Avis de l'enseignante sur l'enfant et la famille. Entretien n° 51 enfant RIVIOT Thibaud

E On passe à Thibaud

N Thibaud a deux... y’a un papa coloré, et une maman infirmière qui est dans le milieu médical. Sont-il ensemble, je ne sais pas, peut-être ?

E Ils vivent ensemble.

N Par contre, comme j’essaye de vite faire que les enfants soient à l’aise dans la classe et bien, à un moment, est-ce que c’est qui a fait que les rapports ont été solides, on arrive à placer, on a fait beaucoup de choses avec Marc aussi, à placer et à les faire sortir de leur cocon de violence et de problèmes particuliers. Un jour, une qui était en grande difficulté d’ailleurs, j’ai rencontré Henri Walon à cause de cette affaire de divorce et... elle était en pleine crise et j’ai réussi à lui faire verbaliser et à lui faire comprendre, son agressivité, c’est moi, elle m’en faisait supporter les conséquences, j’étais plutôt une personne qui cherchait à l’aider donc on n’allait jamais en sortir si devant les autres elle m’insultait, c'en était rendu là, elle courait sur les tables, elle déménageait la classe quand elle était en crise, c’est vrai que y’avait des risques parce qu’elle était certainement en léger danger avec son père quand elle vivait en week-end... une autre enfant, et ça a occasionné dans la classe un mouvement d’enfants qui tous sont en difficulté quelque part. Elle, elle a dit, « tu sais bien Nelly avec mes problèmes », et tout d’un coup ils ont dit « et on a des problèmes ». Alors j’ai dit « est-ce que ça peut vous faire plaisir, enfin pas vous faire plaisir, que vous les disiez, sans savoir, moi je n’ai pas besoin », alors j’ai été éberluée, les uns après les autres. « Et ben moi, j’ai des malheurs (il avait besoin de dire ce mot là) parce que... » et j’enfilais et je crois que tous, c’est vraiment le cas de cette école là, il y avait des difficultés. Arrivé à l’enfant Thibaud qui est l’enfant concerné il a répondu : « Moi... », tu sais les malheurs, y’en a qui avait un malheur, parce que, je ne sais plus, son frère l’avait bousculé quoi, c’était bien, c’était reconnu comme malheur. Et ça, ça permettait de dédramatiser des malheurs importants, quand Guillaume a dit «  j’ai un malheur quand mon frère a attrapé maman et la tape contre les murs », il avait l’air de se dire lui aussi il en a, il ne voyait pas si c’était plus ou moins grave et Thibaud m’a dit  : « Moi, ça ne va pas et je me sens triste quand papa et maman se disputent à cause de moi et que je ne travaille pas à l’école ». Alors je me suis dit tiens, ça lui a fait du bien de verbaliser. J’ai dit Thibaud « qu’est-ce qui reste donc à faire », c’était à la limite mettre les enfants en processus d’arranger leur situation. J’ai dit ma fois je vois l’affaire tout à fait rassurante, j’ai dit : « tu n’as plus qu’à essayer de progresser, continuer des progrès comme tu le fais et papa, maman, après, ils n’auront aucune raison de parler très fort ». En plus je dédramatise les mots, je dis « parler très fort », de la situation de conflits entre papa et maman, je la rabats tout de suite à une situation très simple et puis je les rapproche de leurs propres événements, je dis « c’est comme vous, quand vous n’êtes pas d’accord ». Alors donc, voilà de Thibaud. C’est vrai que le papa et la maman sont venus me voir très inquiets et que j’avais à reprendre un enfant qui arrivait d’ailleurs et un enfant qui n’était pas du tout près à lire, qui ne pensait qu’à rire, qui s’était renfermé dans un monde de rigolade et d’amusement, très très ancré de la grande section et quand on l’a mis devant les rigueurs de la vie CP et de la maternelle, il était dépassé, la maman s’y attendait, mais avec des possibilités, toute suite que j’ai repérées. Et le papa... une aisance, une mémoire et tout ça. Et y’a eu un énorme travail de fait, c’est pour ça que ça dû être laborieux pour la maman, et qui a porté ses fruits au niveau de la lecture, il est rentré après dans le système lecture, mais lui aussi, les contraintes de la lecture, ça ne lui plaisait pas trop mais grâce à sa super mémoire, il a pu quand même... et il a senti quelque part, peut-être récompensé au bout, de rentrer... et l’écriture qui était horrible, la maman s’en est beaucoup occupé et il a progressé. Donc il reste, compte tenu de ce tempérament là, les questions de réflexion où Thibaud il regarde partout, il répond un peu à côté, mais ce sera le travail que je laisse au CE1.

E Donc un travail avec la maman ?

N Oui.

E La maman était volontaire ?

N Ah oui. Et le papa aussi. Ils avaient tous un désir de vouloir, ils savaient que leur petit garçon avait des possibilités. Qu’il était à la maison un peu fou fou et que justement en CP il fallait que les choses bougent pour lui donner une chance de réussite en primaire et ils voulaient... c’est des parents qui ont dû verbaliser une réussite même, « plus tard », « on veut plus tard, que ça marche bien ses études », ils voyaient l’avenir chez Thibaud.

E C’est un enfant qui redouble ?

N Le papa m’a même parlé, de lui, il s’est identifié. « Il sera comme moi, intelligent », et c’est sans doute un papa qui a eu des difficultés, donc à la limite, il souhaitait même fortement que son fils s’y mette pour s’en sortir comme lui parce que c’était peut-être dur dans sa famille et il ne voulait pas que son fils rate quelque chose.

E C’est un enfant qui va redoubler ?

N Pas du tout. C’est à dire qu’on est très habitué à ses enfants dont la réflexion et l’inattention et le manque de concentration fait qu’il donnera la réponse fausse parce qu’on sait que la réponse bonne il l’a. A partir du moment où tu fais des tests de logique aussi bien dehors, il est très pertinent pour certaines choses, mais je ne le vois pas... Par contre, tout dépend comment l’institutrice de CE1 va travailler avec lui. C’est pour ça qu’on souhaite, on est plusieurs avec Marc et autre, à rentrer dans un climat de confiance, à ne pas faire entrer non plus immédiatement l’enfant dans les notes, à travailler comme j’ai travaillé avec Thibaud : « Tu as appris à lire, Thibaud, tu es capable, si tu relis deux fois la question, de donner la bonne réponse » et à faire un peu l’individuel par exemple...

E C’est un enfant qui sait lire maintenant ?

N Oui, bien et qui lit même assez vite. Il se rend compte de sa mémoire. A la limite si il est en difficulté en CE1, voilà un enfant qui sera envoyé chez Marc, si l’institutrice est débordée pendant un mois pour que Marc lui apprenne à tempérer un peu, parce qu’il faut aller très vite avec Thibaud, la méthode si tu veux de travail pour rentrer dans la concentration et la réflexion et après le renvoyer en CE1 en disant : « écoute, voilà Thibaud, si tu prends le temps de lire, tu sais très bien, tu as de la logique, donc le reste suivant » et en orthographe, il devrait mémoriser puisqu’il a une bonne mémoire. Et la maman continuera, les leçons vont être reprises au sérieux. Je vois mal...

E Tu dis « vont être prises au sérieux », comme si avant ce n’était peut-être pas pris au sérieux...

N La maternelle. Absolument c’est vrai. J’ai vécu ça en maternelle, et je suis sûre que ces parents là on leur a dit en grande section que l’enfant allait avoir des difficultés en CP. Et je peux d’assurer que c’est tout-à-fait le type de parents, et la maman je la vois, sachant qu’elle allait affronter son mari qui est en exigence ce monsieur là, de résultats pour son fils et qui a dû lui dire : « Moi ce n’était pas facile pour moi, on a réussi à quelque chose ». J’ai entendu le papa dire : « il est comme moi, il a des possibilités, il doit y arriver ». Et cette maman là avait dû calmer l’affaire en disant « c’est la maternelle », elle s’est rassuré l’année dernière, parce que c’était encore la maternelle et que là, du fait que c’est le CP, elle s’est bousculée, c’était dur avec la mamie, y’avait des moments dur le soir...

E Avec la mamie aussi...

N Oui, avec la mamie. Et alors, en fait ils continueront. Toute la partie qu’ils pourront voir... ils devançaient l’écriture cette maman là. Donc la partie orthographe, conjugaison, toutes ses parties là seront vues à la maison. Toute la partie qui est réponse aux questions, qui est plutôt de l’école, on l’a verra en complément à l’école, si l’autre est tempéré, ils seront en attente de résultats. C’est des parents... je lui conseillerai d’abord, de prendre contact avec l’institutrice et dès le début pour que Thibaud voit qu’on attend des résultats, que il a découvert le sens de l’effort, il faut qu’il continue, qu’il ne soit plus relax et que l’école, c’est effrayant chez Thibaud, l’école c’était le défoulement.

E Il n’avait pas vraiment pris conscience que c’était l’école.

N Comme la maman me dit pour sa chambre, c’est un vrai défoulement, tous les jeux « je prends les jeux, je les jette partout ».