. Non, je vous dis c’est petits chevaux... elle commence à jouer à la bataille navale, avec une bataille électronique, elle commence à jouer avec. Elle a déjà compris le système comment rentrer ses positions de bateaux sur ordinateur, donc déjà c’est pas trop mal.

E Vous jouez avec elle quand elle joue à ça.

P En principe oui. Je joue quand, soit je joue avec Audrey contre ma femme, soit c’est ma femme qui joue contre moi avec Audrey.

E D’accord vous jouez ensemble. En dehors de la bataille navale, ça vous arrive souvent de jouer ensemble ?

P Oui, souvent, oui !.

E C’est-à-dire, une fois par semaine...

P C’est pareil, y’a pas de régularité, quand on a un petit moment. Deux ou Trois fois par semaine quand même, j’essaye de passer du temps avec elle parce que c’est important. A tous les niveaux. Aussi bien au niveau jeu, quand c’est le moment de faire des jeux, on fait des jeux, quand c’est le moment de faire des devoirs, on fait les devoirs. Ça reste relativement fréquent..

E .... une grande présence...

P Oui, ça demande du boulot d’avoir des enfants, c’est pas de tout de les faire et de les laisser tomber. Moi c’est ma philosophie à moi, maintenant celui qui pense différemment, ça les regarde, je trouve que c’est vachement important de... quelque part, c’est quand même, je dirai... glorifiant. On les voit grandir, on voit ce que cela devient, quand on se déplace, les gens ont tendance à nous faire des compliments. On peut être deux heures à table, elles sont relativement disciplinées. Bien sûr, faut pas leur demander de rester 6 heures à table les bras croisés, ça c’est pas question... Quand on se déplace et qu’on va manger chez des gens, ça se passe relativement bien parce que... y’a ça aussi, y’a pas que dans la cellule familiale, on se déplace beaucoup, on a beaucoup d’amis donc... mais c’est vrai quelque part c’est glorifiant. On a été chez des gens dernièrement, il était temps qu’on s’en aille parce que les gamins à eux je ne les supportais pas, vraiment des teignes. Mais bon... est-ce qu’ils sont teignes parce qu’ils ne passent pas assez de temps avec eux, ou est-ce qu’ils sont teignes parce qu’ils leur cèdent de trop, on ne sait pas en fait, c’est difficile de juger, on sait que le résultat il est là. Pourquoi...

E Ce que vous évoquez c’est que la présence des adultes est importante pour les enfants...

P Tout à fait, c’est pas seulement la présence des adultes, c’est la présence des parents. Parce que je vois le cas des enfants dont les parents sont divorcés, c’est beaucoup plus difficile pour eux que les parents qui sont ensemble, moi j’ai mon beau-frère qui s’est mis avec quelqu’un qui est divorcé et c’est vrai que cette femme là a beaucoup de soucis avec ses enfants parce que justement ils ont mal subi le choc que ça peut être. De ce fait là, c’est mieux de voir les parents qui sont ensemble. Maintenant je dis ça, c’est vrai que moi je n’étais pas dans leur vie, je ne sais pas ce qu’il s’est passé. Quand ça va vraiment pas, c’est peut-être mieux pour les enfants de se séparer, quoi que.. Y’a du pour et du contre, c’est chacun leur histoire, je ne juge pas.

E Quand Audrey a commencé à découvrir le livre ?

P A l’école, en maternelle, moyenne section. En petite section, ils font du barbouillage, des dessins. Elle a commencé vraiment à découvrir le livre en moyenne section. C’est intéressant parce que comme y’avait le bibliobus qui passait, malheureusement il ne passera plus, trop vieux, trop de frais de réparation, et... il ne passera plus, parce que c’était marrant, toutes les semaines elle avait son petit livre le week-end et c’était une grande fierté, la fête, d'amener un livre à la maison.

E C’est vrai que ça l’a intéressée.

P Oui, ça l’a intéressé, et puis... du fait comme on voyait qu’elle était intéressée, moi je lis pas mal aussi donc, on n’a rien empêché, au contraire, on a laissé faire, je crois que cela n’était pas trop mal, et le résultat il est à peu près là.

E Est-ce que vous écrivez ?

P Comment ça ?... pour envoyer une lettre à des copains, des trucs comme ça ?.

E Oui...

P Je suis téléphone, j’écris très peu. Je sais faire un courrier à une administration des choses comme ça, mais mes potes, c’est surtout le téléphone.

E Et votre femme elle écrit ?

P Non plus. Elle file son petit bonhomme de chemin tranquille.

E Avez-vous un répertoire téléphonique ?

P Oui, j’ai un répertoire téléphonique mais..... j’ai une bonne mémoire.

E Les courses, une liste ?

P C’est pareil, c’est un peu au hasard. On va regarder dans les placards, on va voir il manque ça, ça et ça et puis arrivé dans le magasin, on va compléter ça.

E Vous suivez vos comptes ?

P C’est ma femme qui fait ça.

E Est-ce qu’elle note ?

P Tout le temps, oui. Avec les petits salaires qu’on fait. On n’a pas trop le droit aux écarts.

E Elle n’attend pas le relevé.

P Non. Dès qu’elle fait un chèque, ou une CB, elle note tout de suite, comme ça on est toujours à jour dans les comptes quoi.

E Vous partez en vacances ?

P On est parti une semaine.

E Faites-vous une liste des choses à emporter ?

P Non. Tout de mémoire.

E Un agenda ?

P Jamais, c’est mon calendrier qui est là. On est au téléphone, les copains demandent « qu’est-ce que tu fais ce week-end », « bien, j’ai encore rien, faut voir  », on s’appelle.

E Vous mettez des post-it.

P Oui, les post-it parce qu’en ce moment, y’a tout un tas de cinéma à faire, je ne m’en rappelle pas de tout malheureusement. J’ai une bonne mémoire mais... y’a des choses qui sont importantes à faire.

E Vous classez vos papiers administratifs ?

P Ils sont classés dans un classeur, une petite boite, un fichier quoi. Tout ce qui est classement, comptabilité, c’est plutôt ma femme.

E Les photos ?

P Je prends des photos. C’est le seul endroit où c’est le vrai bazar, on cherche...

E Vous ne les rangez pas ?

P Non. Elles sont dans un carton, bien conservé, les pochettes sont toutes à la file, on ne sait pas, par exemple si on veut retrouver les photos des vacances 95.... galère. Les photos ce n’est pas important. Quand on a envie de voir les photos, on prend le carton et « Tiens... », les photos classées, franchement je ne vois pas l’intérêt. Les souvenirs c’est dans la tête.

E Ça vous arrive avec votre épouse d’écrire des petits mots sur la table ?

P Oui mais rarement, mais ça nous arrive.

(coupure magnéto)

E Est-ce qu’Audrey regarde la télévision ?

P Oui, mais ça dépend quoi et je ne la laisse pas tout regarder, y’a des choses qui ne sont pas... les émissions le matin à 7h30, on a plutôt tendance à prendre le petit déjeuner sympa que plutôt de prendre le machin avec la télé dès le matin, non. Et puis, je vois par exemple, sans vouloir faire de prosélytisme, je dirai, y’a des chaînes de télévision, TF1 en autre, ils appellent ça des dessins animés, vraiment. J’aime mieux les petites émissions FR3 parce qu’on retrouve encore les petites choses comme le manège enchanté... Hier soir on a regardé Beethoven, c’est l’histoire d’un chien...

E Vous avez une collection importante de vidéo...

P De vidéo oui. Quand je ne suis pas à lire, je suis devant ma vidéo moi. Parce que les films à la télé c’est pas toujours.

E Ce sont des vidéos que vous achetez ?

P Non pas toutes, non, y’a quand même quelques unes que j’ai enregistrées mais y’a beaucoup de cassettes que j’ai achetées. J’en ai pas beaucoup, j’en ai 200 et quelque en tout...

E Et vous contrôlez ce qu'elle...

P J’essaye de contrôler, oui. Mais ce n’est pas toujours facile, dès fois, on se dit tiens ça peut être sympa et on se trouve devant le fait accompli... les trucs de Power-Rangers.

Audrey J’aime bien les Power-Rangers.

P Non, c’est pas pour toi, c’est trop violent. .....

E Vous vérifiez qu’elle ne regarde pas n’importe quoi.

P Oui, tout à fait. Y’a des films qui sont vraiment pas pour elle quoi. Dès fois elle me demande de mettre une cassette, elle choisit et je mets ou pas..... Y'a des films qui ne sont pas pour elle, vaut mieux éviter.

E Règles d’éducation ?

P Oui, y’a des trucs où je suis complètement intransigeant. Quand on arrive quelque part, l’obligation c’est de dire bonjour, au revoir, merci. Là dessus je suis intransigeant et je ne fais pas de cadeau. Ça arrive dès fois qu’on soit puni à cause de ça, hein mademoiselle. Si il n’y a pas de « s’il te plaît », on ne donne rien, c’est tout de suite réglé.

E Pour vous c’est important pour l’enfant.

P C’est important pour l’enfant, c’est important pour nous, c’est important pour... c’est le respect des autres, ça englobe tout ça, plein de chose, dont le respect, pour moi c’est vachement important de respecter les autres.

E Ça vous arrive de rencontrer l’institutrice ?

P Régulièrement je vais la voir pour savoir comment ça se passe. Régulièrement. Pour Coralline, je n’ai pas trop de souci, je suis assez au courant puisque je fais partie du conseil de l’école. Ah ! Si ! Si ! L’institutrice je vais la voir souvent.

E C’est-à-dire.

P Au moins une fois par mois, dès fois deux. Quand il y a des soirs où les devoirs sont un peu compliqués, où je ne comprends pas exactement ce qu’il y a à faire, les histoires de fiches, Je vais voir la maîtresse pour qu'elle m'explique...Je lui explique que les devoirs n’auront peu être pas de bons résultats parce que je n’ai pas compris.

E Vous allez la voir spontanément pour discuter avec elle.

P Oui, spontanément.

E Y’a un rapport de confiance.

P Oui, tout-à-fait. Surtout là que, là j’étais la voir un peu plus, là elle est remplaçante. Comment elle s’appelle ta maîtresse ?

Audrey Nathalie.

P Elle a remplacé Anne qui est enceinte. Donc là y’a eu un petit moment de flottement et puis ça c’est résorbé. C’est vrai quand on change d’instit, c’est pas forcément évident pour un enfant, faut qu’il reprenne des repères qui sont différents de celui qu’il avait avant. Y’a des petits flottements, j’en ai parlé avec elle et y’a pas de souci.

E Votre femme y va.

P Oui, aussi régulièrement. Souvent on y va ensemble, le soir, quand on est là tous les deux. On se met un jour où on est là tous les deux et on y va ensemble.

E C’est important pour vous.

P Oui, parce que si on attend qu’elle nous convoque, bien souvent c’est trop tard. Il convoque, ici, elle nous convoque quand ça va mal. Et quand ça va mal, c’est pas bien, c’est parce qu’un truc a pas été fait, ou mal fait et puis, généralement c’est trop tard.

E De rencontrer l’enseignant de façon régulière c’est important...

P Oui, ça permet de voir comment l’enfant évolue, ça permet de voir comment ça se passe dans la classe. Dans quel contexte, elle travaille. C’est important aussi. C’est pas le tout de faire n’importe quoi. J’admets dès fois que je suis peut-être un peu chiant. Elle n’a peut-être pas forcément le temps, l’envie... c’est pas que j’ai l’impression que je dérange mais c’est pas forcément facile à ce moment là mais c’est le seul jour où je peux y aller.

E Et vous pensez que c’est important d’y aller pour suivre votre enfant.

P Tout à fait. C’est toujours dans l’esprit du suivi.

E Qui décide de l’organisation ?

P Tous les deux. On discute, dès fois elle n’est pas d’accord, donc on discute encore plus. C’est à savoir qui va gagner son bout de gras quoi. C’est tous les deux, on décide ensemble. Il est pas question, si par exemple elle prend une décision et que ça ne me plaît pas il n’est pas question de le faire quand j’ai le dos tourné. Si par exemple, elle décide de les emmener au zoo par exemple et que moi je ne suis pas d’accord pour y aller parce qu’elles n’ont pas été bien sages ou x raison, et que je ne suis pas d’accord, on est discute, mais elle n’aurait pas idée d’y aller sans que je sois d’accord, et à l’inverse moi c’est pareil.

E Autre chose à rajouter ?

P Non, je n’ai pas grand chose à ajouter. Je crois que j’ai tout dit.

P Ce qui est bien, je ne sais pas comment sont les autres, mais ici ils sont très attentifs aux parents et je trouve que ça c’est bien. Ils sont toujours disponibles, on va les voir...

E C’est important que l’école soit disponible aux parents.

P Oui, parce que si, par exemple, il faut prendre rendez-vous, ça rebute un peu. Rendez-vous ça fait officiel, beaucoup moins... ça fait officiel, beaucoup moins spontané. J’aime bien voir les gens à l’improviste, c’est généralement comme ça qui sont naturels. J’aime pas les gens, les hypocrites, les gens comme ça. Quand on va les voir, il faut prendre rendez-vous, comme ça ils ont le temps de préparer leur réponse.

E Vous sentez un manque de convivialité.

P Oui, c’est ça, j’aime bien que les gens sont spontanés. Quand on a envie de me dire « merde », c’est pareil, faut me dire « merde ».

Audrey : « je vous emmerde »...

P bah ! Audrey , voyons ! C’est pas nécessaire de répéter toutes les bêtises que je dis (rires)

E L’école est inscrite dans la vie de tous les jours...

P Pour moi l’école c’est important que ce soit un élargissement du cercle familial. C’est pas inclus dedans... c’est frontière... je ne trouve pas mes mots.

E C’est lié.

P Oui, c’est lié, tout à fait. Pour moi un élève qui se comporterait mal dans son milieu scolaire, il se comporte mal, ou il y a quelque chose qui ne va pas dans le milieu familial parce que tout est lié

E Ça vous paraît une évidence.

P C’est flagrant. C’est sûr un enfant qui a des parents équilibrés ne se comportera pas du tout comme un enfant qui malheureusement a des parents alcooliques ou des parents violents. Il n’aura pas du tout les mêmes réactions, ça c’est clair. Généralement les enfants qui sont en grande difficulté, généralement c’est parce que le milieu familial n’est pas terrible. Nous ce qu’on essaye d’éviter, c’est ça, d’avoir une vie de famille relativement posée de façon à ce que les enfants soient moins stressés à l’école, moins...

E Redoublement de classe ?

P Primaire, non. J’ai redoublé ma 5 ème. J’étais un élève un peu pénible. Je travaillais très bien à l’école mais j’étais ce qu’on appelle un indiscipliné. J’ai toujours eu horreur de la hiérarchie et ça ne me plaisait pas. J’étais relativement dur en discipline mais par contre j’ai toujours eu de très bons résultats sauf en 5 ème c’est l’année où je me suis retrouvé pensionnaire donc, ça a été un peu dur, j’ai eu du mal à accepter ça...

E Et votre femme ?

P J’en sais rien.

E Année de naissance.

P Moi en 66 (32 ans) et ma femme en 67 (31 ans).

E Revenu familial ?

P Entre 5 et 10000.

E Diplômes ?

P J’en ai une pleine valise. un CAP de mécanicien auto, Certificat de capacité de cariste, Certificat de capacité pompier, j’ai un Brevet de formation magasinier en valeur, c’est tout je crois que c’est déjà pas mal.

E Votre femme ?

P BEP commerce et horticulture.

E Après le Brevet des collèges.

P Moi, c’était un cas. J’ai arrêté les cours normaux en 4 ème et j’ai fait un CAP de mécanique auto à la Joliverie. Ils ne voulaient plus de moi...

E Actuellement vous êtes intérimaire...

P Intérimaire dans l’industrie. En ce moment, je fais des remplacements par ci par là. Le gros du boulot c’est de l’intérim en industrie.

E Votre femme, vendeuse...

P Son titre exact sur son bulletin de salaire, c’est employé libre service, c’est plutôt fleuriste. Elle a un magasin, elle est pas responsable mais c’est comme si. C’est elle qui prépare ses commandes, ses compositions, qui fait... Ce matin, quand je l’ai livré, elle avait un deuil à faire... c’est elle qui fait tout ça.

E Je pense qu'on a fait le tout des questions, Je vous remercie de votre participation.

* *

Avis de l'enseignante sur l'enfant et sa famille

Entretien N° 42 enfant JYLO Audrey

E Donne un avis sur la petite Audrey

I En math, elle a plus de mal. La lecture, elle était vraiment motivée. Elle se sert de la lecture comme un moyen Elle l'utilise pour se débrouiller toute seule. Je vois par exemple, comme je travaille avec les CE2 puisque c'est une classe CP CE2, Elle suit un petit peu ce que je fais avec les CE2. Je les mets en travail autonome, elle ne vient pas me voir en me demandant " Qu'est ce qu'il faut faire ici ?" elle lit les consignes Elle est vraiment autonome.

E Au niveau de la famille, quel est ton aperçu?

I Je n'ai pas de problème avec ces gens là. J'ai aperçu une fois la maman, mais j'ai vu régulièrement le papa à la sortie de l'école. Pas très très longtemps mais il vient, il demande si ça va. Quand il a quelque chose à me dire, il met un mot dans le cahier de liaison. Ca se passe bien, je crois que les......

E C'est le papa qui se manifeste davantage que la maman?

I Je n'ai croisé la maman qu'une fois pour qu'elle me dise que l'enfant était malade. Autrement, c'est toujours le papa que je vois. Ca se passe très bien.

E Quel est ton sentiment par rapport à cela ?

I Je sais que lui aime bien lire et peut-être le fait que sa fille lise beaucoup. Audrey, ma dit que sa maman n'aimait pas trop lire. Je ne sais pas le rapport........ je ne sais pas.

E Pour revenir à Audrey, qu'est ce qui fait que ça marche pour elle?

I Je crois qu'elle est très très motivée. Et elle a envie et je pense que quand un enfant a envie normalement, je ne sais pas mais...

E Tu penses que Audrey est une enfant qui est motivée?

I Oui.

E Et qu'est ce qui la motive d'après toi?

I je ne sais pas....... Elle voit son papa lire. Elle est intéressé par les livres. Par exemple, pour les CE2, j'avais installé un petit système de présentation de livres le mois dernier. Alors, en fait, ils avaient chacun un livre à prendre et il le présentait le matin. Ca durait 5 à 10 minutes à l'ensemble de la classe. En fait , les CP n'ont pas ce travail. Ils ont écouté chaque fois la présentation du livre. En fait, je me suis aperçu avec la jeune femme qui s'occupe de la B C D que les CP reprenaient les livres que les CE2 avaient présentés. Donc je vois bien qu'il y a un intérêt et Audrey me dit, je les ai relus ou je les relisais avec papa.

E Oui, penses-tu qu'il y a donc un soutien familial.

I Oui Oui

E la famille d'Audrey participe-t-elle à la vie de l'école ?

I le papa nous a accompagnés plusieurs fois en sortie scolaire. Autrement je ne vois pas. Dès que je lui demande et s'il est disponible, il est présent.