1 - Thèse et limites de la définition “classique” de la citoyenneté

Une réflexion sur la citoyenneté ne peut se défaire de son pendant concernant la nationalité. Le lien entre nationalité et citoyenneté est ainsi systématiquement réaffirmé72. La nécessité d’une réflexion simultanée sur la nation et la citoyenneté semble donc s’imposer.

Notes
72.

Jean Leca précise que “la plupart des Etats modernes établissent un lien entre citoyenneté et nationalité” [“Questions sur la citoyenneté”, Projet, n° 171-172, 1983, p. 117], ou encore qu’ “au niveau de l’individu-citoyen de l’Etat-nation, la citoyenneté et la nationalité se superposent “normalement” c’est-à-dire aussi “normativement”, et de ce fait deviennent en principe des concepts interchangeables” [“La citoyenneté entre la nation et la société civile”, in Dominique Colas (dir.) et al., Citoyenneté et nationalité. Perspectives en France et au Québec, Paris, PUF, 1991, p. 482]. Ce souci, confinant à l’antienne n’est pas absent chez Dominique Schnapper qui affirme que “la démocratie moderne est née sous forme nationale. La nation moderne (...) est apparue depuis la Révolution américaine et la Révolution française comme l’organisation politique légitime universelle” [Dominique Schnapper, La communauté des citoyens. Sur l’idée moderne de nation, Paris, Gallimard, 1994, p. 13]. C’est également ce que rappelle Pierre Rosanvallon en notant que “le travail de l’universalisation est ambivalent. S’il tend à faire de chaque être humain un électeur, la sphère de la citoyenneté se dilatant au rythme de l’individualisation du social, il s’accompagne parallèlement de l’érection d’une impérieuse frontière : celle de l’identité nationale”. Et de conclure : “Il n’y a pas de citoyen représentable, en d’autres termes, si l’étranger n’est pas désigné et circonscrit avec précision. L’ouverture du procès d’égalisation se double de la stricte fermeture du critère d’appartenance. (...) Aussi ne peut-on séparer une histoire de la citoyenneté d’une appréhension du concept de nationalité” [Pierre Rosanvallon, Le sacre du citoyen. Histoire du suffrage universel en France, Paris, Gallimard, 1992, “Bibliothèque des histoires”, pp. 422-423]. Il faut toutefois indiquer que le lien entre nationalité et citoyenneté, s’il est particulièrement fort en France, n’est pas construit de façon aussi rigide dans d’autres pays. Cf. Sophie Body-Gendrot, Bernard d’Hellencourt, Michel Rancoule, “Entrée interdite : la législation sur l’immigration en France, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis”, Revue française de science politique, vol. 39, n°1, fév. 1989, pp. 50-74. En outre, les récents développements d’une citoyenneté européenne incitent à penser que cette congruence entre nationalité et citoyenneté peut laisser place à d’autres configurations. Cf. notamment l’introduction de Pierre Birnbaum au n’1 (vol. 46, 1996) de l’Année sociologique consacré à “Nation, nationalisme, citoyenneté”. On pourra également consulter Fred Constant, La citoyenneté, Paris, Montchrestien, “Clefs politique”, pp. 106 et s.