Entretien n° 46 avec Famille LEGARDE

Le 8 mai 1998

E Quand je vous dis le terme apprentissage de la lecture, qu’est-ce que cela évoque pour vous ?

M Pour moi ça évoque, rentrer dans le livre, donc en fait, avoir envie de lire, avoir envie de lire. Je dirais en amont du CP, de la classe où on apprend à lire. C’est des choses qui peuvent se passer aussi bien au niveau de la famille, si y’a cette possibilité là pour les enfants, d’aller à la bibliothèque, de prendre des livres... un moment pour les enfants pour prendre cette habitude là parce qu’on aime bien lire et ça peut-être aussi en classe, à l’école maternelle, en amont, c’est aussi ça, ce contact avec le livre, avoir entendu plein d’histoires, savoir ce que c’est qu’un livre, avoir envie d’aller en chercher pour telle ou telle raison parce qu’on a envie de se documenter ou parce qu’on a envie de connaître l’histoire etc. C’est ça apprendra à lire... enfin je vois ça en amont de l’apprentissage proprement dit. Le mot apprentissage c’est peut-être un côté un peu laborieux, dans le sens on va commencer à apprendre à lire mais je vois ça bien avant quoi.

E Quand vous dites « apprentissage laborieux », qu’est-ce que cela veut dire ?

M Parce que... on imagine toujours le CP, y’a tout un tas d’idée par rapport au CP, le CP c’est la classe où on va apprendre à lire, donc le B A BA en quelque sorte, la technique. Alors, je trouve qu’il y a des tas d’idées un peu fausses parce qu’on transmet... Un enfant par exemple, en décembre, va lire. Moi-même pour mes enfants, je ne suis fait piéger par ça. Je me suis dit : « en décembre, ils vont être capables de ... », lire pour moi c’était aussi sortir de la méthode de lecture, aussi c’était aller chercher des livres, avoir envie de lire et en fait c’est vrai que c’est un apprentissage, quand on parle de cycle, qui se fait sur trois années et qui, voir avant et après. Mais je trouve que le CP, ça reste pour beaucoup de gens, et moi je me suis laissée aussi prendre par ça, la classe où on va apprendre à lire, on va se coltiner l’apprentissage lui-même.

E Pour vous, fondamentalement c’est pas ça ?

M Non, mais j’ai l’impression quand même que l’école, en tout cas, ce que j’ai ressenti pour les enfants qui sont passés au CP et pour moi ce que je vois aussi dans les CP où je suis passée, ça reste le CP, tout tourne autour de la lecture en CP, mais je dirais la lecture le côté un peu laborieux de la lecture. Malgré tout.

E Et ce n’est pas dans votre penchant naturel ?

M Non, ce n’est pas dans mon penchant naturel et je trouve ça dommage. Parce que je crains... je vois un peu que le CP souvent tuerait presque l’envie de lire qui a peut-être été mise en place avant, qui sera peut-être après... parce que c’est très dur en fait d’apprendre à lire pour un enfant, je pense que c’est quelque chose d’extrêmement difficile, de fastidieux. C’est dur dans le sens que ça leur demande une contrainte. De la manière où s’est aussi fait, d’écoute, d’attention, un saut énorme aussi entre la grande section et le CP et moi je trouve que c’est plus souvent vécu comme une contrainte pour les enfants alors que peut-être, peut-être... non, bien sûr il faut passer sans doute par une étape de contrainte, c’est peut-être un passage obligé, mais y’a quand même l’aspect livre et tout qui reste chouette, et je me dis peut-être que les enfants qui à la maison vont réussir à se récupérer, j’espère que d’autres ne seront pas être dégoûtés, quoi.. ou mettre plus de temps... je ne sais pas comment exprimer cela. J’ai peur que la méthode en elle-même, la méthode d’apprentissage ne donne plus envie de lire quoi.

E Pour quelle raison ?

M Parce que c’est très souvent fastidieux dans le sens où c’est... très très... c’est vraiment étape par étape. Une méthode de lecture, les enfants, ils en mangent, en tout cas celle que mes enfants côtoient de la grande section.. ça peut paraître un côté amusant, mais jusqu’à la fin du CP, c’est long quand même et donc... par exemple, ils n’ont pas plaisir à lire le soir, leur livre de lecture mais par contre ils vont avoir envie de prendre d’autres livres donc je ne focalise pas trop sur : « est-ce qu’ils ont bien lu la page tant etc. ». Et puis c’est fastidieux, tout tourne autour de ça quoi. Une méthode souvent... y’a les mots de la méthode, y’a les exercices autour de la méthode, y’a l’écrit autour de la méthode, on n’en sort pas. Je dirais que les productions qui sont décrits, limités aux mots de la méthode de lecture... et souvent les enfants n’osent pas écrire des mots qu’ils ne savent pas orthographier ou... Pour moi, j’aimerais, qu’il n’y ait pas un décalage entre l’envie de lire et l’apprentissage de la lecture.

E Pour vous, il se passe bien des choses avant le CP ?

M Oui, je pense et je pense qu’elles sont importantes.

E Vous pouvez dire un petit peu plus ..

M Il se passe des choses. Si je me dis que si l’enfant a déjà rencontré les livres, on a déjà créé cette envie d’aller voir un petit peu plus loin dans le livre, peut-être plus facilement je dirais, un petit peu se coltiner cet apprentissage laborieux parce que il se dit après tout, il va pouvoir lire aussi des choses qu’ont lui a racontées. Là je pense que c’est important. Y’a aussi en grande section un travail à faire sûrement... mais je ne dirais pas qu’il faut apprendre à lire en grande section aux enfants mais... des jeux sur les sons, les choses qui vont les aider à aborder la lecture de façon... qu’on ne commence pas à zéro, qui peuvent être faites de façon plus ludique parce que les instits sont moins souvent... « il faudra qu’il sache lire à la fin »; ça pourrait être fait de façon très ludique au CP, quoi... C'est peut-être fait aussi, il ne faut pas que je caricature, ce qu’il se passe avant oui, c’est ça , ça peut être des jeux, chercher un livre dans une bibliothèque, par rapport à un titre, discriminer un titre avec juste quelques lettres qui changent. Y’a plein de petites choses qu’on peut faire.

E Et pour Corentin, comment ça s’est passé ?

M Pour Corentin en fait, il a toujours aimé être dans les livres. Il a toujours eu envie qu’on lui raconte des histoires. C’est peut-être ça qui me fait dire tout ce que je dis là. Mais alors pour lui, le CP, c’est une vraie contrainte. C’est... il a pas tellement envie d’aller à l’école même si...

Corentin Maman, tu as vu mon avion.

E Bonjour Corentin, on s’est vu... avant les vacances de Pâques. C’est toi qui as fait l’avion, tout seul ?

Corentin On m’a un peu aidé pour faire le trou là.

E Et comment tu as scié ?

Corentin Avec une scie électrique. C’est papa... J’ai vu le morceau comme ça et je me suis dit que cela ressemblait un peu à un avion.

E Pour Corentin, comme s’est passé la lecture ?

M Je dirais, j’ai eu l’impression qu’en fait, il a suivi pas à pas... il est discipliné, en général, il fait ce qu’on lui demande donc, c’est un peu sa manière de fonctionner, c'est peut-être pas tous les enfants. Il a suivi pas à pas la méthode et j’ai l’impression que maintenant ça commence à décoller, il a envie de lire des choses en dehors du livre mais il y a peut-être eu quand même une saturation... de Boule et Bill, de la méthode annuelle quoi.

E C’est la méthode Boule et Bill.

M Oui. Donc c’est des personnages... au départ ça paraissait ludique et tout, mais comme c’est une méthode qui commençait déjà dès la grande section, je peux comprendre qu’au milieu du CP quand ça tourne qu’autour de ces personnages là, les mots, de la méthode, cela soit un peu fastidieux. Et le plaisir de prendre le livre de lecture de Boule et Bill, le soir,... il oublie complètement qu’il a de la lecture à faire avec mais comme il a d’autres lectures, d’autres choses pour essayer pour qu'on lui raconte des histoires...

E Avant la grande section et le CP ?

M Avant la grande section... j’ai du mal en fait.... je ne suis pas quelqu’un qui va trop chercher à savoir ce qui se passe à l’école, dans la classe... je vois un peu ce qui se passe à la maison. Je le voyais qu'il avait envie qu'on lui raconte des histoires... pour moi, ça me suffisait.

E Il aime qu’on lui raconte des histoires ?

M Oh oui encore. C’est vrai qu’il me reproche de ne pas lui raconter assez...

E Quand vous dites raconter, c’est lire des histoires...

M Lire des histoires, ils ont la chance d’avoir une mamie qui est conteuse alors ils entendent des histoires sans le livre de temps en temps. Ils aiment ça. Je trouve pas mal de cassettes à écouter aussi. Il aime les histoires ça c’est sûr. Mais je pense, pour le moment, lire un livre tout seul, je vois pour Marine, ce n’était pas venu avant le début de CE1, je dirais le plaisir de prendre un livre et... il faut que tout le reste soit dégrossi, j'ai l'impression.

E Vous avez pris l’habitude de lire régulièrement des histoires avec Corentin ?

M C’est pas habituel, pas un rituel le soir, mais c’est régulier quand même.

E Une fois par semaine ?

M Deux trois fois quand même. Et avec son papa ils vont à la bibliothèque souvent et là en général en revenant...

E Quand vous dites souvent ?

Corentin Tous les samedis

M Un moment c’était presque tous les samedis à la médiathèque et un moment ils en ont eu marre. Après ils y allaient plus. Maintenant ils y vont quand ils ont envie. C’était presque trop régulier.

E Il a connu le livre vers quel âge ?

M Toujours. L’aînée, Marine à 9 ans. Corentin tout petit, il tournait minutieusement les pages des livres. mais, tous ils le faisaient. Et moi, j’ai toujours eu des livres en fait, je me suis fait offrir des livres pour enfants depuis que j’ai 20 ans, j’ai toujours ici des livres que j’aime bien. C'est chouette, ils ont toujours eu des livres ici.

E Vous avez beaucoup de livres ?

M Pas mal.

E C’est-à-dire ?

M Une centaine de livres pour enfants, qu’on aime bien. Ils sont aussi abonnés à des revues. Y’a aussi « histoire de lire » qui arrive tous les mois. Y’a « j’aime lire », y’a « Youpi ». On a eu les « belles histoires »...

E Ça vient en plus...

M Voilà.

E Et Corentin est abonné depuis...

M ... ils ont toujours été abonnés. Y’a eu "Popi", c'était quand tu avais 2 ans... comme ils sont trois en plus et aussi, ils nous voient lire... moi je lis moins, mon mari lit beaucoup, plein de livres de toutes sortes, j’ai l’impression qu’il baigne dedans depuis toujours sans que ce soit non plus, je ne suis pas quelqu’un avec des rites et tout, c’est pas régulier, ni obligatoire, ni rien. Y’a des livres à la maison et quand ils ont envie, on leur en raconte.

E C’est quelque chose de naturel ?

M Oui, je pense que c’est quelque assez naturel. Je dis pas que le soir pour moi raconter une histoire ça peut être l’heure de la contrainte quand il y a eu la journée de classe avant, y’a eu autre chose mais ça dépend, y’a des histoires qu’on aime plus ou moins, qu’on va raconter avec plus de plaisir. C’est la contrainte avant de la raconter et après on se prend vite dans le jeu...

E Tout genre de livres ?

M Tout genre de livres. Dernièrement on a rencontré Claude Ponti à la bibliothèque " aux enfants terribles", on a racheté un livre de Claude Ponti. C’est assez spécial comme manière... comme scénario, Corentin aime bien. C’est des livres assez..................... Y’a toute une série. C’est un petit peu fantastique quelque part, Corentin aime bien. Sinon dernièrement, qu’est-ce qu’on a acheté...

E Vous achetez régulièrement des livres ?

M J’en achète. J’aime bien. Je commence à acheter quelques romans pour Marine, l’aînée qui a neuf ans mais qui commence tout juste à avoir envie de lire des livres je dirais en dehors de l’album. Je pense qu’à un moment donné, l’enfant... c’est peut-être par ma formation, j’ai fait attention à ne pas leur proposer des livres trop difficiles à lire tout seul, à les inciter trop tôt à lire des livres tout seul trop dur. Par exemple, le mini roman sans images et tout. Ça ne me dérange pas du tout que Marine elle continue à lire des albums par exemple ou bien « J’aime lire » parce que ça reste assez facile parce que finalement j’ai l’impression, que c’est normal qu’un enfant ait peur de l’histoire un peu longue et tout et qu’il vaut peut-être mieux lire des choses un peu faciles et puis les lire avec plaisir que de se dégoûter par des choses trop difficiles et la contrainte des parents derrière qui a peur, qui veulent absolument que l’enfant lise, ou qui disent c’est pas normal qu’il ne lise pas encore etc. Je dirais que j’ai essayé que ça reste un cheminement naturel. Ici y’a toutes sortes de livres et puis après je ne vais pas chercher à savoir, ce que l’aînée par exemple va avoir envie de lire ou pas. Là elle commence, elle a reçu « fais-moi peur », c’est un livre plus gros avec des chapitres et je me suis dit tiens je vais essayer d’en trouver un autre.

E Vous vous considérez comme une famille lectrice.

M Oui, je pense. Moi c’est vrai que cette année je lis moins. Je lis pas mal de trucs pour l’école, pour la formation, j’ai moins de choses, J'en lis quand même... j’ai quand même un par mois de livre pour le plaisir, mais je pense qu’on est une famille où on lit les histoires, c'est important...

E Vous-mêmes vous lisez ?

M Oui.

E Votre mari également ?

M Oui, beaucoup. Lui, c’est sa drogue. 10 bouquins à la médiathèque et dans 15 jours il en prend 10 autres etc. Ça peut être des lectures faciles ou des lectures plus... aussi bien de la science fiction par série ou... C’est une vraie détente. La BD énormément. Pour lui c’est une vraie détente, pour moi, ça ne me manque pas forcément si je n’ai pas un livre. J’ai plaisir d’être. dans un bon livre..

E Vous avez le temps de lire ?

M Je le prends. Oui, j’essaye de m’arrêter, tant pis si le reste n’est pas fait... Quand j’ai un bon livre, je le prends, quand j’ai un mauvais livre, il peut rester trois mois... je pense qu’on est une famille où on lit. Mais c’est pas pour ça qu’ils ont su lire avant le CP, parce que je dirais, à la limite, j’ai pas cherché à ça non plus, non ils ont suivi vraiment par rapport à la méthode de lecture le cheminement classique et normal d'un enfant qui va commencer à sortir de sa méthode de lecture à la fin du CP. Parce que quelque part, je me demande si la méthode ne les ralentit pas un petit peu...

E Dans leur progression naturelle, vous y iriez jusqu'à dire cela ?.

M Oui, dans leur progression. Je pense que certains enfants vont être obligés de repasser par des étapes, ... je comprends bien, c’est démocratique à la limite... par des étapes, bon on va apprendre le son, on va reconnaître la lettre A, on va apprendre à distinguer la lettre A, et en plus y’a une hiérarchie souvent alors que naturellement y’en a pas forcément. Y’a des instits qui fonctionnent beaucoup avec l’album en classe, y’a moins cette hiérarchie et cette lourdeur là. Mais en même temps, je me dis pour des enfants qui ont plus de mal, c’est peut-être important de faire toutes ces étapes là, peut-être que l’ensemble de la classe est obligé de les suivre, et ça peut freiner certains enfants qui auraient été plus vite. Si par ailleurs, ils peuvent retrouver ce plaisir de lire ailleurs, c’est pas très grave.

E J’ai vu sur votre visage une petite moue concernant les sons...

M Moi, je suis en plus en formation actuellement. Je ne peux pas dire que j’ai expérimenté un CP. Ce que j’en dis c’est que c’est un passage obligé à un moment donné, sans doute y’a surtout des moments où il faut structurer, ...... des temps de structuration mais que quelque part si tout l’apprentissage est basé là-dessus c’est très fastidieux et certains enfants eux vont avoir des stratégies de lecture, par exemple si on prend un album et qu’on travaille sur des mots qu’on connaît, des mots qu’on connaît pas, rechercher des stratégies sur des mots qu’on ne connaît pas, faire référence à des mots et tout, là, ils sont vraiment chercheurs. Certains enfants vont piger très vite et de savoir lire simplement par ça et par moment des structurations. D’autres, non. Eux ont besoin sans doute d’un apprentissage sans doute différencié avec... revoir vraiment les sons. Certainement pas tous les enfants et pas au mois de septembre A, O, U, au mois de novembre... j’ai l’impression qu’il faut peut-être plus voir ce qu’il se passe si on essaye de se dégager d’une méthode de lecture avec des albums, voir ce qu’il se passe dans des albums qu’on a choisis au niveau des sons et peut-être faire une structuration avec d’autres supports.

E Et pour Corentin ?

M Pour Corentin, ça a été assez hiérarchisé. "Boule et Bill" C’est quand même une méthode très hiérarchisée, qui part du global mais après j’ai l’impression que c’est étape par étape.

Corentin J'en ai marre de "Boule et Bill"

M Tu en as marre de "Boule et Bill"

E Au niveau des habitudes d’écriture domestiques ? Un calendrier.

M Oui, je note très peu de choses. J’ai un planning pour moi.

E Votre mari ?

M Il se déplace beaucoup, il note ses déplacements sur un autre planning.... On écrit là... les trucs à penser.

E Liste de course ?

M Je l’oublie toujours. Je fonctionne plus à l’oral en fait.

E Liste des choses à emporter en vacances ?

M Mon mari le fait, moi non. On ne fonctionne pas du tout pareil. Lui, il liste tout, beaucoup de choses, il est très organisé...

E Papiers administratifs ?

M Mon mari oui, moi un peu moins. On est très différent.

E Comptabilité familiale ?

M On a deux comptabilités différentes. Moi je suis plus fantaisiste que lui. Pour le moment avec les deux salaires, ça fonctionne. On n’est pas obligé de tout noter.

E Répertoire téléphonique ?

M Oui, on a.

E Classez les photos ?

M Oui, on a des albums.

E C’est régulier ?

M Oui, parce que, eux, ont toujours plaisir à les regarder, donc on l’a toujours fait régulièrement.

E Entre le mari et la femme, est-ce que vous faites des petits mots quotidiens ?

M Très souvent, quand il s’en va, il met un petit mot pour la famille, pour moi, pour les enfants. Ou simplement « au revoir », ou « gros bisou » ou une petite blague. Il le fait. Plus lui, parce qu’il s’en va. C’est pas des choses utilitaires, c’est plus des choses ludiques ou...

E Une marque affective.

M Voilà, plus comme ça. Plus qu’utilitaire... ou si par exemple il faut aller chercher la voiture au garage, il va le noter mais ce n’est pas que ça.

E A quoi joue Corentin ?

M ( s'adressant à l'enfant) En ce moment tu es dans les jeux construction. Il aime bien bidouiller, les jeux électriques...

E Je vois que tu aimes bien bricoler.

C Là tu as découvert le « K'NEX », c’est un espèce de jeu d’assemblage, assez complexe. Il s’est fait un avion gigantesque ...... , il a peut-être mis deux mois à le faire mais étape par étape.

E Jeux éducatifs ou société ?

M Moi, je ne suis pas très branchée là-dessus. Ils en ont. Entre eux ils en font un petit peu mais pas tant que ça. J’avais acheté le Scrabble junior, on n’a pas tellement joué. Ils ont joué un moment donné pas mal aux mille bornes, puissance 4, mais ce n’est pas vraiment institué. Je sais qu’il y a des familles où on joue beaucoup plus aux jeux de société.

E Vous jouez avec les enfants autrement ?

M Je ne joue pas tellement avec les enfants. Je me rends compte que eux entre eux ils jouent beaucoup, ils s’inventent des tas d’histoires, des jeux... ils jouent beaucoup « à l’école », pourtant je ne suis pas leur maîtresse... ils ont la chance d’avoir une salle où ils ont des petits bureaux, ils peuvent faire ce qu’ils veulent, ils peuvent bricoler comme ils veulent, plein, plein de trucs, des petits papiers, des trucs qui gardent

(l'enfant arrive avec l'avion qu'il a construit...)...

E Tu as fait un bel avion, tu l’as fait tout seul ?

Corentin Avec un modèle.

E Oui, mais tout seul.

Corentin Oui. Sauf si il y avait des pièces difficiles à mettre.

M Qui te les a mis ?

C Papa. Mais après c’est moi qui ait tout placé.

M Il a peut-être demandé à Clotilde, c’est une jeune fille qui vient le soir pendant 1 heure. Car je suis en stage de responsabilité dans une école, plus loin, à CASAN, donc y’a quelqu’un. Sinon, y’avait quelqu’un le mercredi cette année, parce que j’étais à l’IUFM. En général je suis là aux heures de sorties. Ils ont un peu de garderie. Le soir, ils jouent beaucoup entre eux, ils ne me demandent pas tellement pour venir jouer avec eux. Peut-être aussi parce que je ne cherche pas à ce qui me le demande aussi.

E La fratrie est importante.

M Oui, ils se disputent aussi bien mais... ils inventent des trucs, Marine invente des jeux de piste, y’a plein de trucs écrits...

E Marine est-elle présente ?...

M Elle est un peu leader quand même, elle invente pas mal de jeux, ce sera les courses au trésor, où il y aura des messages à ... elle est un peu leader Marine, hein...

Corentin OOOui.

M C’est plutôt elle qui mène.

E La télévision ?

M Les règles, parce qu’il y a des règles.

E Vous établissez des règles.

M Oui, y’a pas de télévision quand il y a école le lendemain déjà. Le week-end, ils peuvent regarder les dessins animés un petit peu le matin, ce matin ils ont regardé une heure et puis dès fois en fin d’après-midi il peut y avoir une cassette, soit qu’on va louer, ou qu’on va prendre à la médiathèque. En gros, quand il y a l’école le lendemain y’a 0 télévision, sinon ça va jusqu’à... une cassette c’est assez long... deux heures dans la journée. C’est vrai quand ils savent qu’il n’y a pas d’école le lendemain, systématiquement, en rentrant de l’école ils réclament. C’est un sas de décompression, mais y’en a jamais le matin avant d’aller à l’école. Et puis jamais le soir quand y’a d’école le lendemain.

Corentin Si maman, le mercredi.

M Le soir, le mercredi ça arrive. D’autant plus que depuis deux ans je suis assez pas mal prise. C’est arrivé que j’aille bosser quand eux regardent une cassette mais bon... c’est jamais plus d’une cassette par jour. On fonctionne souvent avec le magnétoscope

Corentin Souvent deux fois dans la journée la télé.

E La télévision c’est quelque chose de contrôler ?

M Oui, complètement. J’espère qu’elle le restera un moment. Ils écoutent aussi pas mal de disques, d’histoires sur cassettes, j’essaye, ils aiment aussi...

E C’est après le travail du soir...

M C’est jamais très régulier. C’est vrai que le travail du soir, moi j’ai du mal à faire avec eux, peut-être parce j’en entends toute la journée à l’école et c’est mon métier. Et j’ai pas l’impression que ce soit mon rôle de maman, enfin... je pousse peut-être loin... mais Marine le fait avec son père le week-end le travail du soir, elle fonctionne très très bien à l’école, elle est première de sa classe, je me dis, je ne mets pas de forcing, elle-même met la barre assez haut toute seule, je ne vais pas en rajouter. Elle le fait le week-end avec son père, elle peut s’avancer sur deux jours. Le mardi soir elle fait souvent à la garderie de l’école et je ne me remets pas là dedans. Et pour Corentin, y’avait que de la lecture à faire tous les soirs. Un soir sur deux, on l’oubliait. C'est pas trop sérieux, en fait, j’ai un petit peu souvent fait le travail pour qu’il ne soit pas embêté à l’école, quoi. Mais j’ai pas l’impression que ce soit ça qui le fera évoluer dans la lecture, pour lui.

E Vous pensez qu’il n’en a pas besoin.

M Je n’irai pas jusque là... il est surdoué. Non ce n’est pas ça. Quand je le vois lire autre chose, je le vois maintenant prendre un magazine, même les boites de Corn flakes, de lire ce qu’il y a dessus... je ne sais pas, j’ai pas l’impression... il faut le faire, la maîtresse l’a demandé, on ne va pas se mettre en porte-à-faux. Mais j’ai pas l’impression que ce soit très grave...

E Vous passez très peu de temps dessus...

M Non, très peu de temps. Le minimum quoi. C’est un petit peu contraignant. Et puis il a certains travaux par moment... on est toujours un peu critique quand on est du métier mais... des mots par exemple... il n’a pas trop de travail en CP, je crois que c’est bien mais y’avait quelquefois : « dessinez les mots nouveaux ». Quelquefois 15 mots nouveaux à dessiner, je comprends, c’est sous forme d’évaluation pour la maîtresse, parce qu’elle se dit : « dessinez, je sais qu’ils l’ont lu » mais tout le temps était passé au dessin finalement alors que le mot était passé en quelques secondes. Je n’ai pas toujours compris l’objectif de ça, on le fait, si c’était pas fait... c’est arrivé qu’on l’oublie, après on l’a fait quoi. La maîtresse très organisée, très structurée Je pense que c'est dans sa nature. Elle est ... assez rigide, assez dure , je pense. Je pense qu’entre la grande section et le CP, c’était difficile. Parce que fallait pas faire de bruit, parce que faut écouter, parce que... c’est tout ce côté lourd que je trouve pesant. Chacun réagit avec sa façon, sa personnalité...

E Malgré ça y’a un rapport de confiance ou pas ?

M Oui, j’ai toujours fait confiance aux instits. Et je sais que tout ne se passe pas à l’école. Je me dis qu’on a cette chance là que dans la famille ils vivent plein de choses parce... même pas de scolaire, c’est les projets qu’ils ont, nous-mêmes plein de trucs nous motivent, donc, je laisse l’école faire son travail et puis moi à la maison on vit d’autres choses et puis voilà, je fais confiance à l'école dans cette mesure là.

E L’école est complémentaire de ce qui se passe à la maison ?

M Je pense. J’espère quand même qu’elle ne tue pas l’envie d’apprendre, par moment, je vais assez loin là. Parce que je le ressens quand même assez souvent. Je ne me fais pas de soucis quand même parce que j’ai des enfants qui ont cette capacité à s’adapter à l’école, et à la maison ils découvrent autre chose. Souvent, je suis assez effarée de... Corentin il est passionné par un milliard de choses, c’est un enfant qui s’intéresse à plein de choses mais il n’a pas envie d’aller à l’école. Le bât blesse, car l’école, c'est quand même le lieu où on apprend tout ça. Alors pourquoi tu n’as pas envie ? Je ne sais pas. Maintenant ça va mieux la fin de l'année.

Corentin La maîtresse elle est trop méchante.

E Elle est trop sévère.

Corentin Oui.

E C’est ton avis.

Corentin Tout le monde dit ça dans l’école. Dans ma classe.

M Mais toi tu travailles bien, elle ne doit pas trop t’embêter ?

Corentin Bah... on n’a même pas le droit de parler, même chuchoter. Faut toujours lever le doigt. Elle dit faut dire non à quelqu’un quand il nous parle et puis quand on dit pas non, elle dit faut dire non, et puis quand elle dit non, elle nous gronde. Elle dit « ben fallait pas le regarder ».

M Je pense que c’est une maîtresse très très sérieuse, très travailleuse, le CP, elle le connaît depuis très longtemps. Extrêmement rigoureuse, je pense qu’elle a sans doute cette peur que ça ne fonctionne pas... elle a la pression.

E Le débordement.

M Oui, et c’est pas la classe facile non plus. Je pense que c’est ça. Je comprends très bien qu’en CP, y’a des moments très importants où il a une attention forte, mais ça doit être limité dans la journée car un enfant n’a pas cette capacité à avoir cette attention là... y’a des moments aussi où ils peuvent apprendre où ils peuvent communiquer.. Moi je le vois en ce moment en CP aussi. Là je suis dans une grande section, CP. Je remplace quelqu’un. L’ASEM le premier jour trouvait que je les laissais beaucoup trop prendre des initiatives et tout ça. D’ailleurs elle se permettait des choses, je lui ai dit que ce n'était pas de sa responsabilité... souvent le CP, c’est la classe où il ne faut pas qu’une mouche vole et les enfants ne sont pas prêts à ça, je pense que c'est trop. Pour marine, ça s'est bien passé. Cette fameuse lecture prend la tête des instits à mon avis... ....

E Vous voulez dire, le CP par sa structuration un peu rigide, par le mythe qui est autour, l’apprentissage de la lecture, on passe peut-être à côté d’un tas de choses...

M J’ai l’impression, et qui pourraient faire de toute façon qu’un enfant apprenne à lire. J’ai vu des classes fonctionner complètement différemment et c’est peut-être aussi ça qui me... par exemple autour de pédagogie de projet... je ne serais pas forcément capable de mettre en place moi-même parce que cela demande beaucoup de compétences par ailleurs, mais des enfants qui apprennent et qui sont hyper motivés, qui... c’est pas que naturellement parce qu’il y a aussi tout un travail de l’instit sur l’album et autre mais bon ça se fait avec des enfants très très, qui prennent des initiatives, actifs et autre, et je trouve ça super. C’est facile, j’ai pas encore eu un CP de A à Z... J'aimerais tendre à cela, si j'en avais un, un jour.

E Vous faites une analyse critique.

M Oui, un petit peu, mais même par rapport à moi, c’est un ensemble des choses mais qui est conforté par rapport à ce que disent les enfants dans l’école.

E D’ailleurs quand on est « débutant », on est toujours à la recherche de modèles...

M Oui, tout en sachant qu’il n’y en a pas un qui fonctionnerait parfaitement. Je pense que ma pratique... ça fait 10 ans que je suis là-dedans... mais elle se construit encore. CP, je pense que la pression est trop forte, et les cycles auraient dû changer ça et je trouve que ce n’est pas encore vraiment au point...

E Quel est le meilleur moyen de l’apprentissage de la lecture ?

M Partir du livre, sans tout coller au livre non plus. Le danger... on voit des excès dans ce sens aussi. Enfin, partir de l’album, du vrai livre, faire en sorte que l’enfant devienne un peu chercheur, actif, un peu dans une démarche de résolution de problème et moi j’y crois. Devant une page on va repérer des mots... on va s’appuyer sur des mots qu’on va visualiser globalement mais aussi analyser des mots qu’on n’arrive pas à visualiser globalement, en décodant enfin... faire intégrer différentes stratégies, partir de l’album et si on a besoin de structurer les sons, peut-être le faire en dehors de l’album sinon l’album deviendrait un objet fastidieux et je trouve cela dommage mais... essayer de lier les deux, peut-être structurer les sons sur des supports hors de l’album, pourquoi pas avoir un livre de méthode de lecture qui rassure les parents et autres mais savoir en sortir.

E Et la place de votre mari dans l’apprentissage de la lecture ?

[Le mari arrive et accueil du père de façon bon enfant].

P Par rapport aux enfants en général.

E On peut élargir.

P Moi de mon côté, ce serait témoignage. Je suis plutôt... j’adore lire, donc toutes les occasions sont bonnes, j’essaye de les inciter à lire encore plus en les emmenant à la bibliothèque et je les ai lassés. Après c’est devenu une corvée, c’était tous les samedis et ils en avaient marre d’aller à la bibliothèque. Et à la bibliothèque je n’étais pas spécialement très disponible. Moi je choisissais mes livres et eux leurs livres. Donc peut-être pas assez d’accompagnement à ce niveau là... et on choisissait nos cassettes oui, il n’y avait pas que les livres. Je pense que c’est plutôt ça la valeur du témoignage. J’essaye de leur lire des histoires de temps en temps pour le plaisir d’être avec eux et puis les accompagner...

M Tu inventes les histoires, ça, c’est ce qu’ils réclament le plus.

E Vous les écrivez ?

P Non comme ça, ça vient tout seul.

M Avec des personnages qu’ils peuvent quand même retrouver.

P Mon père racontait des histoires et j’ai récupéré des personnages. Les histoires sont inventées soit avec des personnages que j’ai connus petit, soit des personnages que j’invente au fur et à mesure. Parfois je leur raconte des histoires par rapport à des livres que j’ai lu et je brode autour. Je l’ai fait très récemment, après je leur donne le livre. Du style Rahan, par exemple je raconte l’histoire de Rahan petit, adulte et autre et après je leur donne le livre. A eux de consulter eux-mêmes le livre, la BD. La dictée, le travail avec Marine...

E Vous faites le travail scolaire avec Marine ?

P Avec Marine, Corentin un petit peu. Quand il lit, c’est surtout du travail de lecture, de déchiffrage de mots, de dessin à partir de mots dans son livre. Je suis là.

M Toi, tu fais faire le travail aux enfants et tu es plus neutre que moi, moi j’avais peur d’interférer en plus. Marine, je devenais un peu critique. Elle avait des trucs à apprendre par coeur, elle ne comprenait pas ce qu’elle apprenait puis... elle a une très bonne mémoire. Tu es plus neutre, tu fais le travail.. normalement quoi, comme n'importe quel parent lambda. Moi je suis très contente que ce soit toi.

P C’est neutre mais sans grande réflexion. Je fais confiance à ce qu’ils peuvent apprendre à l’école. A la maison, j’aide à la mesure de mes moyens, je leur montre que la lecture c’est super parce que je lis beaucoup, voilà. Y’aurait certainement plein de choses à dire car la lecture est au coeur de tout dans ma vie mais...

M Te priver de lecture, ce serait le truc pire.

P Moi, je suis obligé de lire quelques minutes au moins chaque jour pour être bien.

M C’est de la drogue.

P Quand j’étais petit on disait : « faut pas lire de BD, faut lire que des livres sérieux », je lisais des BD quand même et moi je suis un grand amateur de BD. Les enfants si ils adorent déjà la lecture à partir de documents divers, ils aimeront tout type de lecture.

M En BD on en a beaucoup, beaucoup.

P 2500 peut-être maintenant.

E De BD.

P Oui, et de livres on en achète tout le temps.

M Toi tu en prends beaucoup à la bibliothèque.

P Chaque semaine je prends une 20 ème de livres à la bibliothèque. Romans, BD, livres par enfant. J’y vais chaque semaine. C’est onze BD chaque fois et puis y’a cinq six livres pour enfants, 4 romans. C’est sûrement moins réfléchi pour la lecture que toi...

M Moi, je ne fais pas grand chose pour eux par rapport au scolaire, parce que je sens qu’ils n’ont pas besoin, par contre c’est certain si je les sentais en difficulté, là j’essaierai de trouver quelque chose, là y’a pas besoin, et le soir ils en ont vraiment ras le bol... parler de l’école.. Si ils jouent à l’école mais le travail...

P Y’a autre chose aussi, je pourrais dire que je suis content qu’il y ait une caisse de livres à côté de chaque lit d’enfants. Le soir quand on veut qu’ils soient calmes, on leur dit « OK vous pouvez aller dans votre chambre, dans votre lit, encore 10 m, ¼ d’heure dans votre lit, c’est pas pour jouer, vous prenez du temps, vous vous calmez, à partir de livres ». Des jouets dans un sens c’est des livres, mais y’a aussi ce moment.. je reproduis peut-être ce que j’apprécie mais c’est assez efficace. Chaque enfant a sa caisse de livres à côté de son lit.

E Quelque part vous êtes moteur, car vous avez envie que vos enfants lisent.

P Consciemment et inconsciemment. C’est pas tout le temps réfléchi. Je me suis pas dit : « je vais mettre une caisse de livres dans chaque lit pour qu’ils apprennent à lire, qu’ils aiment ça ». Ça c’est fait peu à peu...

E Ça c’est fait naturellement. Vous voulez dire par là vous-mêmes votre propre vécu de lecteur, le souvenir votre enfance, ont influé quelque part sur votre comportement...

P Enormément. Dans ma famille, en vacances, on passait 2 ou 3 heures en famille à lire par jour. A la sieste tout le monde lisait.

M Des séances de lecture en commun. C’est très rare.

E Vous êtes la première famille où j’entends ça.

M C’est très rare, nous on est incapable.

P Tout le monde a un bouquin, une revue à la main et c’est le silence, le silence complet. On n’échangeait pas trop sur la lecture, peut-être avant de se déclencher dans la lecture ou après. C’est un petit peu moins vrai maintenant

M Aujourd'hui, vous vous passez les livres entre frères et soeurs.

.P Oui et au moment où on lit, on lit. On part en vacances avec des livres qu’on a lus pour les donner aux autres, enfin qu’ils puissent choisir pendant les vacances...

E Vous êtes abonnés sur Internet ?

P Non, on n’est pas connecté.

E Vous avez un ordinateur ?

P Oui.

E Vous utilisez l’écrit informatique ?

M Un petit peu. Toi pour ton boulot. Les enfants un peu.

P Aujourd’hui informatique, pour moi c’est plutôt travail. Travail plaisir mais ce n’est pas détente alors que le livre c’est la détente complète. En vacances 2 - 3 heures par jour.

E Corentin, où a-t-il commencé à apprendre à lire ?

M Si on parle d’apprentissage décodage, c’est à l’école, il est encore dans le processus. C’est comme Marine... on s’est dit tiens c’est un peu long et c’est venu pendant les vacances de prendre des livres, maintenant, elle dévore Marine... Mais un moment donné, elle n’aimait pas lire, je me souviens très bien de cela au CP même d’ailleurs. Je m’en souviens avec ta soeur Nathalie... dans la famille d’Eric, y’a des orthophonistes... on est tous un peu..., Nathalie a eu le même problème avec Julie qui n’aimait pas lire à un moment donné, c’était en fin de CP. En fait, c’est venu l’envie de lire quand tout ça... il faut quand même qu’un moment ce soit automatisé, c’est ce travail là qu’on veut intégrer, là Marine, j’ai vraiment ressenti cela, elle a eu envie de lire quand tout ça a été fait. Et Corentin, il commence tout juste... il n’aime pas du tout qu’on le force à prendre un livre pour lire. Si je lui dis « tiens Corentin, lis ça, ça me ferait plaisir que tu lises... », il ne le fera certainement pas et il feuillette encore les albums, il commence dans le « J magazine », le « Youpi ». Je le sens depuis très peu de temps, 15 jours à peu près, « tiens maman, j’ai lu ça... là je sais ce que cela veut dire ». C’est très récent. Par contre pour les pages de Boule et Bill, il les lit sans problème, enfin celle du jour, je n’ai jamais cherché...

E Plus jeune, il prenait peut-être des livres ?

M Oui, feuilleter les livres, c’est sûr mais si on parle vraiment lecture au sens déchiffrage, vraiment lire le texte comme on l’entend, il commence à sortir du livre de lecture. Je ne sais pas dans la classe...

P Avant de savoir lire, ils avaient tous des livres dans leur lit.

M Ça c’est sûr. Plein de livres.

P Plein, plein. Des livres d’enfants, des catalogues, la Redoute, des choses pour feuilleter... avant la lecture c’était feuilleter des livres pour les déchirer, pour les manger...

M Ils n’ont jamais abîmé les livres.

P Oui, mais les découper.

M On a des albums qui ont été lus et relus et qui ne sont pas du tout abîmés. Peut-être qu’on leur a dit au départ.

E Règles d’éducation ?

M Tout n’est pas permis. La première règle c’est qu’on arrive à vivre bien tous ensemble. Quand le bruit me paraît trop insupportable, les enfants vont un peu plus loin, moi, je m’enferme dans une pièce toute seule. J’ai l’impression que les règles se font en fonction du bien-être de chacun. Un peu sur le moment quoi. Y’a des jours je vais supporter que tout le monde soit autour de moi, dans la cuisine si je fais le repas, puis d’autres jours, non, vous allez plus loin... Les enfants pareils, y’a des moments où personne ne rentre dans leur chambre, on l’accepte très bien.

P La chanson Dutronc pour la vie à la maison : « fais pas ci, fais pas ça »... parce que Marine dit « on n’a le droit de rien faire ». On a des valeurs fortes de politesse, de sociabilité, y’a des règles de vie.

M Qui paraîtront contraignantes, à table, par exemple, c’est vrai, on commence à les voir grandir. On leur dit de ne pas se tenir comme des cochons... J’ai pas l’impression... on est content que nos enfants, Corentin et les autres ont toujours su dire les choses gentiment aux autres mais j’ai pas l’impression... ça c’est fait au feeling, au fur et à mesure.

E Les décisions familiales ?

P Moi, j’ai un métier où je suis beaucoup à l’extérieur, donc je me repose énormément sur la vie familiale, sur Bénédicte.

M Il m’a toujours fait une grande confiance, Y'a pu avoir des moment, un peu lourde à porter. C'est bien gentil, mais bon.. Souvent c’est moi qui décide, pour les colonies de vacances... tu es de bonne composition...

E La feuille d’impôt, vous la remplissez ...

M Ah non, les comptes par contre ce n’est pas moi. (rires).

E Y’a quand même des choses partagées ?

M Tout à fait. Et puis depuis que je suis à plein temps... moi j’ai arrêté de travailler pendant un moment donc les choses étaient différentes.

E Année de naissance ?

P 37 ans.

M 32 ans. 33 ans dans quelques jours.

E Vos diplômes.

P Ecole de commerce, bac + 5.

M Bac + 3, première formation d’instit et maintenant après un DEUG, l’IUFM...

E Profession ?

P Je suis cadre recruteur. Je recrute des collaborateurs pour une entreprise Manpower.

E Salaire, tranche.

P Au environ de 30.

M Entre 20 et 30 je dirais.

E entre 20 et 25 ou 25 -30 ?

M 25-30.

E Vous êtes propriétaire ?

P Oui.

M Depuis 4 ans, grâce à la collaboration familiale.

E Vous avez arrêté un moment de travailler ?

M Oui, presque contrainte et forcée, d’une certaine manière. Y’avait les petits. Et puis je n’avais pas de poste, on n’a beaucoup déménagé. Dans le privé, le système c’est par le Diocèse, j’ai arrêté aussi ... j’ai fait des déplacements. J’ai arrêté quand même 3 années et puis on est allé en Vendée aussi. Un moment je n’ai pas recherché à travailler. J’ai vraiment repris depuis que j’ai décidé de commencer l’IUFM en fait parce que les remplacements c’était à la petite semaine en fait.

E Au niveau des enfants, Marine 9 ans, Corentin 7 ans et puis...

M Nicolas 6 ans.

E Autre chose à rajouter ?

M Toi tu aimes beaucoup lire, moi je suis lectrice. C’était quelque chose d’important d’aimer lire mais par contre assez tôt, je me suis rendu compte, c’était une pression qu’il ne fallait pas mettre. C’est-à-dire ne pas se dire « il faut que mon enfant aime lire » parce que c’est peut-être en même la formation à l’IUFM en parallèle et une prise de conscience et à un moment donné où ils n’ont pas aimé lire, j’ai essayé de me dire... je suis pour ça assez coulante, j’ai assez de confiance dans l’évolution des gens, par expérience personnelle parce que chacun change en fonction de sa vie, ce n'est jamais figé. Les moments où ils n’ont pas eu envie de lire, je ne me suis pas prise la tête avec ça, en disant c’est catastrophique. Je savais que ça changerait, j’avais l’impression que ça changerait. Parce que je me suis dit un moment donné, faut faire gaffe, on peut aimer lire nous, et que eux ils peuvent aussi n’avoir pas envie de lire, qu’on peut nous avoir envie d’aller à la bibliothèque, eux pas envie d’y aller... et que quelque fois le meilleur moyen de dégoûter un enfant c’est de lui mettre la pression. C’est ce que je me suis vite rendue compte. Alors tant mieux, c’est la cerise sur le gâteau, si ils aiment lire, c’est chouette. Même si ça met deux trois années après le CP tant pis. Comme y’a des livres à la maison et tout je ne me fais pas beaucoup de bile, ils aiment écouter des histoires, qu’on leur en raconte. Un jour ils aimeront forcément prendre un livre. J’ai l’impression quoi. Je suis peut-être trop confiante mais... alors que j’aurais peut-être plus me prendre la tête avec ça y’a quelques années, c’est une évolution.

E Avez-vous redoublé une classe de primaire ?

M Moi non.

P jusqu’au CM2, non.

E Autre chose à rajouter ?

P La seule chose, c’est que tu m’as rassuré au fur et à mesure. J’aurais été un père inquiet par rapport à la lecture, parce que c’est tellement important pour moi dans ma vie, et j’aurais sans doute plus poussé et tu m’as rassuré en me disant de toute façon l’apprentissage se fera bien à un moment ou autre. Donc, quand je les emmenais à la bibliothèque c’était un peu dans cette optique, je les force et je le fais beaucoup moins maintenant. Par contre, toutes les occasions de lire sont bonnes, c’est ce que tu me disais aussi et ça me paraît important, ce qui me rassure, c’est comme y’a des mots partout, tous les moments propices pour pouvoir lire, j’y pense quand même avec Corentin, il est dans cette phase où il commence à apprendre les mots et à comprendre ce qu’il y a derrière donc quand on se promène, si on voit des mots je lui dis, tiens...

M Plus que moi.

P J’y pense souvent. Je me dis tiens comme ça c’est une bonne occasion et comme ça il peut voir l’utilité. Le nom d’un produit, le produit est derrière, c’est la meilleure illustration. J’y pense, j’y pense constamment. J’y pense pour Corentin, pas pour Marine, elle a tous les réflexes pour lire, et je ne pense pas encore pour Nicolas. Mais par contre, si Nicolas arrive à détecter des mots je vais commencer à plus le faire réagir. Voilà.

E Et bien, écoutez, je vous remercie beaucoup.