A/ La citoyenneté comme contrat

C’est le modèle développé par Dominique Schnapper dans La communauté des citoyens qui nous servira de fil rouge tout au long de ce développement pour penser la thèse de la citoyenneté classique73. Ce modèle a en effet pour prétention de s’extraire des jugements moraux et/ou nationalistes sur la nation : “il ne s’agit pas là, nous dit-elle, de formuler un jugement de valeur, qui montrerait la supériorité morale ou politique de la nation “politique” sur la nation “ethnique”, mais de tirer les conséquences logiques d’une définition analytique74. Ce voeu conduit à privilégier un modèle idéal typique75 de la nation, représentatif de la théorie classique de la nation et de la citoyenneté : “(...) si l’on accepte de caractériser la nation démocratique par l’ambition, par définition jamais pleinement réalisée, de créer une société politique en transcendant par la citoyenneté les enracinements concrets et les appartenances et fidélités particulières, il n’existe pas deux idées de la nation, mais une seule, inégalement et différemment accomplie, selon des formes chaque fois singulières, en fonction du projet politique qui est à l’origine de la construction nationale”76.

Notes
73.

L’appui quasi exclusif sur l’ouvrage de Dominique Schnapper, La communauté des citoyens. Sur l’idée moderne de nation, Paris, Gallimard, “NRF Essais” 1994, 228 p., est motivé par le constat selon lequel cet ouvrage, et plus généralement les positions développées par l’auteur, connaissent une très large audience, tant auprès du monde scientifique que du grand public. Il apparaît ainsi paradigmatique d’une pensée de la citoyenneté. D’autre part, si l’intérêt que nous portons à cet ouvrage interdit de mesurer l’ampleur de la littérature en la matière, il permet en revanche une analyse détaillée d’un raisonnement commun à nombre d’auteurs.

74.

Dominique Schnapper, “La conception de la nation”, Cahiers Français, La Documentation Française, n° 281, mai-juin 1997, p. 17.

75.

La description de ce modèle idéal-typique (l’expression revient plusieurs fois dans son texte, notamment p. 47, 96, 112, 181) s’appuie sur des termes très normatifs comme en témoignent les exemples suivant : “Concrètement il faut que les citoyens comprennent et respectent - au moins passivement - les règles selon lesquelles fonctionne le politique” [p. 113] ou encore “l’administration, le Parlement, les partis, les pouvoirs locaux ou les syndicats contribuent à l’intégration nationale en organisant la vie publique selon des règles communes et admises par tous” [p. 126] ; Cf. Dominique Schnapper, La communauté des citoyens, op. cit.

76.

Dominique Schnapper, La communauté des citoyens, op. cit., p. 178. C’est nous qui soulignons.