La matrice d’analyse stratégique du Boston Consulting Group

Dans les années 60, une méthode se démarque plus particulièrement, c’est celle du Boston Consulting Group ou BCG. Elle semble avoir été la plus utilisée mais, à la fin des années 70 elle entre en phase de maturité et le Boston Consulting Group propose alors dans les années 80 une nouvelle approche dite de la compétition 69 sur la base temps proche de la matrice concurrentielle de Michael Porter. Nous nous limitons à la première matrice afin d’éviter les redondances et parce que c’est celle qui a retenu notre attention au regard de notre objectif de développement d’outils pour la veille stratégique.

Chaque activité stratégique de l’entreprise est positionnée dans la matrice BCG (figure ci-dessous) en fonction du taux de croissance du marché et de la part de marché relative. Ce positionnement permet de générer des orientations stratégiques dont nous présenterons succinctement les fondements théoriques et empiriques.

Figure n° 28 : La matrice BCG
Figure n° 28 : La matrice BCG

Source : Boston Consulting Group Extrait de : BCG, “ Les mécanismes fondamentaux de la compétitivité ”, Hommes et Techniques, Paris, 1980.

Les activités à faible part de marché sur des marchés en croissance, baptisées “ dilemmes ”, sont des activités en cours d’introduction sur le marché qui consomment des ressources financières importantes (leur marge brute d’autofinancement est largement négative, ce qui est exprimé par MBA<0 dans la figure ci-dessus). Leur faible volume ne leur permet pas de dégager de rentabilité. Elles sont appelées à disparaître par manque de rentabilité ou à réussir par augmentation de leur part de marché relative. Dans ce cas, elles peuvent devenir des activités “ vedettes ” dont la bonne rentabilité dégage les ressources financières importantes qu’exige la croissance du marché. Lorsque le taux de croissance du marché diminue, l’activité stratégique entre dans sa phase de maturité et se transforme en “ vache à lait ”. Ce terme imagé traduit la capacité de ces activités à dégager de grandes ressources financières grâce à une bonne rentabilité et de faibles besoins en investissements. Dans le cas où des activités “ dilemmes ” n’auraient pu acquérir de fortes parts de marché avant la maturité de celui-ci, ces activités deviendraient des “ poids morts ” qui n’auraient plus leur place au sein de l’organisation.

Deux hypothèses essentielles sont à la base de ce type d’analyse des activités stratégiques. La première suppose l’existence d’une corrélation positive entre volume et rentabilité. Celle-ci résulterait d’économies d’échelle et d’effets d’expérience dans l’activité qui procureraient au concurrent le plus gros des avantages de coûts, lui permettant de dégager une meilleure rentabilité et de contrer efficacement toute tentative de concurrence par le prix. La seconde suppose, pour les activités stratégiques, l’existence d’un cycle de vie analogue au cycle de vie de produit.

Les recommandations stratégiques issues de la matrice BCG sont simples : rentabiliser les “ vaches à lait ”, c'est-à-dire maintenir sa part de marché le plus longtemps possible avec le minimum d’investissements et bénéficier de sa position dominante sur le marché pour dégager des marges fortes. D’après le BCG, il faut maintenir sans investissement ou abandonner les “ poids morts ” et conserver ou accroître sa position dominante pour les “ vedettes ”. Les “ dilemmes ” exigent plus d’attention, deux solutions sont envisageables pour ces activités : soit “ doubler la mise ” pour accroître rapidement leur part de marché ou encore segmenter plus finement le marché afin de trouver une part plus importante sur un territoire plus restreint, soit quitter ses activités afin d’éviter l’échec.

Les recommandations portant sur l’ensemble du portefeuille d’activités font appel aux notions d’équilibre et d’âge de portefeuille. L’équilibre d’un portefeuille d’activités s’analyse en termes de besoin en financement. Un portefeuille équilibré est celui dont les activités mûres financent le développement des activités jeunes. Un portefeuille “ sénile ” est celui qui comporte essentiellement des activités mûres. Il présente des risques liés à l’apparition d’activités de substitution qui pourraient accélérer la disparition de certaines activités mûres.

Un portefeuille “ juvénile ” est celui qui présente principalement des activités jeunes, exigeant de forts besoins en financement. Dans ce cas, le risque porte sur les coûts et délais de conquête de parts de marché et sur la perte de contrôle qui pourrait résulter d’un apport externe de ressources. Un portefeuille est d’autant plus rentable que les activités qu’il comporte sont mûres. C’est un portefeuille risqué car le non-renouvellement des générations d’activités stratégiques peut conduire à la disparition de l’entreprise. La croissance externe par acquisition d’entreprises à portefeuille juvénile peut réduire ce risque.

La matrice BCG présentait des avantages de simplicité et d’opérationnalité qui ont fait son succès ; elle avait aussi comme atout d’intégrer les dimensions finance et marketing de l’entreprise. Elle s’appuyait cependant sur des hypothèses contestables : dans beaucoup de marchés, les performances ne résultent pas du seul volume ; l’attrait d’un marché ne se limite pas à son taux de croissance. Sa simplicité a sans doute engendré des abus dangereux. Les prescriptions qu’elle permet doivent être adaptées aux situations spécifiques de l’entreprise. Le BCG a depuis proposé de différencier les marchés et les modes d’analyse stratégique. D’autres grands cabinets de conseil ont élaboré des matrices plus complexes mais moins opérationnelles.

Notes
69.

BCG, “ Les mécanismes fondamentaux de la compétitivité ”, Hommes et Techniques, Paris, 1980.