1.1. La veille stratégique : spécificités

La veille stratégique vise à permettre une adaptation de la stratégie de l’entreprise à son environnement en général. Dans les entreprises, elle joue un rôle soit en amont (définir les axes de recherche…) soit en aval (en tant qu’utilisateur final). Elle coordonne ainsi les différentes structures de veilles existantes.

Si nous prenons comme base de réflexion sur les différentes composantes de la veille le schéma de B. Martinet et J.M. Ribault : “ Les quatre types de veille associés ”, nous constatons en analysant cette figure qu'il existe de nombreuses interactions entre elles par les cadres en pointillés qui se chevauchent. En effet, étant donné qu’elles ne sont pas disjointes, quand une entreprise surveille l’évolution de la technologie d’un de ses concurrents, est-elle en train de faire de la veille technologique ou de la veille concurrentielle ? Si le concurrent est en train de mettre au point un procédé technologique révolutionnaire, il s’agit probablement de veille technologique.

Si segmenter la veille stratégique en sous-systèmes n’est pas aisé à cause d’un problème de délimitation des frontières, cela comporte toutefois l’intérêt d’étudier les différents aspects de chaque veille : son environnement, les procédés existants et les acteurs les plus concernés.

Figure n° 1 : Les quatre types de veille associés 
Figure n° 1 : Les quatre types de veille associés 

Extrait de : Martinet et Ribault, 1988

Nous proposons de schématiser la représentation des caractéristiques de la veille stratégique comme suit :

Figure n° 2 : Les acteurs stratèges et les différents segments de la veille stratégique
Figure n° 2 : Les acteurs stratèges et les différents segments de la veille stratégique

Les acteurs stratèges, comme les segments, sont des facteurs stratégiques qui requièrent l’attention des veilleurs. Leur interdépendance fait qu’ils fonctionnent par couple ou par combinaisons.

Par exemple, une veille sur les produits englobera les concurrents, les fournisseurs, les clients. Les ciblages varient selon les caractéristiques des produits et la stratégie de l’entreprise.

Pour faire vivre ce dispositif, l’information joue le rôle des combinaisons nerveuses en biologie. L’information est sans cesse présente dans nos travaux, de même que l’environnement qui est représenté par les concurrents, les fournisseurs, le tissu économique, les institutions…Nous aborderons la veille stratégique, son environnement, et les systèmes d’information en première partie du chapitre 2.

L’information constitue pour l’entreprise un apport aussi essentiel que les matières premières et les équipements pour produire efficacement (Pateyron, 1997). En effet, elle revêt une importance stratégique lorsqu’une entreprise cherche à accroître ses parts de marché, à assurer la qualité ou la sécurité de ses produits et à étendre ses produits existants.

L’information est multiple : elle vise les marchés, la concurrence, l’environnement, le commerce… Les sources d’information peuvent être formelles ou informelles.

  • Les sources formelles

Une entreprise à l’écoute de son environnement tient compte des composantes politiques, économiques, culturelles et non pas seulement technologiques. Selon la presse spécialisée, un cadre passe en moyenne 30% de son temps en recherche d’informations diverses. Parmi les sources formalisées susceptibles de lui apporter des éléments, nous pouvons retenir les études, les actes de colloques, les brevets, les ouvrages, les films industriels, les reportages de la télévision ou de la radio, les catalogues techniques de produits et les rapports d’activités.
Les informations internes comme les comptes rendus de mission et les rapports ne sont toutefois pas à négliger. Les services de l’entreprise sont tous en liaison avec de l’information stratégique.

  • Les sources informelles

Plus une information est formalisée, plus elle date et moins elle a d’intérêt.
La plupart du temps, disposer d’une information avant ses concurrents constitue l’avantage stratégique que recherche l’entreprise. Les sources informelles sont celles qui ne deviennent utiles qu’après un traitement approprié. Elles ne le sont pas par destination, mais plutôt par l’utilisation qui en est faite.

Le rôle de l’information dans la performance économique de l’entreprise

L’information est utile pour diminuer l’incertitude dans la prise de décision (Pateyron, 1997). Par ailleurs, elle a pour objet d’influer sur les comportements des membres de l’organisation pour que ceux-ci agissent conformément aux objectifs retenus, et sur le comportement des acteurs extérieurs dans un sens favorable à l’entreprise (fournisseurs, pouvoirs publics, clients…).

L’information est également un facteur de production. En effet, elle semble vitale pour créer et mettre sur le marché des produits à plus forte valeur ajoutée. Les entreprises performantes sont souvent mieux équipées que les autres en moyens d’accès à l’information et en moyens de traitement de l’information. L’information est également facteur de synergies. En effet, la performance globale dépend de la qualité des liaisons et des relations entre les unités qui la constituent. L’information est souvent une ressource productive à part entière de plus en plus importante pour le succès économique des entreprises.

L’organisation d’une veille stratégique globale implique la mise en place d’un certain nombre de veilles environnementales qui doivent permettre de capter les signaux faibles ou non donnés par la concurrence, mais aussi par la politique, la jurisprudence, l’écologie et les mutations sociales.

Nous avons répertorié, à cet effet, les types de veilles qui nous semblent les plus importantes. Nous commencerons par traiter la veille commerciale qui se compose elle-même d’une vigilance sur les produits, les concurrents et le marché, puis nous aborderons la veille technologique et la veille sur les ressources humaines. Cette dernière est moins fréquente mais importante pour notre démonstration.

Voici un exemple des différents types de veilles conduites au sein du Groupe L’Oréal, réputé pour la performance de son dispositif de veille stratégique. Toutefois, nous tenons à préciser, suite à un contact que nous avons eu avec lui, qu’il ne reconnaît pas ce schéma, qui est issu d’un de leurs anciens responsables spécialisé dans la veille stratégique, monsieur Salmon.

Figure n° 3 : Les sept types de veilles menées dans le Groupe L’Oréal (source, Revue Veille, n°15, 1998)
Figure n° 3 : Les sept types de veilles menées dans le Groupe L’Oréal (source, Revue Veille, n°15, 1998)