Le degré de liberté et la prise de partie du chercheur dans les entreprises

Au cours de nos travaux dans les entreprises, nous nous étions engagés par le cahier des charges à un certain nombre de prestations et de résultats. En cela, il s’avère que nous avions limité notre degré de liberté, laissant ainsi peu de place à la dispersion. En effet, au cours de ses recherches, il est fréquent que le chercheur se trouve face à des problématiques très intéressantes qu’il pourrait avoir envie d’approfondir ou se trouve face à des interlocuteurs lui demandant des “ services ” sur d’autres travaux que ceux initialement prévus. C’est ce que nous appelons “ les tentations du terrain ”. Or, le temps de recherche “ terrain ” est forcément limité et la pertinence des travaux dépendra du maintien de la ligne directrice des travaux de recherche fixée au départ.

Ces propos ne sont pas catégoriques, des contacts très intéressants peuvent être noués avec des acteurs et le chercheur peut noter des idées ou des problématiques qu’il pourra développer au cours d’autres recherches.

Un autre piège à éviter est la prise de parti. Nous ne sommes intervenus directement que pour conduire les diagnostics de veille stratégique, présenter des dossiers de synthèse, révéler les dysfonctionnements et les points d’amélioration recensés au cours de notre intervention, ou encore au moment de monter des groupes de projet d’amélioration des dispositifs de veille ou de création de produits, et dans l’accompagnement de l’entreprise, à la mise en place d’outils permettant un développement des systèmes d’information stratégiques dans le but d’informer la prise de décision de l’organisation. Or, dans l’organisation, le recul du chercheur (par rapport aux rapports de force internes) est tentant à “ exploiter ” pour les acteurs qui vont chercher à le faire s’exprimer pour une cause ou une autre, dépassant bien souvent son champ de compétences. Ici réside le danger : le chercheur, même “ habitué ”, est loin de connaître les enjeux des acteurs et l’historique informelle de la société. En prenant parti, et même s’il pense le faire à bon escient, il perd instantanément sa neutralité et sa crédibilité auprès de bon nombre des acteurs. Cette intervention n'étant pas en prise directe avec son intervention initiale, elle retentit hélas sur les travaux de recherches qui vont s’en trouver faussés. Le chercheur n’est pas un consultant…A plusieurs reprises, nous avons eu à vivre cette situation avec, fréquemment, des acteurs “ de poids ”, demandant au chercheur, au cours de réunion, des avis de manière très directe, afin que celui-ci prenne parti. Rester silencieux et expliquer que l’on sort de notre domaine de compétence est souvent difficile et mal vécu par l’interlocuteur, mais salvateur pour la recherche en cours. Nous avons respecté ce principe de “ neutralité ” (hors du cadre strict de nos recherches) tout au long de nos travaux.