4.2. Présentation de l’analyse socio-économique des entreprises et des organisations

L’ISEOR 55 pratique depuis vingt ans des recherches fondées sur une méthodologie de recherche-intervention ou recherche-expérimentation. Ces recherches qui ont une visée descriptive, explicative et prescriptive, consistent à produire des résultats d’intention scientifique par des méthodologies dites de “ terrain ”, c’est-à-dire fortement ancrées au sein des entreprises et des organisations. Les résultats de recherche obtenus sont de deux types : des résultats méthodologiques et des résultats substantiels.

La méthode de recherche de l’ISEOR s’appuie fondamentalement sur l’élaboration et la validation d’hypothèses de connaissances à partir de l’observation et de données dites de “ terrain ”, c’est-à-dire d’entreprises et d’organisations qui constituent l’objet et le champ de la recherche en Sciences de Gestion. Le chercheur dit “ intervenant-chercheur ” a pour objectif de mieux connaître et mieux comprendre les phénomènes observés “ par et pour l’action ” (Avenier, 1989). Il se situe donc dans une perspective résolument transformative de l’objet de recherche, l’une des hypothèses fondamentales dans la méthodologie de la recherche-intervention étant celle de l’interaction entre le chercheur et son “ terrain ”.

Les quatre années passées à l’ISEOR (quatre années intégrée à plein temps à l’ISEOR et les deux suivantes en tant que chercheur, mais détachée des terrains de recherches du centre) nous ont permis d’appréhender en profondeur les concepts créés et développés par H. Savall et son équipe et de développer une méthodologie de recherche en matière de veille stratégique dans les organisations que nous avons pu expérimenter par la suite sur le “ terrain ”. Ces expérimentations sur le terrain ont apporté des réajustements à la méthodologie initiale et nous ont permis de tester nos hypothèses de départ.

Henri Savall est à l’origine d’une analyse appelée “ socio-économique ”. Les premiers éléments de conceptualisation de l’analyse socio-économique sont apparus dès 1974. Ce courant remet en cause le concept socio-technique d’ “ optimisation ” pour lui substituer le concept d’ “ efficience ”. Autrement dit, il passe d’une notion de maximisation des ressources à celle de mise en relation des moyens et des résultats souhaités. En outre, il ouvre la vision technique du travail à la dimension économique de l’organisation.

L’analyse socio-économique se propose d’améliorer l’efficience socio-économique de l’entreprise en définissant le domaine de compatibilité des objectifs économiques et sociaux par une recherche expérimentale. Elle se démarque par là des paradigmes classiques tels que les théories mécanistes classiques, les théories des relations humaines ou les approches sociologiques et socio-techniques.

Elle considère l’entreprise, et par extension, l’organisation, comme un ensemble complexe de structures (éléments relativement stables ou permanents de l’organisation) et de comportements (logiques relativement instables). Les structures et les comportements interagissent : les structures exercent une pression sur les comportements humains – notion de prégnance -, les comportements modèlent les structures. Les frictions permanentes entre les structures et les comportements sont à l’origine d’un écart entre le fonctionnement attendu, l’orthofonctionnement et le fonctionnement réel de l’organisation. Cet écart constitue des anomalies de fonctionnement de l’organisation dans son environnement pertinent : les dysfonctionnements. Ce sont les déperditions d’énergie du système.

Pour accroître la performance économique et sociale, l’approche socio-économique propose de réduire les dysfonctionnements en agissant de façon simultanée sur les structures et les comportements. Pour cela, elle propose un ensemble d’outils de management et d’intervention appelé “ outils de management socio-économique ” et “ méthodes d’intervention socio-économique ”.

Cette approche a orienté notre démonstration notamment dans la seconde partie de notre thèse, sur un plan surtout méthodologique. Dans la phase de mise en place et de dynamisation d’un processus de veille stratégique, la base de notre travail a été constituée des outils et méthodes d’intervention de l’analyse socio-économique.

Notes
55.

Henri SAVALL et Véronique ZARDET, “ La dimension cognitive de la recherche-intervention : la production de connaissances par interactivité cognitive ”, Revue Internationale de Systémique, janvier 1995.