4.1.2. Approche choisie : entre la recherche-intervention  et la recherche-expérimentation

L’équipe de recherche à laquelle nous appartenons pratique la “ recherche-intervention ” ; nous développerons donc avec plus de précision les caractéristiques de ce type d’approche afin de permettre au lecteur de mieux situer notre cadre de recherche.

Dans la théorie socio-économique, le terme de recherche-intervention est proposé. Cette théorie considère illusoire le principe de neutralité contenu dans la recherche-action et se positionne plus dans le domaine de la recherche-intervention. Dans ce cadre, le chercheur est à la fois partenaire dans l’action de l’entreprise et co-producteur de connaissances avec l’entreprise. On peut néanmoins considérer que certains fassent de la recherche-intervention sans chercher à formuler des règles.

Le processus de production de connaissances d’intention scientifique conduit, très schématiquement, à élaborer des règles qui expriment un lien, ou une liaison entre deux faits (Granger, 1955). Au début du processus de production, avant le travail d’investigation scientifique, l’espérance de règle constitue une hypothèse, le travail scientifique qui s’ensuit constituant à chercher à la valider, quitte à devoir l’invalider ou à modifier l’hypothèse. L’hypothèse est un instrument de recherche, au sens de Claude Bernard. Si les conventions scientifiques permettent de considérer que l’hypothèse est validée, celle-ci prend alors le statut de règle de connaissance, et sera considérée comme un résultat de recherche scientifique étayé. Les objets produits par le travail scientifique sont donc des règles, dont l’assemblage aboutit progressivement à la constitution d’une base de connaissances, constituée d’une base de règles et de faits associés.

Dans le cadre de ses recherches, Claude Jameux a conduit un travail important sur les caractéristiques des thèses en sciences de gestion, il constate que la recherche-intervention est peu utilisée dans les thèses en management stratégique recensées : seulement 7%. Au-delà du problème relatif au positionnement épistémologique de cette forme de recherche, cette utilisation limitée peut s’expliquer par la durée du protocole à mettre en place, sans doute difficile à concilier avec celle d’une thèse. Selon lui, cette difficulté tend néanmoins à être levée lorsque la thèse s’inscrit dans le programme de recherche d’un laboratoire dans lequel la recherche-intervention est privilégiée (ce qui est notre cas).

Outre les pratiques de notre laboratoire de recherche, nous avons aussi commencé notre thèse dans le cadre d’un programme thématique de recherche de la Région Rhône-Alpes que nous développerons plus en détail au cours de ce chapitre.

Dans notre équipe, les recherches-interventions mises en œuvre depuis plusieurs années dans une très grande diversité d’organisations sont proches de l’ethnométhodologie (les acteurs des organisations sont considérés comme détenant eux aussi une part de la connaissance et ayant des vues pertinentes sur la problématique à élaborer) même si les chercheurs ont une approche plus déterministe puisqu’ils transfèrent, en les acclimatant, des concepts, des méthodes et des outils ainsi qu’une méthodologie d’intervention (Plane, 1996).

Jean-Louis Lemoigne le souligne : ‘la recherche-intervention apparaît comme une méthode de recherche scientifique légitime dans les épistémologies constructivistes qui postulent qu’il n’est de connaissances que les représentations artificielles construites intentionnellement et que l’on ne peut pas séparer l’observateur de l’observation’ .