La création de l’ACLIF

C’est à l’issue des premiers contacts entre des “Français musulmans”, M. Chiaverini et André Soulier, maire du 8ème arrondissement de Lyon, que la municipalité demande la constitution d’une association qui puisse faire figure de porteur de projet. C’est l’ACLIF, Association Culturelle Lyonnaise Islamo-Française, association loi 1901640, qui répondra à cette attente. Elle est créée en avril 1980 par Kamel Kabtane, Rabah Kheliff et Mohamed Tahar.

A travers la demande de constitution d’un interlocuteur fiable parmi les musulmans, la mairie de Lyon intervient directement dans la définition du projet. En effet, si l’on ne peut prêter à la mairie l’intention originelle de construire une mosquée et d’être par là l’initiatrice du projet, en désignant de fait les Français musulmans comme étant le groupe auquel elle accordera sa confiance pour mener ce dernier, elle influe pleinement sur la nature des possibles. Ce sont des personnes engagées au sein de la communauté des Français musulmans - membres actifs des associations de rapatriés - qui se verront légitimer pour conduire cette opération. Ces derniers seront tenus pour porte-parole de la communauté auprès des instances politico-administratives et, en retour, seront considérés comme des courroies de transmission vers la communauté.

Au premier rang de l’association se trouvent le capitaine Rabah Kheliff et Kamel Kabtane. Le premier, né en Kabylie, et qui de manière courante garde son titre d’ancien officier de l’armée française, est fondateur de l’Union Nationale des Anciens Combattants Français de Confession Islamique (UNACFCI)641. Directeur du centre culturel de Villeurbanne, il est considéré comme un proche de Charles Hernu. Le second, Kamel Kabtane, né dans les Aures, est fonctionnaire à la Communauté Urbaine de Lyon. Il participe à un très grand nombre d’associations de musulmans et préside notamment l’Association d’Entraide des Français Musulmans, est vice-président de la Fédération Nationale des Rapatriés Français de Confession Islamique (FNRFCI) et est enfin à l’origine de la création d’un journal, Le Rappel, destiné aux Français musulmans. Directeur de la mosquée de Lyon depuis son inauguration en septembre 1994, il a également été sacré chevalier de l’ordre national du mérite en 1988. En 1981, l’association prend pour président Badressine Lahnèche, d’origine algérienne, cardiologue, professeur de médecine à l’Université de Lyon, qui fait office, selon Libération, de “vitrine respectable”642. Il fera ultérieurement partie des membres nommés par M. Joxe, ministre de l’intérieur et des cultes, au sein du Comité de réflexion sur l’islam de France (Corif)643 en 1989.

Notes
640.

Le statut confessionnel conféré par la loi de 1905 n’a pas été retenu. En effet, ce statut, s’il confère divers avantages tels que la récolte de fonds (denier du culte) alors non soumis à la TVA, est relativement contraignant dans le sens où il ne permet absolument aucune autre activité que cultuelle. Aucun enseignement ne peut par exemple être dispensé selon ce statut. D’autre part, le projet initial portait sur un ensemble cultuel et culturel qu’une association fondée d’après la loi de 1905 n’aurait pu gérer.

641.

Ces anciens combattants, insiste Hocine Chabaga, Colonel de l’armée française, doivent être distingués des harkis. Les premiers ont fait une école militaire et sont militaires de carrière ayant opéré sur l’ensemble des théâtre d’opération de l’armée française (Indochine, Suez, Algérie) alors que les seconds n’ont été recrutés que comme supplétifs pendant la guerre d’Algérie [Entretien avec Hocine Chabaga, 14 août 1996].

642.

Lyon-Libération, 10 septembre 1986.

643.

Ce comité réunissait un certain nombre de personnalités influentes de l’islam en France afin de mener une réflexion sur les conditions de développement du culte et plus fondamentalement marquait une tentative, de la part des instance dirigeantes de l’Etat, de constituer un pôle qui puisse faire figure d’interlocuteur représentatif d’une communauté musulmane très divisée.