Nous avons vu que les locuteurs s’adressant au maire sous le régime de l’interpellation assujettie faisaient souvent partie des plus démunis. Socialement dominés, ils n’auraient d’autres choix que d’user de ce modèle ? La transition entre la faiblesse des ressources à disposition des locuteurs et leur inscription comme sujet dans le modèle de la sujétion n’est pourtant pas aussi mécanique. En prêtant attention aux tensions dans lesquelles les citoyens sont pris en interpellant le maire en tant que sujets, et partant aux contraintes auxquelles ils doivent faire face, on s’aperçoit en effet que les locuteurs doivent mettre en scène l’asymétrie avec le maire. Autrement dit, le modèle de la sujétion n’implique, pas plus qu’un autre modèle, que les relations instaurées sont subies527.
Le modèle de la sujétion peut d’ailleurs ouvrir sur une inversion de la relation de domination que Philippe Corcuff et Nathalie Depraz ont pu décrire dans le régime de la compassion. Cf. “Vers une sociologie de l’interpellation éthique dans le face à face. Le cas des relations infirmières/malades et agents de l’ANPE/chômeurs”, GSPM-EHESS, document de travail, 1995.