Perspectives et améliorations

Situé au cœur du système d’intelligence économique, l’Etat peut jouer un rôle encore plus incitatif dans ce domaine. Il devient indispensable que toutes les administrations concernées adaptent leurs missions aux nouveaux enjeux de la mondialisation des économies (Clerc, 1995). Cela nécessite de la part de l’Etat un décloisonnement de ses services, un renforcement des circuits publics d’échanges d’informations, résolument orientées vers les entreprises. De plus, il lui revient de définir une stratégie globale, et de mobiliser les acteurs économiques et financiers sur des priorités d’actions.

Au niveau régional, l’appréhension des environnements complexes impose une révision des modes de réflexion et des comportements de l’ensemble des acteurs. Les régions constituant aujourd’hui l’un des champs d’action les plus importants de la concurrence liée à la globalisation des échanges, la veille stratégique devient un véritable outil destiné à définir des priorités stratégiquesadaptées aux nouveaux enjeux des régions et des entreprises, en commençant par l’intensification des actions de développement local, de stratégies d’alliances inter-régionales et de la mise en place de réseaux d’appuis à l’export, basés sur la coopération entre les entreprises, les régions et les administrations. Nous avons d’ailleurs participé en ce sens à un programme thématique de la Région Rhône-Alpes sur l’amélioration des systèmes d’information de PME-PMI.

Il serait souhaitable de voir les PME-PMI s’impliquer plus encore dans la mise en œuvre de l’intelligence économique. La création de postes d’intelligence économique dans l’entreprise s’accompagne par la mise en place d’une organisation flexible, fonctionnant en réseau, et mettant, pourquoi pas, en contact direct, plusieurs entreprises de mêmes ou de différents secteurs afin de partager l’information. Il est important de faire prendre davantage conscience de l’importance de ce type d’action aux personnels, syndicats inclus.

C’est certainement grâce à un renforcement de la veille stratégique comme sujet d’études dans le monde universitaire et dans celui des écoles d’ingénieurs que la veille trouvera un statut dans les entreprises. De même une multiplication des CSNE (Coopérant Service National Entreprise) accompagnée d’une formation à l’intelligence économique avant leur départ, pas nécessairement en vue de collecter des informations, mais de leur ouvrir l’esprit, permettrait de valoriser leur expérience par la suite dans l’entreprise. De plus, la formation des chefs d’entreprise à l’utilisation des banques de données disponibles ou des cinq ou six services Minitel-clés pour leur activité pourrait être utile. Avoir une stratégie cohérente est une des bases du développement d’un véritable dispositif de veille. Les acteurs stratèges de l’économie française ne sont pas encore assis côte à côte (un politique, un économiste, un financier, un juriste, un expert en géopolitique et des chefs d’entreprises).

Il faut commencer par démythifier ce sujet très mal connu des Français, et faire comprendre, que dans tous les domaines, nous devons assumer les risques et profiter des opportunités d’une civilisation, qui dépend plus que jamais de la maîtrise de l’information, sous toutes ses formes et dans tous ses aspects.

Figure n° 8 : Comparaison des différents systèmes de veille stratégique et d’intelligence économique (Marie-Christine Chalus, 1/04/98)
Figure n° 8 : Comparaison des différents systèmes de veille stratégique et d’intelligence économique (Marie-Christine Chalus, 1/04/98)

Le 28 mars 1998, le Monde s’intéressait à la veille, en publiant un article : “ Les sociétés françaises se mettent avec retard à l’intelligence économique ”. Cet article nous propose un tableau des pratiques françaises, américaines et asiatiques.

Figure n° 9 : Les cinq types de veilleurs.
Figure n° 9 : Les cinq types de veilleurs.

Source, D Rouach innovation Le Monde

Dans le cadre d’une analyse de ce tableau, nous ne sommes pas d’accord sur la cinquième catégorie de veilleurs. Nous estimons que “ Dormeurs ”, ne correspond à aucun type de veille, puisqu’il en est la définition inverse : veiller c’est ne pas dormir. Quant à l’article, il se contente finalement de citer les “ guerriers ” et les “ actifs ”, mais ne s’engage pas trop dans les autres déclinaisons. Par contre, il n’hésite pas à généraliser en exposant que la majorité des PME françaises se situent dans la catégorie des réactifs, qu’ils minimisent encore dans leur définition en ajoutant “ réactions limitées aux attaques des concurrents ”. Etre réactif n’est pas forcément avoir une réaction limitée (pourquoi rajouter ce qualificatif péjoratif ?). Nous sommes intervenus dans des grands groupes ne pratiquant pas la veille et dans des PME aux attitudes très pro-actives.

Cet article, nous semble par contre assez représentatif de l’implantation de la veille en France aujourd’hui et des connaissances des individus sur le sujet. Ce concept, qu’il se nomme à l’avenir veille stratégique ou intelligence économique, a encore des ressources à exploiter afin de s’intégrer dans le dispositif français.

Au cours de ce chapitre, nous avons vu que la veille stratégique permettait de donner du sens à des faits et à des indices, qu’ils soient de nature technologique, commerciale ou humaine. Par les renseignements qu’elle apporte, la veille stratégique vit de l’inquiétude et de l’incertitude des entreprises face à un environnement riche mais complexe et fluctuant sans cesse. Elle les rassure dans leur maîtrise de l’avenir. C’est en ce sens qu’elle les intéresse. Afin de mieux analyser la naissance de ce concept, nous avons cherché ses racines dans différents pays. De par ses aspects culturel et historique ancrés, nous pouvons penser qu’il ne s’agit pas d’une mode mais réellement d’un concept construit reposant sur des bases solides. Dans le chapitre 2, nous dépassons le stade de la définition et de la description du concept même de veille stratégique pour comprendre son interaction avec l’environnement et le rôle du système d’information, mais aussi pour positionner la veille stratégique par rapport à des concepts relativement proches.