Conclusion

Nous pouvons nous interroger : la notion même d’industrie a-t-elle encore un sens comme délimitation d’un champ d’activités spécifiques ? Certaines utilisations du terme pour qualifier les secteurs les plus divers inclineraient à répondre négativement. Il existe ainsi dans l’administration française une Direction de l’industrie touristique. En l’espèce, l’utilisation du terme vise sans doute à “ ennoblir ” l’activité ainsi qualifiée, à lui donner le “ sérieux ” traditionnellement accordé à l’industrie pour que son importance économique ne puisse plus être mise en cause. Mais l’importance d’une activité ne la transforme pas pour autant en industrie.

Nous trouvons chez divers économistes l’idée que la logique de l’économie capitaliste tend à “ industrialiser ” l’ensemble des activités marchandes. Cette idée n’est pas fausse : certains secteurs des services connaissent maintenant des conditions proches de celles de l’industrie ; de même la contrainte du marché s’impose à des secteurs qui, jusque-là, en étaient plus ou moins préservés : le secteur culturel, par exemple.

A notre sens, ces éléments ne remettent pas en cause la spécificité de l’industrie dans le système productif : en dépit du poids déclinant de sa contribution au PIB et à l’emploi des principaux pays, l’industrie demeure le cœur de l’économie. Ainsi, la puissance relative des industries fonde largement la hiérarchie des puissances économiques ; elle joue un rôle moteur dans la mise au point d’innovations technologiques qui seront ensuite éventuellement appliquées dans d’autres secteurs ; l’analyse de l’industrie constitue un élément indispensable à toute réflexion sur la crise économique, c’est là que se révèle clairement la structure du rapport salarial et la logique de son évolution. C’est enfin l’industrie qui fixe en grande partie les paramètres de la fameuse contrainte extérieure.

L’avenir de l’économie française correspond pour une part importante, à l’avenir de son industrie. Cette affirmation pourra être jugée comme relevant d’un “ industrialisme ” désuet. Faire le point sur la situation de l’industrie ne répond pas à toutes les questions économiques actuelles, mais constitue un aspect nécessaire de toute réflexion prospective sur la place de l’économie française dans l’ensemble européen.

Nos travaux de recherche portent principalement sur les entreprises industrielles. Il semblerait que celles-ci connaissent parfois des difficultés à innover. La rigueur que demande une activité dite de production industrielle laisse parfois peu de place à l’innovation pure, à la créativité. De plus l’entreprise ne dispose pas toujours d’un dispositif de suivi des grands projets nouveaux et/ou imprévus. Souvent trop centrée sur la gestion de la sécurité et le suivi de la production, elle délaisse ou ne développe pas suffisamment certaines activités importantes dans le contexte actuel.

Certains indicateurs actuels nous donneraient à penser que l’industrie est en déclin. Nous avons vu que de nombreux facteurs tempèrent cette idée. Nous pensons qu’elle est en évolution permanente et que de nouvelles industries très performantes voient le jour et se développent de manière internationale, voire transnationale. En effet, les anciens systèmes industriels ont laissé la place à des unités mobiles et souples capables de décisions et de réactions rapides. Avec les évolutions technologiques, le temps a changé d’échelle. Mais les avantages technologiques ne sont pas acquis à toutes les entreprises. La technologie n’est pas un bien également partagé. Elle ne s’obtient pas sur un marché également accessible à tous. Elle est objet de création et de gestion (Tarondeau, 1993). Le succès de ces entreprises sera en partie dû à leur capacité d’innovation et d’adaptation rapide. C’est donc elles qui retiennent notre attention pour le développement de nos travaux de recherche et notre souhait serait de les suivre et de les accompagner dans leurs transformations.