La prospective analyse les scénarii possibles de l’avenir. C’est le seul des quatre concepts présentés ici à se projeter aussi loin et à bâtir des scénarii de prévision à long terme aussi puissants. Ses utilisateurs se défendent de tout rapprochement avec quelque activité de prédiction que ce soit. C’est une discipline rigoureuse. La prospective est un outil de management : avant de prendre des décisions, elle permet aux décideurs de s'assurer d’avoir correctement exploré l’avenir. Ce n’est pas un pur exercice intellectuel de collecte d’informations et de conjectures académiques.
Son objet est d’apporter aux responsables et aux instances décisionnelles les éléments dont ils ont besoin pour prendre de bonnes décisions.
Conçue dans les années soixante comme une investigation des futurs possibles, la prospective s’est développée à la faveur de la prise de conscience, selon laquelle les méthodes classiques d’analyse ou de prévision ne répondaient pas de manière satisfaisante à la maîtrise des changements qui caractérisent l’évolution du monde contemporain. La nécessaire prise en compte de l’accroissement des phénomènes d’interdépendance au sein de systèmes d’organisations de plus en plus complexes fut son deuxième postulat de base.
Cette approche de “ l’école française ” de prospective, inventée par Gaston Berger 41 , Pierre Masse et Bertrand de Jouvenel (1964), rejette la scientificité des déterminismes. Elle insiste sur le fait que le futur ne peut se réduire aux seules extrapolations et juxtapositions de tendances.
La démarche prospective ne peut se satisfaire d’une vision de l’avenir que seuls éclaireraient les faits – désincarnés – qui la portent. En conséquence, cette démarche accorde une grande importance aux stratégies des acteurs mus par des projets ; en ce sens, elle se différencie radicalement de la prévision. Michel Godet (1997) insiste sur la place de l’homme, ainsi, la prospective n’envisage pas l’avenir dans le seul prolongement du passé, car l’avenir est ouvert aux jeux de multiples acteurs qui agissent aujourd’hui en fonction de leur projet futur. Toujours dans son ouvrage, il nous explique que la prospective est avant tout une attitude d’esprit et un comportement mobilisés pour assurer la qualité et la maîtrise de l’existence présente et future. La prospective réhabilite le désir comme force productive d’avenir.
Ainsi, l’articulation entre les analyses quantitatives et qualitatives d’une part, les analyses globales et sectorielles de l’autre, la prise en compte des changements structurels, l’intégration d’éléments prévisionnels, le poids accordé à la stratégie des acteurs et à la résolution de leurs conflits, le lien entre la détermination des avenirs possibles et la définition de politiques opérationnelles, la recherche systématique des faits porteurs d’avenirs et des ruptures possibles, marquent les concepts actuels de la prospective.
Va-et-vient de l’avenir au présent, la démarche prospective est une suite d’itérations et de retours en arrière en vue de valider la décision, à mesure que l’on progresse dans l’exploration des solutions et des corrections à apporter dans l’avenir.
Selon M. Godet, la prospective permet :
BERGER Gaston, Article parue dans la Revue des deux Mondes, 1957.