Le nombre global de courriers adressés à la mairie de Lyon, malgré l’entreprise de rationalisation du service de réception, reste problématique à établir avec précision. On peut toutefois penser, notamment au vu des données collectées dans les différents documents d’audit, que près de 16.000 courriers - lettres, documents, paquets, recommandés... - sont traités par la municipalité de façon mensuelle.
Parmi ces plis, 13.500 sont directement orientés vers les services alors que 2.500 sont traités par “le service courrier du secrétariat général”. Ce dernier attribue 600 d’entre eux au Cabinet du Maire et transmet le reste, soit environ 1.900 lettres mensuelles, aux adjoints, aux chefs de service et au secrétaire général.
Le service courrier dépouille et enregistre sur ordinateur quelques 700 des 2.500 missives mensuelles destinées aux maire, élus, chefs de service et secrétaire général de la mairie239. Ces 700 lettres concernent les demandes adressées à la municipalité qui nécessitent un avis ou une réponse de la part du cabinet du maire ou des adjoints240.
Ces courriers, qui font l’objet de statistiques offrent un panorama de cette activité épistolaire, notamment en ce qui concerne les courriers provenant de simples citoyens. L’enregistrement des courriers permet d’abord de considérer la nature des destinateurs : un tiers des personnes écrivant à la mairie de Lyon sont des individus241 quand 40% sont des groupes ou associations242.
| Destinateurs | ||
| A - Individuel | 31% | |
| B - Association - Fondation - Société - Groupe | 42% | |
| C - Organismes publics | 27% | |
| dont | ||
| OPAC-OPHLM-SEM-HCL- | 6% | |
| Préfecture | 5% | |
| Courly | 1% | |
| Mairies d’arrondissement | 1% | |
| Municipalité | 4% | |
| Département | 1% | |
| Région | 2% | |
| Etat et services ministériels | 6% | |
| Organisation internationale | 1% | |
| TOTAL | 100% |
De façon mensuelle, le cabinet du maire reçoit quelques 600 courriers, dont environ 180 proviennent d’individus.
C’est ensuite la nature des courriers qui est prise en considération.
| Nature des courriers | |
| Pour information - Remise de documents | 19% |
| Demande d’intervention - Intervention | 14% |
| Doléances | 13% |
| Réflexions - Commentaires | 6% |
| Demande d’emploi | 5% |
| Demande d’audience | 4% |
| Remerciements - félicitations - soutien - voeux | 4% |
| Invitation - Demande de participation personnelle | 3% |
| Demande de subvention, financement, cotisation | 3% |
| Avis de réception de courrier et réponse | 3% |
| Demande d’occupation (salons de l’Hôtel de Ville) | 3% |
| Demande de renseignements | 3% |
| Remise de livres et autres objets (libéralités, dons) | 3% |
| Demande d’un objet (dont discours R. BARRE) | 2% |
| Demande d’autorisation | 2% |
| Autres demandes | 2% |
| Offre de service - Offre d’achat | 2% |
| Demande d’avis | 1% |
| Demande de dérogation | 1% |
| Demande de logement | 1% |
| Demande de mutation (et d’aide pour...) | 1% |
| Demande d’intervention après sanction | 1% |
| Demande d’aide financière | 1% |
| Demande de présidence, inauguration, parrainage | 1% |
| Demande d’adhésion à une action (Ville de Lyon) | 1% |
| Demande de travaux | 1% |
| Dons divers (et proposition de...) | négligeable |
| Demande d’aide exceptionnelle | négligeable |
| Demande de promotion (et d’aide pour...) | négligeable |
| Demande de collaboration | négligeable |
| Contrôle de légalité | négligeable |
| Demande de dédicace, photo, autographe, petit mot | négligeable |
| Garantie d’emprunt | négligeable |
| Demande de conférence ou d’article | négligeable |
| TOTAL | 100% |
Les doléances portent, pour 44%, sur des questions de sécurité, pour 33% sur des problèmes de pollutions (air et déjections canines) et enfin pour 20% sur les questions liées aux impôts ou aux transports (embouteillages, périphérique).
Au terme de ce premier bilan, force est de constater l’importance que revêt le courrier adressé aux élus et en particulier au maire de Lyon. Importance numérique d’abord, qui exige une structure politique et administrative capable de gérer et de répondre à l’ensemble des requêtes qui lui sont adressées.
Importance accordée par les élus et les services municipaux ensuite, qui considèrent le courrier comme un indicateur pertinent de l’état d’esprit de la population dont ils ont la charge et des problèmes que cette dernière rencontre quotidiennement.
Importance enfin dans les pratiques de légitimation des élus. Le courrier apparaît en effet aujourd’hui comme une ressource largement mobilisée dans les discours politiques et dans les stratégies de légitimation des élus. Dans les émissions de radio, sur les plateaux de télévision, dans les journaux ou lors de cérémonies particulières, les hommes politiques sont souvent amenés à réitérer leur souci de satisfaire à la fois chacun de leur concitoyens et tous leurs concitoyens : la preuve de l’intérêt qu’ils portent aux administrés réside souvent dans l’invocation des nombreux courriers que ces derniers leur font parvenir et l’effort qu’ils consentent pour y donner une suite favorable.
La mention du courrier reçu semble en effet cumuler un double avantage dans la perspective d’une légitimation des élus. Le courrier peut être considéré comme le support privilégié de l’expression de problèmes individuels, comme il peut, s’il est envisagé de façon globale, être interprété comme l’expression d’un collectif de citoyens. Le maire peut donc se prévaloir d’être au fait des revendications qui, tout en étant singulières, dessinent des enjeux partagés. Le collectif ainsi construit - la plupart du temps à l’insu des scripteurs - peut être mobilisé par les élus afin de justifier telle ou telle pratique ou projet municipal243. Dans le même temps, la référence que font les élus aux courriers qui leurs parviennent est l’occasion de rappeler que la bonne gestion municipale se double d’une préoccupation constante quant au sort de chacun des concitoyens pris individuellement. Le courrier permet alors d’exemplifier les actions spécifiques qui sont entreprises par les hommes politiques en direction d’individus toujours singuliers, caractérisés par des difficultés et des problèmes particuliers244. Cette attention aux problèmes, dits quotidiens, des citoyens fait pleinement partie du métier d’élu. Ainsi, nombreuses sont les situations qui voient les élus brandir les courriers pour arguer de leur préoccupation constante vis-à-vis des problèmes quotidiens de leurs concitoyens ou pour justifier une intervention ou une décision intéressant l’ensemble de la population.
70% des lettres enregistrées sont transmises au cabinet du maire soit près de 500 lettres sur les 600 que reçoit mensuellement le cabinet.
En ce qui concerne le cabinet du maire, l’ensemble des courriers nominatifs est ouvert et dépouillé par le service du courrier du secrétariat général. Les courriers non nominatifs sont triés à la cellule réception du courrier et sont orientés pour certains directement sur les services concernés - par exemple une demande d’état civil - alors que les courriers dits “sensibles” sont confiés au service courrier du secrétariat général qui les enregistre et les transmet au maire. Les rapports, les revues, les invitations, ainsi que tous les plis portant les mentions de personnel ou confidentiel ne sont pas enregistrés mais transmis directement au cabinet ou à la secrétaire particulière du maire.
En ce qui concerne les adjoints, l’ouverture et le dépouillement des courriers semble soulever plus de problèmes. Certains adjoints s’opposent à ce que le service courrier intervienne sur les courriers qui leur sont adressés. Cependant, en ligne générale, les courriers nominatifs accompagnés du titre d’adjoint sont ouverts. Là encore, les lettres manuscrites ne portant que le nom de l’adjoint, les lettres personnelles et confidentielles, les lettres mentionnant d’autres titres que celui de simple adjoint, les invitations, documents d’information et invitations ne sont pas enregistrés sur ordinateur.
On peut se reporter à l’organigramme de gestion de la réception du courrier figurant en annexes.
Individuel : “individu qui écrit en son seul nom, n’engage que sa responsabilité ou celle de proches peu nombreux dont il est le porte-parole pour lesquels il demande une intervention”. cf. Rapport d’activité : Secrétariat Général, Service du Courrier, CRM Courrier enregistrement 1997-1998, s.d., p. 5.
Cette catégorie réunit “les personnes morales de droit privé et les ensembles de personnes réunies autour d’un intérêt commun au nom desquels elles se manifestent, même si une seule personne physique est identifiée”. Sont ainsi regroupés, “les associations, les fondations, les sociétés, les groupes industriels, commerciaux ou de services, les syndicats, les groupes de pression, mais non les personnes se regroupant autour d’une pétition”, cf. Rapport d’activité : Secrétariat Général, Service du Courrier, op. cit., p. 5.
On en tient pour preuve la mention relativement fréquente de ces courriers dans les discours que tiennent les hommes politiques dans les journaux, à la télévision ou à la radio.
Ce mode de légitimation qui passe par le rappel de l’attention que l’élu porte à chacun de ses concitoyens est semble-t-il parallèle au traitement réservé dans les médias aux paroles des “gens”, pour reprendre une rubrique de Libération. On pense ici aux émissions télévisées qui s’appuient systématiquement sur des exemples permettant d’illustrer, toujours de façon particulière, un problème plus général. On pense aussi à la présence des auditeurs ou lecteurs que les journalistes convoquent de façon quasi systématique dans les émissions de radio ou dans les journaux. Ces auditeurs sont appelés à intervenir directement à l’antenne ou sont rendus présents dans le courrier des lecteurs. Ils font également l’objet de nombreux commentaires de la part des journalistes qui, dans le moment même de leur intervention sur les ondes, anticipent les commentaires qui ne manqueront pas de leur parvenir de la part d’auditeurs mécontents. De même, on a pu voir l’apparition, notamment dans Le Monde, d’un médiateur se faisant le relais des plaintes remarques ou précisions que les articles parus dans le journal pouvaient soulever parmi les lecteurs. Cf. pour une revue de la littérature en la matière, Brigitte Le Grignoux, “Le rêve démocratique de la télévision : l’exemple des vox-pop talk-shows”, Cahiers politiques, CREDEP Paris IX Dauphine, n°24, fév. 2000, pp. 30-46.