B/ Les effets de la prise de parole sur la décision politique et sur la structure politico-administrative

Selon Sidney Verba et Norman H. Nie, la participation politique se caractérise par “des activités exercées par des citoyens privés qui visent, plus ou moins directement, à influencer la sélection du personnel et/ou des actions qu’il entreprend”318. Si le vote, le fait de faire campagne ou encore les activités politiques locales au sein de groupes ou d’associations font pleinement partie des moyens à disposition des citoyens pour influencer le gouvernement et en obtenir des biens, il en est de même de l’activité épistolaire : il s’agit d’une activité à part entière, pratiquée par des citoyens privés, et visant bien, la plupart du temps, à influer sur les actions du personnel politique. Cette activité est donc comprise dans le continuum des pratiques de participation :

‘“Faire campagne et voter sont des activités qui s’inscrivent dans le cadre des élections dont les objets et le déroulement, contrôlés par les candidats, s’imposent aux citoyens. A l’opposé, on trouve des individus invitant par des contacts individuels les agents politiques à répondre à des demandes personnalisées. Il s’agit d’un échange directe entre un citoyen et des membres ou des groupes politiques. (...) Ce type de participation, que l’on appelle “citizen-initiated contacts” représente, [avec le vote et le fait de faire campagne], un troisième type de participation politique”319

Cette définition invite alors à considérer les types de biens, individuels ou collectifs, que ces contacts personnalisés permettent aux citoyens d’obtenir ou, pour le dire autrement, à interroger les effets tant politiques qu’administratifs de ces courriers. Si les courriers reçoivent une attention particulière de la part du cabinet du maire ou des services chargés d’y répondre, qu’en est-il de leur impact sur ces entités ?

Ces courriers, expression de problèmes singuliers ou collectifs suffisamment importants pour que les citoyens prennent la peine d’en faire part au maire, se traduisent parfois par la production d’output de la part de la municipalité et plus souvent par une certaine influence sur les mesures qu’elle peut prendre (1). Par ailleurs, ces plaintes ou demandes, dans leur diversité, dépassent souvent le domaine d’intervention de la municipalité et contribuent à l’accroître, jouant ainsi un rôle non négligeable dans le développement des charges pesant sur cette dernière (2).

Notes
318.

“Political participation refers to those activities by private citizens that are more or less directly aimed at influencing the selection of governmental personnel and/or the actions they take”, Sidney Verba & Norman H. Nie, Participation in America, op. cit., p. 2. La traduction est proposée par Dominique Memmi, “L’engagement politique”, Traité de Science politique, op. cit., p. 311. Cette définition est encore aujourd’hui au fondement des travaux de Sydney Verba : “Through the multiple forms of political activity, citizens have an opportunity to communicate their concerns and wishes to political leaders and thus to attempt to influence public outcomes”, S. Verba, K.L. Schlozman, H. Brady, N.H. Nie, “Citizen Activity : Who Participates ? What Do They Say ?”, American Political Science Review, vol. 87, n°2, June 1993, p. 303.

319.

Sidney Verba & Norman H. Nie, Participation in America, op. cit., pp. 46-47. C’est nous qui traduisons et soulignons.