Le dépouillement des archives municipales confirme la présence de lettres de simples citoyens, adressées au maire de la ville. Quelques exemples tirés des premières années d’exercice d’Edouard Herriot à la tête de la mairie lyonnaise en font foi213 :
St Just le 13 novembre 1907
Monsieur le Maire de Lyon
Ayant reçu une lettre de mon cousin natif et demeurant à Troyes rue Turenne mon pays natal me conseillant de m’adresser à vous qui êtes de l’aube et qui avait le coeur bon et droit.
Je suis depuis 16 mois jardinier fleuriste chez les soeurs de compassion, Rue de l’Antiquaille et voilà que ayant su que j’étais socialiste elles m’ont donné la huitaine. Dans ce moment, je n’ai trouvé aucune place. J’ai été à tout les bureaux de placement.
Mon cousin m’a conseillé de m’adresser à vous. Si c’était un effet de votre bonté, si vous vouliez bien me faire trouver une place, un mot de vous suffit pour me rendre heureux.
Je peux faire n’importe quoi, je suis fort et j’ai 40 ans.
Vous me pardonnerez mon ardiesse, j’ai confiance en vous et cela vous portera bonheur car vos mérites vous porterons aux plus hautes dignités.
Si je peux espérer à une réponse en vous remerciant mille fois.
Veuillez agréer les plus sincères respect de votre serviteur.
A. Chatrian
29 avril 1908
Monsieur Herriot
J’ai l’honneur de solliciter de votre bienveillance, si vous pouviez me fournir un appui au dépôt des machines de Lyon-Mouche. Je vous serai très reconnaissant.
(...)
J’espère Monsieur Herriot que si vous le pouvez vous me donnerez pleine et entière satisfaction.
Veuillez agréer Monsieur Herriot mes sincères salutations. Votre humble et dévoué serviteur
Riot Jean
31 Mars 1910
Monsieur le Maire,
Vous avez une conscience, vous êtes humain, eh bien je vous en supplie, entendez et faites entendre mes plaintes.
Voilà cinq mois que je suis détenu cellulairement à la Prison St Paul à Lyon, sous la prévention d’abus de confiance que je n’ai pas commis.
J’affirme sur ma vie que je suis innocent, que je n’ai commis aucun des délits que l’on me reproche.
(...)
L’élection d’Edouard Herriot au Sénat puis, plus tard, son accession à la présidence du Conseil semblent influer sur la nature des courriers qu’il peut recevoir. Ses titres nationaux ont pour double effet, d’une part, d’élargir le cercle géographique des requêtes à la région voire à la France entière, et d’autre part, de modifier le circuit des plaintes : ce sont des intermédiaires - maires, députés, amis - qui assurent la transmission des requêtes des simples citoyens vers le président du Conseil. Dans l’exemple suivant c’est un tiers qui assure le lien entre les demandes des citoyens et le destinataire.
Lyon le 19 octobre 1912
Monsieur Herriot, Maire de Lyon, Sénateur du Rhône
Une dame faisant partie de la Fédération des Locataires est venu me trouver pour que je veuille bien la recommander à votre haute protection.
(...)
Sachant que vous pouvez beaucoup, je viens vous demander de bien vouloir user de votre influence en faveur de cette dame.
Veuillez agréer, Monsieur le Maire l’assurance de ma haute considération.
Ces lettres font la plupart du temps l’objet d’une “réponse banale” dont on trouve ici un brouillon :
Mon cher ami, (de la main de M. le Maire)
J’ai l’honneur de vous accuser réception de votre lettre du 12 août courant [1935] par laquelle vous attirez mon attention sur M. Prunet, collaborateur du Directeur du Grand Théâtre de Lyon.
J’examinerai la demande de M. Prunet avec toute la bienveillance que lui assure votre recommandation.
Fidèle souvenir (de la main de M. le Maire)
Agréer...
Le Maire214
Encore ces exemples ne reflètent-ils qu’imparfaitement la masse et la diversité des courriers adressés au maire. En effet, le premier magistrat et son cabinet sont loin de traiter l’ensemble des lettres. Les différents adjoints répondent à la plupart des demandes en signant “Pour le Maire”. Il en est de même des services administratifs de la ville de Lyon qui sont amenés à enregistrer et traiter un grand nombre de plaintes et réclamations des administrés215.
“Cabinet du maire, Correspondance”, AML 985 WP 013. Ces lettres sont adressées à E. Herriot alors qu’il occupe le poste de premier magistrat de la ville. Ces dossiers comprennent, dans le plus grand désordre, des lettres reçues des différentes administrations, des invitations à des spectacles, courses, expositions, dîners et des propositions en vue d’assurer la présidence d’honneur de manifestations ou d’ouvrages.
Cabinet du maire, Correspondance pour E. Herriot 1912-1913, AML 985 WP 014.
Un des seuls registres d’entrée du courrier conservé par les archives lyonnaises concerne l’activité de la 2ème division, 3ème bureau, service de la voirie qui a enregistré de septembre 1952 à septembre 1953 1152 courriers. Parmi ces derniers, environ 20% proviennent de particuliers qui abordent des questions de stationnement, de signalisation, de sens de circulation ou de contravention, mais aussi de bruits. Ces courriers sont maintenus dans le service voirie ou sont dirigés vers le commissaire de police pour tout ce qui concerne les questions d’ordre public. AML 1130 WP 001.