Durée et planning

La durée des entretiens était de 1 heure à 1 heure 30 avec un balayage complet du guide d’entretien. Les personnes s’exprimant bien sûr plus sur leurs domaines de compétences, mais leurs avis sur les autres domaines nous intéressait également, car empreint d’un peu de recul et de naïveté parfois très enrichissants. En règle générale, comme nous avons opté pour des diagnostics de type horizontal, nous rencontrions en moyenne entre 12 et 25 personnes par diagnostic. Cette opération, dans sa partie entretien, pouvait donc se dérouler sur une période de 1 à 3 semaines en fonction de la disponibilité des personnes.

Le traitement des entretiens s’exerçant sur une période similaire, les résultats pouvaient être présentés au bout d’un mois et demi. L’avis des chercheurs, accompagné d’un exposé des solutions d’améliorations possibles, avait lieu en moyenne un mois plus tard.

Ces trois étapes, une fois réalisées, permettaient d’entreprendre un travail ‘“ clés en main de dynamisation du processus de veille stratégique de l’organisation ”.’

Présentation d’un cas réel : un avis de chercheur (l’expression du non-dit) tel que nous l’avons présenté à une entreprise de traitement de métal pour cuisine en novembre 1996. On retrouve de nombreux éléments (diagnostics stratégiques, matrices d’analyses …) évoqués précédemment.

Cas de l’entreprise de traitement de métal de cuisine : avis des chercheurs présenté à la Direction de l’entreprise en novembre 1996 74 .
ENTREPRISE DE TRAITEMENT DE METAL POUR CUISINES
AVIS DU CHERCHEUR : NON-DIT
1 - Appréciation du système de veille stratégique de l’entreprise
1 - 1 - Etat d’esprit de veille stratégique de l’entreprise
1) L’entreprise manque de vision stratégique à moyen terme, elle fait une gestion “ pompier ” sur des tâches à court terme et ne se pose pas assez de questions sur les différentes évolutions à trois ou cinq ans, du marché, des produits, de la technologie et du potentiel humain.
2) L’entreprise a connu pendant longtemps une position de leader, elle ne s’est pas suffisamment remise en question. Cette situation entraîne un manque d’ouverture sur l’extérieur et un rejet de toute prospective sur un marché où les concurrents sont nombreux.
3) L’entreprise a une logique budgétaire plutôt que stratégique : elle fonde ses prévisions sur le couple produits existants/tendances actuelles du marché plutôt que sur les marchés potentiels et les produits à développer. Elle est pratiquement entièrement focalisée sur son outil de production d’où découlent ses logiques de fonctionnement.
4) Le positionnement stratégique de l’entreprise est lié aux convictions du dirigeant et de certains membres de l’encadrement, plutôt que sur un traitement d’informations plus large et plus factuel. De ce fait, les idées ou micro-projets multiples sont “ tués dans l’œuf ” sans étude objective de faisabilité et d’opportunité.
Les infléchissements stratégiques se mûrissent et ne constituent pas un simple échange de vues.
L’innovation de demain n’est pas le centre d’intérêt de l’entreprise qui améliore plus ses produits suite à des remarques de la clientèle que par une réelle recherche et développement stratégique.
1 - 2 - Prati q ue de veille stratégique de l’entreprise
1) Le dispositif d’exploitation et de traitement de l’information interne et externe de l’entreprise n’est pas performant, l’entreprise ne surveille pas assez les menaces et ne détecte pas assez les opportunités potentielles dans des temps compatibles avec son délai de réaction.
2) On remarque une faiblesse de l’évaluation des marchés potentiels et des stratégies de pénétration qui s’y rapportent que ce soit à l’exportation (qui est pourtant une partie importante du chiffre d’affaires de l’entreprise) mais aussi sur des marchés comme la restauration hors foyer.
3) Il y a un déséquilibre entre la fonction production et la fonction commerciale/marketing. La production est très puissante et le marketing de l’entreprise est presque complètement inexistant. L’entreprise ne met pas le consommateur au centre de sa réflexion.
4) Les acteurs de l’entreprise ne sont pas assez motivés pour faire remonter l’information. Il y a trois raisons à cela:
- les acteurs ne sont pas suffisamment impliqués dans le développement des orientations stratégiques de l’entreprise.
- les acteurs font des tentatives de remontée de l’information qui se transforment en échecs liés à la faiblesse de la structure de remontée et de redescente de l’information et à un manque d’écoute de la part de la direction.
- les thèmes de veille stratégique ne sont pas formalisés et par contrecoup non explicités.
2 - Solutions racines de renforcement de la veille stratégique
1) Lancer une dynamique collective organisée et progressive de veille stratégique.
2) Revenir à une logique opportunités/menaces et forces/faiblesses notamment sur le couple produit/marché.
3) Organiser un traitement factuel des options/orientations possibles pour l’entreprise et faire jouer au PDG un rôle d’arbitre.
3 - Pistes d’actions concrètes de renforcement de la veille stratégique
1) Nommer des responsables : formaliser et déléguer.
Rendre les acteurs porteurs de thèmes de veille stratégique, lister les sujets et les attribuer selon la nomenclature produit, marché, technologie et potentiel humain.
2) Déterminer le temps à passer par un porteur de thème sur sa fonction de veille.
3) Créer ou utiliser des instances de communication-coordination-concertation.
4) Création d’un tableau de bord de veille stratégique pour chaque porteur de thème et d'un tableau de bord de centralisation des informations pour le PDG.
5) Redéfinir et consolider les fonctions marketing et de recherche et développement stratégiques.
6) Formaliser et piloter les circuits de remontée d’informations
Cette analyse nous a permis de leur proposer un certain nombre d’actions en fonction des thèmes traités.
Liste des thèmes possibles à développer
1) Produits
Etude de faisabilité sur des produits particuliers
Etude de l'évolution des besoins des consommateurs par rapport aux produits
Etude d'image
Campagne de créativité
Circuit de qualité des produits
Cycle de vie des produits
2) Marché
Etude de l'évolution du marché des cuisines sur 5 ou 10 ans
Etude de l'évolution du marché : sur certains segments
Thème de recherche sur la mise en place d'un meilleur dispositif d'exploitation et de remontée de l'information sur les marchés en interne
Internationalisation des marchés et surveillance des nouveaux concurrents étrangers
3) Technologie
Etude des nouveaux matériaux de fabrication par ligne de produits
Recherche d'une meilleure intégration des technologies en interne
Besoins et moyens du bureau d'études à 3 ans
Innovations de demain
4) Potentiel humain
Thème sur l'évolution des compétences à 5 ans
Thème sur l'évolution des postes et des personnes
Les métiers de demain
L'organisation du temps de travail (réduction du temps de travail, aménagement du temps de travail...)
Nous leur avons, pour terminer et afin d’ouvrir le débat, proposé des thèmes de réflexion et des questions qui étaient ressorties à la suite du diagnostic de veille stratégique.
Thèmes de réflexion et questions possibles
Quels sont les autres compétiteurs que les compétiteurs habituels, car il peut exister le risque de voir soudain apparaître de nouveaux arrivants ?
Existe-t-il d'autres produits que ceux de l'entreprise, car il peut exister le risque de voir apparaître de nouveaux produits de remplacement ou de substitution issus d'autres secteurs ?
Quel est le degré d'ouverture sur les technologies nouvelles et les innovations afin, non pas de les subir, mais d'en tirer avantage ?
Et si demain les matériaux changeaient ?
Et si les systèmes d'agencement de cuisine changeaient ?
Et si l'entreprise produisait d'autres types de produits ?
Et si l’exportation était la seule voie de salut ?

Au cours de ce chapitre, nous avons présenté notre démarche de construction d’un diagnostic de veille stratégique. Un travail d’analyse des diagnostics et des matrices d’analyse stratégique nous a permis de mettre en lumière des éléments fondateurs. Puis, le diagnostic socio-économique a été traité car son architecture et son expérimentation nous ont servi de support pratique.

Cette présentation effectuée, nous décrivons la méthodologie de diagnostic de veille stratégique élaborée ainsi que nos interrogations et évolutions. Pour terminer, nous présentons l’avis du chercheur issu d’un de nos diagnostics dans l’entreprise de traitement de métal de cuisine.

Nous sommes ici dans une phase de travail, à la fois première et primordiale, relative aux dispositifs de veille de l’entreprise. Des axes d’amélioration concrets sont proposés dans le chapitre 7 ; pour cela, il est nécessaire d’analyser les pratiques et les dysfonctionnements de veille stratégique recensés (grâce à la conduite du diagnostic de veille stratégique que nous venons de présenter), c’est ce que nous proposons dans le chapitre suivant.

Etant donné la taille d’un diagnostic, nous ne pouvons ici en présenter un dans son intégralité ; une annexe présente donc un exemple de diagnostic de veille stratégique caractéristique de ceux que nous avons conduits. Néanmoins, nous allons les synthétiser en présentant les principaux problèmes et pratiques rencontrés en matière de veille stratégique dans les organisations étudiées, ce qui constitue une véritable plate-forme de travail avant le développement et la mise en place d’outils de dynamisation.

Notes
74.

Cas présenté par Marie-Christine CHALUS, sous la Direction de Henri SAVALL et avec la participation de Vincent CRISTALLINI en novembre 1996.