Les limites d’une lecture en terme d’offre politique

Procéder grâce à la logique de l’offre et de la demande semble conduire à privilégier ce qui relève de l’offre politique c’est-à-dire les productions du champ politique légitime et partant, à ignorer toutes formes alternatives d’expression.

Le modèle du marché appliqué à l’analyse du champ politique conduit bien souvent à privilégier l’analyse de l’offre politique c’est-à-dire les mécanismes d’ “imposition du politiquement pensable”161. Les demandes ont alors un statut annexe, se réduisant souvent à une image inversée de l’offre : les demandes politiques ne seraient ainsi qu’un artefact de l’offre162. En somme, si cette conception du champ politique à travers la notion de marché a le mérite de pointer l’importance de l’offre politique - et partant la domination dont les profanes sont victimes -, elle échoue en revanche en ce qui concerne l’exploration d’une hypothétique demande politique.

Suite à un tel modèle, on pourrait penser que l’analyse de la réception des discours politiques est considérée comme particulièrement pertinente. Mais il semble que, là encore, cette réception soit traitée dans le cadre de l’imposition du politiquement pensable, conduisant ainsi à ne reconnaître dans celle-ci ni création propre ni compétence particulière de la part des profanes. La réception se conçoit alors plus comme la seule assimilation / intériorisation d’une offre politique et n’est conçue que comme résultat de la domination. Cette conception de la domination symbolique incline à penser la domination comme système total, sans jeu et sans ligne de fuite163.

Notes
161.

Sur la question des limites de l’analogie cf. Jean-Claude Passeron, Le raisonnement sociologique. L’epace non-poppérien du raisonnement naturel, Paris, Nathan, 1991, “Essais et recherches”, 408 p. ; Bernard Lahire, L’homme pluriel. Les ressorts de l’action, Paris, Nathan, 1998, ”Essais et recherches”, 271 p. ; Jacques Bouveresse, Prodiges et vertiges de l’analogie. De l’abus des belles-lettres dans la pensée, Paris, Raisons d’agir, 1999, 158 p.

162.

Ce biais est d’autant moins étonnant qu’il semble particulièrement difficile de construire une définition de ce que pourrait être une demande politique.

163.

Cf. la critique qu’en fait Vincent Dubois, La culture comme catégorie d’intervention publique. Genèse et mise en forme d’une politique, Thèse pour le doctorat en science politique, IEP de Lyon - Université Lyon 2, 1994.