Quels modes d’interpellation sont les plus parcourus dans ce type de contacts ? Comment expliquer ces différences ? L’analyse de la fréquence d’usage des différents registres est incontournable ; elle n’est pourtant pas sans poser problème. Les lettres auxquelles nous avons pu avoir accès sont d’abord en nombre limité : aucune approche statistique vraiment représentative ne peut être menée sur un tel panel. Mais le problème tient surtout au fait que les lettres que l’on a pu consulter ont toutes fait l’objet d’un traitement préalable par la municipalité. Les lettres provenant de groupes de pression ou d’associations sont en effet rarement archivées dans les mêmes dossiers que celles provenant de simples individus. L’éparpillement des courriers rend alors difficile toute analyse rigoureuse de la proportion des modèles sollicités dans les courriers.
Malgré ces contraintes, les principaux modèles saisis par les citoyens dans leurs contacts épistolaires peuvent être approchés. Sur l’ensemble des courriers sur lesquels un traitement statistique a été opéré, la répartition moyenne est la suivante :
| Modèles | % de lettres |
| Citoyen | 45 |
| Sujétion | 18 |
| Aristocratique | 10 |
| Industriel | 9,5 |
| Action collective | 9 |
| Pamphlétaire | 8,5 |
| Total | 100% |
Ce tableau indique combien le modèle citoyen est, de loin, le plus sollicité par les épistoliers interpellant le maire. On pourra également remarquer que près d’un courrier sur cinq obéit à la grammaire de la sujétion. Enfin, l’usage plus restreint du modèle de l’action collective tient essentiellement à ses caractéristiques collectives : un seul courrier est censé subsumer un très grand nombre d’acteurs. La comparaison comptable avec les autres types de courriers n’a ainsi que peu de sens623.
L’usage très inégale des différents registres d’interpellation est redevable de plusieurs types d’explications. D’abord, chacun des registres est plus ou moins adapté à la saisie critique d’objets particuliers. Ainsi, certains thèmes seraient tendanciellement plus abordés à travers certains registres que d’autres. Ensuite, les opportunités critiques de chacun des registres sont sensiblement différentes. Certains registres permettent la mise en cause directe du maire alors que d’autres laissent au contraire celui-ci hors de portée des griefs. Enfin, il serait plus aisée de s’inscrire dans certains registres que dans d’autres. Les différents registres, pour le dire autrement, seraient plus ou moins facilement mobilisables par les acteurs qui tentent d’interpeller le maire.
Les courriers obéissant au modèle de l’action collective sont, par définition, moins nombreux, mais leur poids n’obéit que très peu à leur fréquence. D’ailleurs, près d’une centaine de courriers types ont été adressés par les citoyens à la mairie lyonnaise lors de l’affaire de la mosquée. Si l’on comptabilisait ces courriers photocopiés reproduisant un même texte agrémenté de la signature individuelle du plaignant, alors le modèle de l’action collective serait certainement le modèle le plus parcouru.