La veille technologique au cœur de l’innovation et de la recherche

Les entreprises cherchent à connaître l’ensemble des technologies existantes dans leur secteur d’activité et leur créneau. Il ne suffit pas de bien connaître la stratégie du concurrent et les attentes du client. La réflexion stratégique d’une entreprise ne serait alors que partielle (Pateyron, 1997). La recherche-développement et les découvertes technologiques peuvent mettre en péril la survie de l’entreprise. L’information peut se trouver dans un article, une thèse, un laboratoire, et elle est susceptible d’intéresser, au-delà du chercheur de la discipline, d’autres chercheurs ainsi que des chefs de produit. Le système de veille devra en connaître l’existence, en prendre note, et renseigner les éventuels intéressés.

Mondiaux et intelligents

Il n’y a pas de stratégie internationale sans stratégie technologique. C’est l’un des enseignements majeurs de l’étude “ MEI 92 ” (MEI pour moyennes entreprises industrielles) réalisée par le Cabinet ALGOE Management auprès de 569 entreprises industrielles employant de 100 à 1 000 salariés, pour le Ministère de l’Industrie.
Plus les entreprises sont ouvertes sur le monde, et plus leurs dépenses “ immatérielles ” (recherche et développement, brevets, formation…) sont importantes. Trois entreprises mondialisées sur quatre appartiennent à la catégorie des “ spécialistes de la technologie ” (celles qui consacrent plus de 4% de leur chiffre d’affaires à la recherche et au développement). Les entreprises “ hexagonales ” ont dépensé en moyenne 15 000 francs par personne et par an en matière grise en 1990, les “ européennes ” 24 000 et les entreprises mondialisées 38 000. Une entreprise “ européenne ” emploie deux fois plus d’ingénieurs et moitié plus de techniciens qu’une “ franco-française ” !
Les moyennes entreprises industrielles interrogées par ALGOE sont très sensibles à l’intensification de la concurrence sur les marchés mondiaux. Pour réagir, près de 4 entreprises sur 5 sont disposées à conclure des alliances avec des partenaires locaux, et 1 sur 5 se dit prête à produire localement en 1994. Le partenariat de production, notent les auteurs de l’étude, apparaît comme un mécanisme d’acquisition de la taille critique nécessaire pour satisfaire des marchés élargis.

Surveiller la concurrence est nécessaire pour ne pas se faire supplanter. La concurrence fluctue au gré des innovations : des concurrents nouveaux peuvent apparaître de façon inattendue. C’est pourquoi l’entreprise cherche à conduire une analyse multidirectionnelle et développe sa capacité d’écoute. Elle met tout en place pour décider le moment venu. Elle peut le faire soit dans une optique défensive (pour s’assurer contre les menaces), soit dans une optique offensive (pour prendre un avantage technologique sur ses concurrents). L’entreprise qui surveille les dernières percées technologiques dans les domaines ou les secteurs qui la concernent est plus encline à tirer bénéfice des innovations.

Le bon choix et la mise en place de telle ou telle technologie au moment opportun peuvent constituer des décisions d’importance vitale pour l’entreprise.

L’irruption des technologies nouvelles suscite parfois un changement de perspective des activités, des moyens face auxquels les entreprises doivent déterminer leurs politiques et leurs choix. De ce fait, il est crucial de rester attentif à toute rupture technologique conséquente.

D’après la littérature, il existe quatre types de ruptures technologiques conséquentes :

  1. Les transformations marginales ;
  2. Les transformations radicales, avec de grandes technologies sous-jacentes : apparition successive de la machine à vapeur, du chemin de fer, de l’électricité, du pétrole, de l’informatique et des télécommunications ;
  3. Les révolutions techniques : des innovations spécifiques à chaque époque transforment le processus industriel. Par exemple, au XIXe siècle, le moteur à combustion, les fours tournants… permettent de passer d’un processus artisanal à une production de masse ou encore au XXe siècle, de passer d’une production de masse à une production sur mesure ;
  4. De temps en temps, des changements de paradigme, avec le niveau le plus vaste de changement : celui de civilisation.

Il semble véritablement important de scruter ces évolutions pour améliorer la réflexion stratégique de l’entreprise.

Nous pouvons aussi penser que sortir du cercle de l’entreprise afin de s’informer sur les dernières technologies (visite de salons ou autres) permet aux personnes concernées de garder leur esprit en éveil que ce soit par une attitude critique ou par une constante curiosité. Il est fort possible que cette ouverture sur l’extérieur soit porteuse d’idées nouvelles issues de la confrontation de l’individu avec des procédés ou produits nouveaux. Celui-ci peut devenir créatif par association d’idées. Surveiller les brevets, les normes et les réglementations est donc un élément important de la veille. Dans la pharmacie, un des secteurs les plus structurés sur le plan de l’information, toute l’information est disponible dans les banques de données américaines.

L’entreprise qui assure sa pérennité, développe sa capacité d’évolution. Pour cela, il lui faut surveiller son environnement technologique.

D’après H. Lesca (1995), il est nécessaire de connaître les nouveaux procédés, leurs performances, leurs conditions d’efficacité, mais aussi les difficultés de mise en œuvre et les risques d’échecs.

Afin de mieux appréhender les différentes innovations de son secteur d’activité, il est important de veiller sur son potentiel technologique interne avec l’objectif d’investir sur des procédés applicables dans l’entreprise.

La maîtrise technologique est l’ardente obligation du moment. En effet, la moitié des produits qui seront sur le marché dans cinq ans n’existent pas encore 14

La technologie semble être une question de survie et le dispositif de veille technologique permet la mise en place efficace d’un programme de recherche,

  • de projets de développement ;
  • d’accords de coopération ;
  • d’achats ou de ventes de licences ;
  • d’achats d’unités de production.

La veille sur des procédés très nouveaux est évidemment essentielle, car c’est parmi eux que naîtront la plupart des procédés promis à une large diffusion.

La veille technologique est la plus compliquée de toutes, car elle ne peut être accessible à tous. Elle s’adresse à un réseau d’experts à même de comprendre certaines techniques nouvelles. Investir pour innover a un coût relativement élevé et nécessite donc une grande prudence et de nombreuses connaissances.

Aujourd’hui, l’entreprise ne possède plus un seul métier, mais plusieurs. Il convient souvent de laisser une certaine souplesse vers des innovations parallèles tout en conservant les axes essentiels.

Notes
14.

A. MULLER, “ Ne ratez pas votre saut technologique ”, L’Entreprise, n°80, mai 1992