La veille stratégique propose ici une démarche qui s’attache inlassablement à déchiffrer indices et signes, à interpréter, à écouter et à comprendre.
Nous avons déjà défini le terme de veille stratégique lors de notre introduction. Nous reprenons ici ce concept au travers de la définition de Roland Calori et Tugrul Atamer (1993), pour lesquels la veille consiste à surveiller (généralement de façon sélective) les signaux annonciateurs de changements majeurs dans l’environnement et les indicateurs de progrès de l’entreprise.
L’objet d’un tel système d’information est d’alerter le plus rapidement possible les décideurs sur les points sensibles, et d’engager des actions correctives ou de remettre en question les choix stratégiques.
Nous vivons dans un monde en pleine mutation (Pateyron, 1997), les informations sont de plus en plus nombreuses et leur vitesse de circulation s’accroît (ce qui les rend accessibles à tous). Les situations économiques, politiques, sociales et culturelles évoluent de façon tout aussi rapide, ce qui les rend difficilement appréhendables. Dès lors, il convient de guetter et de surveiller l’environnement de l’entreprise. Cette vigilance et cette veille deviennent ainsi un facteur clef de l’adaptation de l’entreprise aux changements et de sa réussite. Une veille stratégique réussie dépend aussi du potentiel interne, que ce soit au travers de l’organisation ou des hommes qui la composent. Si l’entreprise et son organisation ne sont pas prêtes à recevoir les informations, la recherche externe risque d’être une dépense d’énergie inutile. C’est pourquoi notre thèse s’attache à exposer les deux facettes de la veille : la facette interne et la facette externe.
De nombreux colloques et conférences s’organisent sur le thème de la veille stratégique et des systèmes d’information. Notons ainsi les paroles du Préfet de la Région Rhône-Alpes lors de l’ouverture d’un colloque sur “ la maîtrise de l’information ” : “ La veille stratégique est un problème majeur pour notre temps et les intérêts nationaux ”. Nous serions plus enclins à traiter la veille comme un atout et non comme un problème, même si la mise en place d’un tel dispositif n’est pas sans poser quelques difficultés que nous aborderons plus tard.
L’information dont l’entreprise a besoin existe ; elle est accessible à partir du moment où un réseau de relations se constitue, où les sources sont repérées et le traitement des données organisé rapidement. Une bonne information doit être “ fraîche ”, récurrente, mais également vérifiée, traitée, précise, relativement concise et ciblée dans sa distribution. En effet, comme le montre H. Simon (1983), ‘“ les systèmes de traitement de l’information de notre monde contemporain baignent dans une abondance excessive d’informations et de symboles. Dans un tel monde, la ressource rare n’est pas l’information, mais la capacité de traitement pour s’occuper de cette information ”.’
Une fois l’information jugée utile, encore faut-il être capable de la communiquer. Cette idée est confirmée par des chefs d’entreprises : le PDG de Biomérieux soulignait lors d’un colloque en 1997 la nécessité ‘“ d’être informé avant les autres et de mêler le renseignement et l’action ”’, de même il expliquait toute sa détermination à voir tous ses collaborateurs “ le regard tourné vers l’extérieur ”… 7
La veille selon Humbert Lesca (1994) consiste en la détection des “ signaux faibles ”, idée que nous trouvons à l’origine chez Ansoff. Bien qu’il nous semble un peu restrictif de n’évoquer que la recherche de signaux faibles, ceux-ci dessinent toutefois un devenir, préfigurent une tendance, voire une rupture à venir. L’objectif de la veille est de déceler ces signaux annonciateurs de menaces et d’opportunités.
Ces signaux faibles pourraient être définis comme des éléments d’information, perceptibles comme tels, mais la plupart du temps occultés par des signaux forts. Ces signaux faibles, dans l’inventaire rétrospectif d’une crise, étaient pourtant bien présents, mais non perçus donc non pris en compte (Salmon – De Linares, 1997). Leur détection aurait été d’une utilité stratégique dans les décisions ultérieures. Les signaux faibles font partie du processus de veille. Dans un contexte de changements multiples, pour éviter que l’entreprise ne sombre dans l’inertie et l’immobilisme défensif, il semble opportun de mener une veille tous azimuts en sachant choisir les outils et les conseils adéquats.
R. Salmon et Y. de Linares mettent en relief trois caractéristiques majeures de la veille :
Nous avons pu constater par notre recherche-intervention, que ces trois points se retrouvent en cohérence dans les ouvrages traitant de la veille stratégique ainsi que dans les pratiques tendant à se mettre en place dans les entreprises qui en font un objectif stratégique.
Afin de présenter clairement la veille stratégique, nous avons choisi d’en analyser les facettes et d’étudier son mode d’application selon les différents pays qui la pratiquent.
Intervention d’Alain MERIEUX au Colloque “ Maîtrise de l’information ”, organisé par la Préfecture de Région, la DRIRE et la DRCE Rhône-Alpes à l’Ecole Normale Supérieure de Lyon en Février 1997.