B/ Les courriers pamphlétaires adressés au maire de Lyon

Le monde construit par les locuteurs s’adressant au maire au travers de courriers pamphlétaires est un monde manichéen : la pureté et la vérité s’opposent au monde maléfique de l’imposture figuré ici par le monde politique qu’incarne le maire.

Cette opposition travaille l’ensemble des courriers des locuteurs. Du côté de la pureté, est auréolée une sphère politique préoccupée des Français, de leur devenir, de leur préservation616, de leur bien-être - “Ce “bordel” finira j’en suis sur. Nous méritons autre chose. Nous sommes une nation respectable - mais si peu respectée” [23]. Les locuteurs rappellent à l’envi les valeurs républicaines originelles - “Je suis allé, moi, à l’école de Jules Ferry de la République Française” [23], et bannissent toute controverse ou polémique politiciennes accusées d’aller à l’encontre de la concorde et de la grandeur - “Au lieu d’avoir de belles idées vous préférez vous manger entre vous. La grandeur ou est elle ? et les idées ?” [274]. Les descriptions de ce monde mystique, qui ne sont souvent qu’ébauchées, s’appuient sur et confortent une image mythique de la France, de son histoire, de sa grandeur ; elles trouvent dans le monde perverti un envers parfait.

Du côté de l’impur, les idéaux sont vidés de tout ce qui fait leur grandeur au profit de notions antinomiques : “Désordre, laxisme, pagaille, tel est la devise Républicaine. Après ça allez donc fêter le Bicentenaire de la Révolution” [243]. Tous les qualificatifs indiquant la décadence de la population, de la terre, du régime politique, du contrat social sont mobilisés pour caractériser une France perdue : “Pauvre terre de France mal gouvernée , vendue , dénatalisée , vieillie , vendue par ses élus aveugles” [101, souligné par l’auteur]. La classe politique tenant, dans la promotion d’un tel chaos, un rôle de premier plan : “En France, vous ne faites que de la politique. Le résultat, nous le voyons chaque jour - minable - déplorable” [23].

Dans ce monde construit sur l’opposition entre une politique pure - ou “mystique” pour emprunter au vocabulaire de Charles Péguy -, et une politique impure - ou politicienne -, les locuteurs s’érigent en garant de la pureté, de la vraie politique. Le maire est quant à lui renvoyé du côté d’un monde perverti, d’un monde perdu qu’il est accusé d’avoir en partie contribué à faire chuter. On est donc en présence de deux mondes totalement opposés qu’aucun terrain commun ne semble pouvoir réunir, qu’aucune équivalence ne semble pouvoir faire communiquer.

Ce sont ces mondes parallèles que l’on se propose de découvrir en prêtant attention aussi bien aux légitimités et fondements mobilisés par les citoyens qu’aux critiques que ces derniers adressent à leur maire (1). On verra alors dans un deuxième temps en quoi ce genre pamphlétaire implique un mode argumentaire spécifique - et partant des fautes de grammaire possibles - mode avant tout destiné à convertir son auditoire (2).

Notes
616.

Dans le cadre des lettres racistes, ce monde de la pureté est représenté par les valeurs de l’occident opposées aux valeurs prêtées aux musulmans. La trahison consiste alors en la promotion des valeurs de l’ennemi. “Cette religion raciste envers la femme et qui dégrade la condition féminine à l’état d’esclave est inacceptable sur notre sol et contraire à l’Esprit de 89 et aux droits de l’homme. Comme toujours cette manoeuvre sournoise propre à la félonie islamique, culpabilise une fois de plus les Français. En quoi somme nous responsable d’islamas barbares qui ne respectent pas la règle commune imposé à tous sans distinction de races ou de confession. Et vous vous voulez leur batir un centre islamique (Une base logistique subversive)” [174, c’est nous qui soulignons].